Déplacements : trois itinéraires éco-poétiques
autour de l’animal, du végétal et du minéral

(Michaël Cros, Émilie Flacher et Benoît Sicat)

À l’heure où l’urgence climatique réclame toute notre attention et où sont convoquées d’autres manières d’habiter le monde, des propositions théâtrales s’inventent, sur scène ou hors de ses périmètres définis, dans lesquelles les artistes choisissent de s’entretenir avec les matières du monde (organiques, inorganiques, végétales ou minérales) et les espèces animales les plus familières ou les plus étranges. Par là même, c’est la possibilité d’une cohabitation viable entre humains et non-humains qu’ils engagent et éprouvent. Nous avons souhaité nous entretenir à notre tour avec Benoît Sicat, Émilie Flacher et Michaël Cros, trois artistes qui par leur souci d’accueillir animaux, végétaux et minéraux au sein de leurs créations redéfinissent les frontières de l’art en général et du spectacle vivant en particulier — un vivant qu’ils donnent à penser, à sentir, et à imaginer selon une conception relationnelle débordant les classifications habituellement admises. Ainsi dans leurs manières de faire et de penser la création artistique est-ce la pensée conjointe du théâtre et de l’écologie qui trouve matière à s’épanouir, et que nous nous appliquerons à déplier dans cet article.

Le désir d’articuler leurs trois démarches, aussi singulières soient-elles, tient à un ensemble de préoccupations qu’ils ont en partage et qui peuvent s’éclairer mutuellement. La première est liée à l’étymologie même de l’« écologie » (oïkos, l’habitat, la maison), et renvoie à leur façon de penser à partir des lieux. Jardins, forêts, pâturages ou zoos sont autant de ces lieux à partir desquels ils pensent ou concrétisent leurs créations. C’est aussi à partir de ces lieux qu’ils proposent une conception du théâtre comme écosystème ou paysage, qui loin d’être strictement métaphorique, renvoie à des appréhensions spatiales et scénographiques singulières qui trament l’artificiel et le naturel. Penser à partir des lieux, c’est enfin se demander ce qui, aujourd’hui, a lieu : que se passe-t-il en ce moment particulier que l’on nomme anthropocène ? Mais surtout, qu’est-ce qui, encore aujourd’hui, a un lieu ? Si l’on considère avec l’anthropologue Anna Tsing que l’anthropocène est l’ère de « la destruction des lieux et des temps de refuge pour les peuples humains et autres créatures »[1], alors ces deux acceptions de ce qui a lieu doivent être pensées ensemble. À l’urgence de la « reconstitution » des refuges répondent ainsi les propositions artistiques de Benoît Sicat, Émilie Flacher et Michaël Cros, interrogeant au plateau les modalités d’une hospitalité interpersonnelle et interespèces.

De ces lieux partagés s’ouvre une seconde préoccupation commune : quels récits et quels imaginaires pourraient rendre compte de la vie propre de ce(ux) qui les peuple(nt) ? Les étranges manières d’être de l’animal, du végétal et du minéral intégrés au plateau ne relèvent ni des pierres précieuses, ni des plantes ornementales, ni des bêtes de scène, ni des bêtes sauvages. Elles s’offrent dans leur complexité comme des occasions de repenser les possibilités d’« être-avec-le-monde »[2], écrivait Henri Maldiney, estimant que « l’art ménage à l’homme un séjour, c’est-à-dire un espace où nous avons lieu, un temps où nous sommes présents et à partir desquels, effectuant notre présence à tout, nous communiquons avec les choses, les êtres et nous-mêmes dans un monde, ce qui s’appelle habiter »[3].

In fine, c’est bien à l’écologie comme habiter, comme faire, et comme imaginaire qu’ouvrent leurs travaux et leurs propos, présentés dans les notes qui suivent. Issues des entretiens, discussions et lectures suscitées par nos échanges, ces notes dressent également en creux le portrait de ces trois artistes qui, plus que d’être situables dans la triade « Animal-Végétal-Minéral », ont chacun la volonté de naviguer entre ces termes, de ne pas s’y cantonner et de continuer, chemin faisant, à susciter le déplacement…

 

(Mi)lieux

 

« Artistes en chemin », c’est ainsi qu’aurait pu se nommer cette collection de portraits, et c’est ainsi que se présente Benoît Sicat. Membre du Collectif 16 rue de plaisance, ses perambulations, son goût pour la transgression des cadres et les sorties hors des sentiers battus font qu’il est « toujours là où on ne l’attend pas ». Tout à la fois peintre, jardinier, bricoleur, photographe et luthier, il réinvente sans cesse la matière première de son travail, « cette terre qu’[il] explore, rencontre et cultive dans un jardin source d’expérimentation et d’inspiration »[4]. Plasticien de formation, c’est parce qu’un atelier mis à sa disposition disposait d’un jardin qu’il a vu ses pratiques artistique et horticole se nourrir mutuellement, influençant durablement son appréhension du jardin, de l’atelier autant que celle du plateau de théâtre – des lieux de création, de jeu, et surtout de partage avec ceux qui y viennent, y vivent ou y œuvrent, ayant en commun, dit-il, d’être ouverts à tous les possibles. Ainsi Le Jardin du Possible, « spectacle-paysage » créé en 2002, invitait les spectateurs à évoluer au travers de tas de pierres et de branches parsemant le sol. Dans la salle plongée dans la pénombre se distingue un jardinier, Benoît Sicat, alignant silencieusement des pierres en direction d’un second tas, jetant quelques pierres vers le public et lui offrant par-là la possibilité de s’emparer de ces matières pour, à son tour, jouer avec. Ainsi, dans cet espace où ni scène ni gradins ne viennent délimiter le lieu des spectateurs ni celui de l’interprète, qui se fond peu à peu dans la masse des participants, chacun foule le même sol, s’y assoit, y rampe, y marche ou y court, vient y glaner des branches ou des pierres. La plupart jouent avec, les jettent, les déplacent. Certains tentent de les entasser ou de les ordonner, jusqu’à ce que Benoît Sicat, en jardinier maladroit, vienne défaire ce qui s’érige trop rigoureusement, ou que l’agitation alentour perturbe un équilibre précaire, ou encore que les matériaux eux-mêmes, du fait de leur densité ou de leur forme, contrarient le désir de les stabiliser.

