Collage

Erwin Motor, Dévotion


 

 

Cécile Volanges. Il m’observe.
Je ne suis pas seule.
Mais celle qu’il observe c’est moi.
Sa préférence.
Il me regarde.
Regarde comment je traite
chacune de ces pièces.
Regarde comment j’introduis dans le neiman
le petit ressort
qui permet à la clé
de
s’activer.
Je suis spécialisée dans les voitures.
L’industrie automobile.
C’est comme ça qu’on dit.
L’industrie automobile.
C’est comme ça qu’ils disent.
Nous devons être compétents.
Nous devons être performantes.
Je dis
PERFORMANTES.
Nous ne sommes que des femmes.
Nous devons être PERFORMANTES.
Travailler sans penser à rien d’autre.
L’industrie automobile est soumise aux fluctuations du marché.
C’est comme ça que je le comprends.
Nous sommes soumises aux fluctuations du marché
et nous sommes soumises aussi au risque que l’entreprise ferme.
Les entreprises ferment par ici.
Elles ferment.
C’est-à-dire qu’elles ferment ici pour se rouvrir ailleurs.
Les entreprises s’ouvrent ailleurs.
Je veux dire ailleurs
pas ici
pas chez nous.
À l’étranger.
En Pologne.
Et sans nous.
Je ne parle pas polonais.
Si je parlais polonais
je pourrais partir.
Je veux dire
je pourrais aller en Pologne.
Mais je ne parle pas polonais.
La mobilité de la main d’œuvre
c’est comme ça qu’on dit
est réduite.
Parce que je ne parle pas polonais.

 

 

 

Magali Mougel, Erwin Motor, Dévotion.
Saint-Gély-du-Fesc, Éditions Espaces 34, 2012, p. 14-15.

 

 

 

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