C’est ainsi l’animation des uns et des autres qui amène le vivant dans ce milieu jonché de minéral et de végétal figés, qui est bien, dit Benoît Sicat, « tout sauf un jardin »[5]. Si l’on est effectivement aux antipodes de la tradition du jardin « à la française » et de sa recherche presque despotique d’harmonie et de perfection formelle, ou des jardins mythiques exaltant la fertilité des fruits et des fleurs, la boîte noire du théâtre vient toutefois rejouer le caractère circonscrit du jardin, auquel renvoie la racine indo-européenne (ghorto, enclos). Cette clôture devait traditionnellement « assur[er], contre la nature austère, hostile et entropique, l’ordre, l’abondance et la délectation »[6], elle est ici tout aussi bénéfique pour susciter le désordre, l’abondance et la délectation, moins de la vue et de l’odorat que du toucher et de l’imagination. Pour ce faire, la seule règle qui s’impose et oriente les jeux de construction et de destruction est inspirée par le jardinier et paysagiste Gilles Clément : « Faire le plus possible avec, le moins possible contre »[7].

Cet adage invitant à suivre les inclinations des herbes, des fourrés, des insectes et des bêtes qui se côtoient dans les espaces que nous arpentons ou que nous cultivons participe à faire de la scène un « common middle ground ». Défini par William Cronon comme « le lieu où nous vivons […] l’endroit où chacun de nous — quels que soient le lieu ou la manière — habite »[8], le middle ground est littéralement un terrain d’entente, un milieu partagé. Dans une autre création de Benoît Sicat, Le Son de la sève (2012), c’est au sens propre que l’espace devient ce terrain d’entente : les spectateurs sont conviés à une promenade sensible en plein air dans une forêt « d’arbres sonores », faite de véritables troncs creux sculptés par Benoît Sicat et Nicolas Camus, de sorte que leur seule structure fasse caisse de résonance. « Œuvres conjuguées de l’homme et du temps »[9], ces troncs sont habitables et disposés comme des stèles. Certains sont recouverts de peaux sur lesquelles frapper, d’autres en instruments à vent activés par des souffles humains, mécaniques ou aériens. Jouer et se laisser affecter par les composantes acoustiques et vibratoires émanant du bois mort empêche de qualifier cette matière à partir de l’apparence d’inertie et de stabilité de sa forme. En explorant ainsi la vie propre de ces matières, Benoît Sicat crée les possibilités d’un dialogue, d’une entente, entre les voix et les souffles humains et non-humains. Inscrit au sein même de la matière végétale et influencé par le lieu où celle-ci a pris racine, le langage poétique qui se déploie raconte et rend audible une terre qui se serait tue[10]. Selon l’écrivain Bruce Chatwin, « une terre qui n’est pas chantée est une terre morte »[11]. Les compositions du Son de la sève (2012) n’invitent peut-être pas à réenchanter la forêt – dont les imaginaires se sont construits sur une ambivalente dépréciation/idéalisation, allant de l’espace hostile et maléfique à l’inspirant lieu de retraite, d’un repaire d’êtres sauvages ou fabuleux à un simple « ensemble de bois » dont il faut assurer l’exploitation[12] –, mais du moins à l’entendre pousser, grincer, siffler, bruisser, habitée qu’elle est par une multitude d’existants.

La forêt de Benoît Sicat met ainsi à mal les dualismes du naturel et de l’artificiel — les arbres du Son de la sève (2012), dit-il, tout comme ceux des bocages, sont « le fruit des tailles répétées des hommes et du temps propre au végétal »[13]. L’affirmation du caractère hybride et construit de cette nature mise en scène se révèle davantage encore dans les créations d’Émilie Flacher, co-créatrice de la compagnie Arnica. À partir de matériaux synthétiques dont elle apprécie la maniabilité et les qualités texturales, elle se plaît à créer des « castelets-paysages » herbus et moussus qui affichent clairement leur artificialité. Ainsi combine-t-elle dans Clairière (2015) du feutre et des rouleaux de papier pour façonner une forêt peuplée de bêtes étranges où s’aventure la jeune Ourse, cheminant vers « le reste du monde ». S’enroulant et se déroulant au gré des visions de l’enfant et des paysages qu’elle traverse, le feutre transforme le castelet en univers mouvant et sensible, tramé de sensations, de textures et de voix, accordé à sa quête et son itinérance. Avec le cycle Lapin-Cachalot (2018-2020), consacré aux fables contemporaines et à ses bestiaires, Émilie Flacher réaffirme son désir d’« entrer dans un écosystème », pour « donner la parole aux êtres vivants qui l’habitent »[14]. Entendus comme des systèmes reposant sur l’interaction réciproque d’une communauté d’existants et de leur milieu, les écosystèmes qui retiennent l’attention d’Émilie Flacher sont matérialisés par le caractère dynamique et composite du « castelet-paysage », jouant son rôle propre dans la dramaturgie. Conçu pour être aisément transporté et disposé dans une salle de classe, celui créé pour la première fable, L’agneau a menti (2018), s’offre ainsi comme « une tranche de nature prélevée et posée là » : incluse au cœur du castelet, la marionnettiste Faustine Lancel conte l’histoire écrite par Anaïs Vaugelade, mettant en scène un troupeau de moutons, un patou, un vautour, une tique, une digitale et un jeune agneau esseulé, cherchant tous un terrain d’entente sur le morceau de pâture que chacun cherche à défendre. Enfin, loin des grandes plaines, des hauts plateaux et des bois épais, c’est dans une ville du Sud où vivent les buffles de la fable urbaine de Pau Miró que la compagnie Arnica crée la saison prochaine Buffles (2019). Dans ce spectacle, une fratrie de ruminants étrangement humains tient une blanchisserie dans un quartier populaire miné par la misère tandis que les lions, vivant derrière l’esplanade qui borde la rivière aux côtés des antilopes et des éléphants, rôdent parfois dans les rues de la ville. La perméabilité de ces mondes urbain et sauvage, et l’indécidabilité entre l’humain et l’animal qui travaille toute la pièce, font de cet espace une sombre « jungle des villes » où ni pacte ni entente tacite ne suffit à endiguer la violence qui déstabilise les possibilités de vie commune.

En dépit de l’anthropomorphisme des animaux parlants qu’elles mettent en jeu, on ne saurait trop vite faire de ces histoires l’expression d’une personnalisation réductrice et anthropocentrée. Émilie Flacher recourt notamment à la défense que Dominique Lestel expose au sujet de l’anthropomorphisme et du zoomorphisme, voyant dans ces projections une des conditions pour vivre ensemble et découvrir ce qu’il y a de commun entre l’humain et le non-humain[15]. Ainsi, si la fable L’agneau a menti (2018) répond au schéma classique du conte de Propp tel que Baptiste Morizot le mentionne dans sa critique des documentaires animaliers (« un héros, une situation initiale, une crise, des opposants, des adjuvants, un dénouement… »[16]), c’est pour mieux en détourner les codes et les stéréotypes. En mettant en jeu la recherche d’hospitalité d’un jeune agneau ayant fui le camion qui l’emmenait à l’abattoir, et rusant pour échapper au vautour, se faire accepter par le patou — ce gros chien qui se prend pour un mouton — puis par le reste du troupeau, Anaïs Vaugelade dessine des intériorités animales et végétales subtiles. Une subtilité dont témoignent le jeu et la manipulation de Faustine Lancel ainsi que la variété des marionnettes créées par Émilie Flacher. Hors de toute injonction moralisatrice, les fables de la compagnie Arnica donnent ainsi la parole à l’animal « ni comme motif allégorique, ni comme contre-exemple », mais bien comme « une autre présence au monde »[17], invitant à repenser aujourd’hui les rapports interpersonnels et interespèces.

Faisant lui aussi le choix de l’anthropomorphisme et soucieux d’observer les comportements des bêtes interagissant avec l’humain sur un même territoire, c’est d’abord l’espace du zoo qui a fasciné Michaël Cros, artiste « transdisciplinaire » de la compagnie La Méta-Carpe. D’abord interpellé par le phénomène des zoos humains, à propos desquels les études se sont popularisées au début des années 2000, il crée et met en cage Le Duo Sombre (2007), prémisse d’un cycle de créations explorant les figures d’un « Peuple Sombre ». Fait de créatures anthropomorphes, humaines et non-humaines, cette communauté hybride s’est ouverte progressivement à des créatures allant vers le végétal. Ainsi les premiers « BB végétaux », troublantes sculptures-marionnettes faites de terre, sphaigne, gazon et plantes diverses, résille, PVC et fil de pêche sont-elles exposées pour la première fois en 2010 dans les cages abandonnées de l’ancien Jardin zoologique de Marseille, au Palais Longchamp. Pour le vernissage de l’exposition, Michaël Cros et La Méta-Carpe mettent en scène Avant-Cages (2010), une performance déambulatoire à travers le Jardin zoologique, en écho au zoo Chaleurhumaine (2010) de la compagnie, présenté au muséum d’histoire naturelle voisin. Dans ce « zoo humain éphémère » se révèlent des « corps sombres » (humains ou marionnettes en zentaï noir), des « corps thermiques » (empreintes thermiques de corps imprimées sur des plaques en métal), et des corps végétaux dont s’occupent consciencieusement des soignants. En dépit des ruptures et des séparations qu’induit ce lieu du zoo, délimitant clairement les espaces de captivité et de liberté, la Méta-Carpe joue de la temporalité des « BB végétaux » et de leur propension à croître et à se disséminer au-delà de leurs propres limites : dès lors naît l’idée selon laquelle ces créatures du Peuple Sombre, selon l’endroit où elles se trouvent peuvent « s’hybrider avec leur environnement »[18]. Hors de la cage, ces environnements, qu’ils soient pratiqués in situ ou reconstitués dans la boîte noire du théâtre se présentent alors comme autant d’espaces de gestation — et d’observation — des manières dont les corps prennent racine, s’animent, s’entremêlent. Ils deviennent de véritables vivariums à l’équilibre fragile.

Michaël Cros © Maria Mouriès E.

Michaël Cros manipulant un « BB végétal » à Casa Loba.
Station Internationale d’art performance, Reillanne, 5 août 2017.
© Maria Mouriès E.

Faustine Lancel © Cie Arnica

Faustine Lancel au cœur du « castelet-paysage » de L’agneau a menti.
Bourg-en-Bresse, 2018.
© Cie Arnica

 

Refuges

 

En quels temps, mais surtout en quels lieux vivons-nous ? Si l’anthropocène est l’ère de la destruction des refuges, quelles possibilités inventer pour vivre parmi les ruines[19], dirait Anna Tsing, quelles places ménager, quels espaces offrir, quels recoins pour penser une cohabitation viable ? Ces questions traversent les créations actuelles d’Émilie Flacher, qui voit dans le détour par l’animal l’occasion « d’apprendre des choses sur la cohabitation, sur la manière dont on vit les uns avec les autres »[20]. Sur la manière dont on peut, comme dans la fable d’Anaïs Vaugelade qu’elle met en scène, se montrer hospitalier, attentif et attentionné envers les êtres les plus vulnérables (étymologiquement, celui qui est « dépouillé de sa toison » et par extension, « arraché, déraciné, tourmenté »). Cet intérêt pour les relations qui s’inventent entre les espèces va de pair avec la reconnaissance des mondes propres (Umwelten) à chacun de ces cohabitants, tous ayant une manière singulière de percevoir et d’agir avec leur environnement. Aussi un même chêne abritera-t-il peut-être le Grand Capricorne, comme a pu l’observer Benoît Sicat en ramassant du bois pour Le Son de la sève (2012), et avec lui, « le renard, qui a construit sa tanière entre les racines ; la chouette, qui perche dans les fourches de ses branches puissantes ; l’écureuil, pour qui il offre un véritable dédale d’échelles et de tremplins ; la fourmi, qui fourrage dans les replis et les escarpements de son écorce ; le scarabée percebois qui pond et nourrit ses œufs sous l’écorce, et des centaines d’autres habitants »[21]. Une diversité qui invite à penser les places et la proximité des espèces dans un même milieu. Étudiés par l’anthropologue Edward T. Hall dans ses travaux sur la « proxémie », et particulièrement dans des notes interrogeant la « distance de fuite » des animaux, les positionnements et les « mécanismes d’espacement »[22] observés chez différentes espèces répondent pour la plupart à des comportements mis en œuvre pour se réfugier (refugere : « fuir en rebroussant chemin »).

Benoît Sicat apporte d’humbles propositions à cette aspiration, lui dont le collectif fait du nomadisme et de l’occupation provisoire de bâtiments préemptés, parfois destinés à une démolition prochaine, une composante essentielle de son travail : « 16 rue de plaisance n’habite plus à l’adresse indiquée […] 16 rue de plaisance habite ici et là et même là-bas […] 16 rue de plaisance multiplie les adresses : elle habite une affaire commune »[23], plaisante-t-il. En dehors de cette « affaire commune », Benoît Sicat considère le jardin partagé comme l’exemple même de la création de refuges et d’assemblages interespèces, qu’il a pu compter parfois jusqu’au nombre de deux cents sur son unique parcelle. Mais les refuges qu’il monte et démonte ces derniers temps, ce sont ceux de Camping interdit (2018), une « forme nomade avec des tentes prototypes qui deviennent des extensions du corps, des costumes, des abris »[24]. Elles se déclinent ainsi en « tentes gigognes, tente origami aluminium, tente suspendue ou balançoire, tentes musicales, […] tente lumineuse à réorienter en fonction du soleil, tente à pluie… ». Tantôt lourdes ou légères, stables ou bancales, elles « perdent leur forme et la reprennent » selon leur propre organisation, les degrés de résistance et les forces humaines ou atmosphériques qui s’y appliquent. Certaines s’adaptent à la surface qui les soutient, d’autres s’envolent en un coup de vent, d’autres encore ont des allures animales ou se muent en d’accueillantes carapaces. Les manières infinies de faire, défaire et pratiquer ces tentes, n’ayant comme limites que l’inventivité des trois artistes (Benoît Sicat, Alice Millet et Nicolas Camus) et des joueurs qui les rejoignent dans ce camping éphémère, élargissent ce que « bâtir », « habiter » et « vivre » veulent dire. Ces trois termes qu’articule l’anthropologue Tim Ingold, dans un chapitre sous-titré « Comment hommes et animaux construisent-ils leur demeure dans le monde ? », ont le mérite de nommer conjointement les manières d’être au monde et les « processus continus » par lesquels les êtres vivants créent leurs environnements. Tim Ingold y distingue la « perspective constructiviste », selon laquelle « les mondes sont fabriqués avant d’être vécus, ou, pour le dire autrement, les actes d’habitation sont précédés par des actes de fabrication »[25], et la « perspective résidentielle », inspirée de la philosophie d’Heidegger et qui inverse la relation du bâtir et de l’habiter : « C’est seulement quand nous pouvons habiter que nous pouvons bâtir »[26]. Suivre cette seconde perspective, qui rejoint encore une fois pour Benoît Sicat la logique du jardin partagé et influence aussi l’architecture contemporaine, c’est prendre en compte « “l’agent-dans-son-environnement”, ou ce que la phénoménologie appelle “l’être-au-monde”, par opposition à l’idée d’un individu autonome qui se confronterait à un monde présent “dehors” »[27]. C’est en outre adopter une conception de la vie comme processus générateur de formes, de pratiques et de relations. Ainsi les architectures mouvantes et les constructions précaires de Camping interdit (2018) relèvent-elles de ce souci de recomposer des espaces vivables et partagés. Camping interdit, explique Benoît Sicat, « ce n’est pas une colonie de vacances, c’est un camping ! C’est donc un spectacle interdit aux enfants non-accompagnés »[28]. Une interdiction — la seule — qui est non seulement un moyen d’éviter les élans de démolition de certains petits, mais surtout l’occasion de questionner « les relations parents-enfants », les échanges et les responsabilités réciproques qu’elles impliquent.

Ces liens de parenté, d’attention et de soin sont constitutifs des nouvelles hospitalités que requiert notre époque. Ainsi pourrions-nous reprendre les mots de Donna Haraway, élargissant la portée de ces liens de parenté et s’exprimant ainsi :

Mon but est que « parents » signifie autre chose/plus que des entités liées par l’ascendance ou la généalogie. […] Je pense que l’élargissement et la recomposition de la parenté est autorisée par le fait que tous les Terriens sont parents proches, dans le sens le plus profond, et il est grand temps de pratiquer de meilleurs soins aux genres-par-assemblages (car une espèce n’est jamais seule). Parenté est une sorte de mot qui engage une notion d’assemblage. Alors, faites des parents, pas des bébés ! Comment les proches génèrent de la parenté, c’est cela qui importe[29].

À travers la mise en scène de gestations et d’hybridations humaines, animales et végétales, Michaël Cros recompose en ce sens les parentés du Peuple Sombre, se jouant de « cette sorte d’étrangeté, où le descendant ne ressemble pas forcément à l’ascendant »[30], et rendant impossible la réponse à la question « qui engendre qui ? ». Faire-parenté, dans l’univers de la Méta-Carpe, c’est aussi être attentif et attentionné à l’égard de ces enchevêtrements compos(t)ites[31] dans lesquels et par lesquels chaque créature se définit et assure sa subsistance. La sollicitude des soignants et la patiente observation dont font preuve les chercheurs qui œuvrent dans l’intégralité des créations de la Méta-Carpe depuis 2010 ouvrent ainsi sur cette éthique du care : avec Corpus Sanum (2013), l’équipe de la Méta-Carpe transformait notamment l’ensemble du TJP-Strasbourg en sanatorium, faisant du plateau un solarium, du grenier un laboratoire et une couveuse, du foyer un ensemble de chambres cloisonnées avec des lits médicaux ainsi qu’un grand salon où l’ensemble des visiteurs se retrouvaient à l’issue de leur déambulation de lieu en lieu pour un grand bal mondain. Un imaginaire inspiré par le sanatorium de La Montagne magique de Thomas Mann auquel Roland Barthes se réfère dans son cours au Collège de France, « Comment vivre ensemble ». Cette interrogation fondamentale se résume aujourd’hui dans l’expression qui sert de paradigme aux créations de la Méta-Carpe : la vivance. Un néologisme « non encore trop coloré » par lequel Michaël Cros désigne non seulement les vivants, mais aussi les interactions complexes qui se trament entre eux. Husserl employait quant à lui cette notion de vivance pour désigner de façon abyssale « le vivant de la vie, l’énigme du vivant, ce qui maintenant maintient en vie la vie »[32]… Manifester la vulnérabilité de ce qui est maintenant maintenu en vie (mais pour combien de temps, à quel prix, et sous quelles modalités ?), intégrer au plateau ces « autres formes de vivance » est bien ce qui continue d’animer les recherches de la Méta-Carpe : la prochaine création, Le Solo capture, porte ainsi sur « la relation entre primates et humains, entre espèces menacées, et sur ce qu’elles peuvent avoir à se dire »[33]. Sur la vigilance et le souci de l’autre que le moment que nous vivons requiert.

 

« Je choisis un talus d’argile abrité d’un arbre.
Il sera la charpente vivante du terrier.
Le gardien/le père/le repère.
Je me terre sous l’arbre.
En creusant je suis la terre et les racines.
Comme le tailleur suit le fil.
Se terrer pour avoir le silence.
Si rare silence autour.
Si rare silence en soi.
Pour redonner du son à la terre, à sa chair.
Se faire vibrer tout entier.
Ici est trop petit pour danser.
Ici la danse est à l’intérieur de soi.
Ici tu peux chanter, chuchoter, t’écouter vibrer, respirer, hurler si ça te chante.
Sentir les infra-basses quand tu grognes l’animal que tu retrouves en toi.
Le terrier n’est pas qu’une sculpture.
Le terrier n’est pas qu’un habitacle.
Le terrier est une expérience.
On s’y introduit quand le corps veut bien s’y introduire.
Être dans cette voûte de terre.
Cette boîte crânienne aux mille racines.
Ce trou noir cosmogonique troublant.
Dans le tout petit de mon moi et dans son infini. »

Benoît Sicat, Le Terrier,
août 2005 (Nannay).

 

Cohabitants

 

Vivre ensemble, sur une Terre à laquelle nous tenons et qui tient à nous[34], suppose de reconsidérer la pluralité des manières d’être au monde, et avec elles, « l’énigme des manières d’être vivant »[35]. Selon Baptiste Morizot, qui propose cette formule, « les structures les plus architectoniques des comportements vivants ne sont pas spectaculaires. Elles sont subtiles, presque pudiques, minimales d’être évidentes pour la forme de vie qui les échange »[36]. Mettant en cause la tendance répandue des documentaires animaliers, ayant « souvent le vice conjoint de personnaliser les êtres sur le modèle de l’ego humain, et de dramatiser leur existence par les artifices d’un darwinisme grossier »[37], Baptiste Morizot attribue la « litanie omniprésente de la survie des plus aptes » à la nécessité médiatique supposant de captiver et d’émouvoir le spectateur humain. Loin de cette dramatisation spectaculaire, la vie des animaux qu’il a longuement observés relève plutôt « d’un lent ballet sans paroles, d’actes discrets hautement signifiants, d’échanges de regards et d’odeurs sans drame, et de longue détente commune entre prédateurs et herbivores — jusqu’à l’attaque fulgurante »[38]

Faire spectacle de l’ordinaire dans ce qu’il a de précaire et de non-spectaculaire, tel est également le propos de Michaël Cros dans Über Beast Machine (ÜBM), spectacle qu’il a créé en 2018 et pour lequel il a imaginé et conçu une créature anthropomorphe, robotique et végétale, qui donne son nom au spectacle. Contre toute attente, ÜBM n’est pas aussi extraordinaire que son nom l’indique : ce n’est ni l’Übermensch (le Surhomme) de Nietzsche, ni l’Über Marionnette de Craig, ni une bête effrayante, ni un automate à la mécanique parfaite, mais bien un hybride à l’existence fragile. Disposé sur un fauteuil roulant au sein duquel il tend à s’affaisser, incapable de tenir la station debout sans le soutien des trois danseurs-marionnettistes qui s’exécutent autour et avec lui comme autant de soignants ou de chercheurs, ÜBM a plutôt des allures d’infirme. Sa constitution végétale le rend en outre fortement dépendant à la luminosité, l’hydrométrie et la température, et suppose une attention constante visant à maintenir la vitalité des plantes qui le composent. Pour matérialiser les dépendances d’ÜBM, Michaël Cros et Sylvain Delbart ont inventé des dispositifs conjuguant systèmes de capteurs et programmation informatique. Ces dispositifs permettent de réguler, mais aussi de rendre visibles les échanges qu’ÜBM entretient avec son environnement, humain et non-humain. Ainsi des gestes rapides réalisés devant son œil-caméra entraîneront par exemple le passage d’un état codé comme « calme » à un état de « colère suprême », se traduisant par des mouvements de tête plus vifs et saccadés et une variation de son baromètre « affectif », affiché sur un écran placé en fond de scène. Ses quelques capacités comportementales et interactionnelles sont en somme minimales, discrètes, intermittentes. Elles le font osciller, suivant ce qu’il perçoit ou ce qu’il reçoit comme information du programmateur, entre des états d’indifférence, de détachement, de calme, d’agacement, d’énervement, ou encore de curiosité et de vigilance. Ainsi, en dépit de la complexité technique qui sous-tend la conception d’ÜBM, les imaginaires auxquels il renvoie ne tiennent ni à une ambition techniciste, ni à un rêve survivaliste, mais bien plutôt à l’ordinaire d’une vie qui menace de s’éteindre et manifeste le caractère vital et vivant des liens qui la font perdurer.

La volonté de reconnaître des mondes propres et de valoriser la pluralité des façons d’être au monde, qui anime les explorations de la Méta-Carpe et guide la création d’ÜBM (2018), ouvre selon Michaël Cros sur la possibilité d’un décentrement. Celui-ci conduit à prendre acte des proximités et des interdépendances qui relient l’ensemble des existants. Ainsi, éprouver ces cohabitations, c’est ne plus reléguer les autres vivants, aussi étranges soient-ils, à « un dehors sauvage, inaccessible, intact, hostile ou pur »[39], mais prendre acte de leur présence parmi nous. Outre la partition entre naturel et artificiel, c’est alors celle entre sauvage et domestique que Michaël Cros s’attache à brouiller, en peuplant le plateau de créatures hybrides ou en allant au contact direct d’animaux et de végétaux pour questionner leurs manières d’être vivants. En dépit de leur mutisme, elles semblent nous renvoyer inlassablement à une même question : qui est le sauvage de qui ?

© LMC

Protocole d’improvisation #1 des danseurs de La Méta-Carpe avec des macaques de Tonkean. 
Centre de primatologie de l’Université de Strasbourg, 2016.
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Aussi dirons-nous avec Baptiste Morizot, qu’aujourd’hui, alors que « plus de neuf dixièmes des terres émergées de la planète sont […] anthropisées »[40], il est grand temps de repenser ce que « sauvage » veut dire, et d’interroger la manière dont les mythes du wild ont durablement marqué nos imaginaires et nos façons d’être au monde. S’attaquant à ces mythes dans l’installation chorégraphique Sauvages (2014), prélude et genèse à ÜBM (2018), Michaël Cros met en jeu le Peuple Sombre à ciel ouvert et à la tombée de la nuit, dans « un sous-bois très enchevêtré, plein de présences suspendues et de cachettes, plein de frôlements et de fuites »[41]. Avec les danseurs de sa compagnie et une dizaine de complices tapis dans l’ombre et les fourrés, il laisse les spectateurs munis d’un plan et d’une lampe torche explorer les environs, là où rôdent ces quadrupèdes dansants, et où se cache une étrange Bête. Créée par Arnaud Louski-Pane et toute faite de branchages, la Bête est une chimère empruntant autant à l’animalité qu’à l’humanité. Renvoyant aux imageries du Diable, du centaure et du satyre, et évoquant les stigmates de la folie telle qu’envisagée à l’âge classique — où « ceux qu’on enchaîne aux murs des cellules […] ne sont pas tellement des hommes à la raison égarée, mais des bêtes en proie à la rage naturelle »[42] — elle conjugue les pathologies de l’animal détenu en cage et l’imprévisibilité de ce qui refuse d’être domestiqué. En cela, la Bête recompose une figure singulière de l’animalité, ni tout à fait effrayante, ni tout à fait attachante, mais proprement vivante, capable de « respirer, passer, trembler, écarter, courir, bondir, tomber, regarder, fuir, guetter, frayer, se perdre, attendre, traverser, mourir… »[43].

Émilie Flacher s’empare de cette question pour tâcher de définir l’animalité troublée à l’œuvre dans Buffles (2019) et l’apparente sauvagerie des figures mises en jeu. Ainsi, en s’ouvrant sur la mort du plus jeune de la fratrie, et en exploitant le caractère périssable et violent des liens qui unissent le troupeau, Buffles (2019) reconsidère les ambivalences du sauvage et du domestique. En ce sens, le père valorise les espaces ordonnés que sont les supermarchés, les églises, et bientôt sa blanchisserie, qui sont autant de « havres de paix » que l’on fréquente « pour se reposer de l’irritabilité des villes »[44]. Les cinq jeunes buffles subissent quant à eux cet enfermement à travers une violence « bizarre et accablante ». Une rage qu’ils libèrent en se rouant de coups, mais qui pour eux n’est qu’un jeu, des « caresses incontrôlées » qui sont comme une façon maladroite que trouvent des adolescents pour faire clan et sceller les liens qui les unissent. C’est le même besoin de libérer cette rage, tout en se préservant mutuellement, qui les conduit à fréquenter le monde extérieur pour y chercher d’autres victimes à sacrifier. Ce n’est qu’à ce prix que se reconquiert provisoirement la paix au sein de la fratrie — un mécanisme autorégulateur conjuguant l’exutoire et le pacte que René Girard a su mettre au jour dans Le Bouc émissaire (1982)[45]. Ainsi dans l’œuvre de Pau Miró les sauvageries auxquelles s’adonnent les jeunes buffles sont-elles à proprement parler ce qui les sauve.

Pour reprendre les mots de Baptiste Morizot, cette réaction aux tentatives de domestication rejoint le mythe de la nature sauvage, qui est « une métaphysique d’enchaîné qui veut se déchaîner »[46]. Sortir de ce mythe du wild, dit Morizot, suppose d’apprendre à « sentir ce qu’est l’animal que nous sommes et qu’ils sont »[47], chose que la fable urbaine de Pau Miró et les recherches d’Émilie Flacher pour sa mise en scène s’attachent à explorer.

Benoît Sicat n’est pas totalement étranger non plus à ces questionnements, lui qui déplore que notre imaginaire occidental soit encore « largement marqué par des visions négatives de la forêt »[48], présentée « dans nos contes, nos histoires, comme l’espace du sauvage et du danger ». S’il reconnaît avoir connu des « frousses » en forêt, celles-ci n’étaient que « des peurs de surprise : c’est un sanglier qui s’en va au galop, mais en réalité, c’est lui qui a eu peur avant moi ! » C’est cette pensée de la surprise et de l’imprévisible qui permet d’articuler la démarche artistique de Benoît Sicat au sauvage, et plus précisément à ce qui échappe à la volonté proprement humaine de maîtrise et de domestication. Ainsi oppose-t-il d’un côté « ceux qui veulent absolument tout contrôler, […] qui ont d’abord une idée, un concept, et vont tout mettre en œuvre pour réaliser cette idée », et de l’autre, une tendance dont il se sent plus proche « qui est d’observer, et parfois… faire des erreurs ». Une attitude que Benoît Sicat rattache au fait de cultiver le hasard et de jouer avec l’imprévisible – au double sens proposé par l’artiste Simon Hantaï, qui conjugue, dit-il, « « l’imprévu/l’inattendu/la surprise » et « ce qui ne peut être vu/n’a pas été vu avant/l’impré-visible »[49]. Ainsi ajoute-t il :

J’aime les choses qui m’échappent. L’accident est un moteur capable de remettre en marche un corps en panne d’idées. Je ne construis pas dans l’ordre. Je déconstruis et reconstruis de façon anarchique, empirique, brute et primitive : c’est une méthodologie très intuitive. Ça commence par la peinture imprévisible, traduction d’un geste physique et poétique, un vocabulaire immanent, fruit d’un lâcher-prise qui oublie, bricole et recycle les images du passé[50].

À l’instar du bricoleur dont Lévi-Strauss dresse le portrait au premier chapitre de La Pensée sauvage, Benoît Sicat reconnaît dans la pratique du jardinage et dans celle de la création artistique une importante part d’aléatoire, qui nécessite une grande disponibilité à ce qui advient et à ce qui pourrait être, pour « toujours s’arranger avec les “moyens du bord”, c’est-à-dire un ensemble à chaque instant fini d’outils et de matériaux, hétéroclites au surplus »[51]. Ces arrangements dont la forme finale n’est jamais préméditée, « inévitablement décalée par rapport à l’intention initiale », procèdent par recyclage d’idées et de matières, qui cheminent et germent différemment selon les occasions du moment : ainsi sa dernière création, Camping interdit (2018), est-elle née de la réutilisation de petits prototypes de soufflets en papier créés pour Le Son de la sève (2012), et qui se sont avérés constituer de curieux abris, tentes et cabanes. Aussi écrit Benoît Sicat :

J’ai le sentiment de produire des spectacles de matières, des matières chaque fois différentes qui m’emmènent vers de nouveaux sentiers et tracent une arborescence complexe dans laquelle je me perds parfois et j’aime ça. Ne pas me retrouver là où j’avais prévu d’aller[52].

Un tel déplacement suppose pour l’artiste d’être aux prises avec le monde et de reconnaître celle toute relative qu’il a sur les éléments souvent fragiles et retors qui le composent et qu’il côtoie. Dans ces subtils jeux d’interdépendance où s’entremêlent les dynamiques propres à chaque forme de vie, le sauvage, le nuisible, méritent alors d’être renommés et partant, reconsidérés, comme le propose Baptiste Morizot :

il s’agit aujourd’hui de les recoder comme des cohabitants, ou des convives, sachant que nous ne sommes pas l’hôte, mais aussi des convives. Nous sommes tous, nous et eux, hétérotrophes et autotrophes, invités à la table du soleil[53],

 

Faire et imaginaire écologiques

 

Ainsi arrivés au terme de ce parcours, que nous ouvrions avec l’étymologie du mot « écologie », pouvons-nous énoncer un dernier type de rapport : celui que ces trois artistes entretiennent avec ce mot même, dont les ambiguïtés, les récupérations et les recours métaphoriques font peser sur son emploi quelques méfiances. Pour témoigner de cette complexité, Benoît Sicat se fonde sur l’ambivalence des discours qui ont pu lui être adressés à l’issue des représentations du Son de la sève (2012) : d’un côté, ceux l’accusant d’avoir littéralement « tué des arbres », oubliant dit-il que les chaises sur lesquelles ils se trouvent sont issues de la coupe d’arbres vivants et non de la récupération d’arbres morts. De l’autre côté, ceux d’un expert forestier l’incriminant d’avoir déplacé et utilisé ce tronc mort qui abritait des Grands Capricornes, et à qui il fut difficile de faire entendre que ledit tronc, trouvé dans le fossé d’un ancien bois en passe d’être transformé en golf, était déjà condamné… D’autres retours quelque peu caricaturaux font quant à eux du Jardin du possible (2002) « un projet parfaitement écolo ». Ce à quoi Benoît Sicat ne souscrit pas entièrement, rappelant qu’il utilise de l’éclairage pour la scénographie, un véhicule diésel pour partir en tournée, et que les activités artistiques, comme la plupart des activités humaines, génèrent une indéniable pollution. Face à la multiplicité des interprétations que recèle le terme d’écologie et au constat selon lequel « si on veut faire les choses de manière parfaitement écologique, on ne fait plus rien »[54], Benoît Sicat se propose plutôt d’envisager les limites et les moyens auxquels on consent, une fois de plus, pour faire avec. C’est ainsi en termes de pratiques, de manières de faire, de penser, de sentir et d’imaginer que peuvent se déployer les questionnements écologiques.

Comme le remarque Rémi Beau dans L’Éthique de la nature ordinaire :

l’intention de « faire avec » présuppose de reconnaître que nous avons à traiter avec des partenaires naturels, non des objets, autrement dit avec des acteurs dont les intérêts multiples ne rejoignent pas nécessairement les intérêts humains[55].

Ainsi, propose-t-il, « faire avec », c’est « multiplier les pratiques qui nous mettent en relation avec la nature. C’est une manière d’opter pour la diversité, de nos façons de faire avec la nature, de nos rapports à celle-ci »[56]. En ce sens, c’est bien sur la relation qu’est mis l’accent, et particulièrement sur celles qu’entretiennent les êtres vivants, entre eux, et avec leur environnement. Celles-là mêmes qu’étudie la science écologique, et dont Benoît Sicat dit se sentir plus proche. Si c’est également sur les échanges art-science qu’œuvre Michaël Cros, soucieux d’éclairer l’épuisement des ressources ou les extinctions de masse à la lumière des travaux récents des sciences du vivant et de l’éthologie, il préférera pour sa part parler de « questions environnementales » : une notion qui contrairement à celle d’écologie n’est pas « phagocytée par un courant politique »[57] vis-à-vis duquel il aurait à se positionner. En dépit de cette réserve, Michaël Cros articule ces questionnements environnementaux à ce que nous pouvons nommer un « faire » écologique, dans le cadre notamment du projet de recherche « Construire Polluer Créer »[58] qu’il mène aux côtés de constructeurs de marionnettes et d’ingénieurs spécialistes de l’éco-conception.

Se défendre de prescrire « quoi faire », mais reconsidérer « ce qu’est le faire »[59], c’est aussi imaginer la multitude des logiques auxquelles celui-ci peut répondre hors des impératifs habituels d’efficacité, d’expertise et d’omnipotence. Ainsi, dit Benoît Sicat, « le végétal me grandit le regard et me rapetisse l’orgueil »[60]. Une posture qui, touchant à la disponibilité, l’humilité et l’attention, suppose de doser le degré d’intervention ou de retrait. L’épreuve de cette subtilité, Michaël Cros la tient quant à lui de ses recherches en centre de primatologie, et notamment de ses immersions dans l’enclos des macaques et des babouins en vue de la création du Solo capture. Comment entrer dans la cage et regarder les animaux[61] ? Faut-il se soumettre à l’injonction partagée par nombre d’éthologues et « ne pas déranger », ou au contraire assumer les perturbations et les dérangements causés par l’étrangeté de sa présence ? Décrivant l’expérience de voir, d’être vu, et « de se voir vu », les propos de Michaël Cros font écho à la relation responsable dont parle Haraway, « une relation entre êtres capables de se répondre »[62] qui déplace la posture de l’observateur et l’ouvre par là même à d’autres formes de sensibilités. Influencée elle aussi par les découvertes récentes de l’éthologie, l’attention et l’observation sont depuis longtemps pour Émilie Flacher des domaines privilégiés de recherche et d’expérimentation : travailler sur l’animal l’oblige plus encore, dit-elle, à « déplacer le regard, à déplacer l’attention »[63], non seulement pour mieux voir, mais surtout pour considérer autrement ce qui fait le commun et le singulier des êtres en présence. Aussi ce déplacement n’est-il pas seulement affaire de contemplation, ni nécessairement de ralentissement : si avec Clairière elle faisait ce pari de la lenteur offrant le temps de scruter le déroulement des paysages, la première fable de Lapin-Cachalot s’offre en un mouvement vif et fugace comme un condensé de sensations. La simultanéité et la brièveté de certaines manifestations, ou encore le passage du microscopique à la vision d’ensemble avec lesquels joue la marionnettiste sont semblables pour Émilie Flacher aux modalités d’observation qui s’éprouvent en pleine nature, là où chaque être a sa manière singulière d’apparaître et d’attirer, ou non, l’attention. Qualifiée de « phanérologie » par Adolf Portmann qui en a élaboré les fondements, l’étude des « modes d’apparaître animaux » révèle bien le caractère déroutant de certaines manifestations difficilement observables — comme cette tique que met en scène Émilie Flacher dans L’agneau a menti (2018), et que l’on aperçoit, dit-elle, toujours trop tard… une fois qu’elle nous a déjà piqués. Comme en témoigne sa proposition de représentation de la tique, et comme le note très justement Baptiste Morizot, les modalités d’apparition de ces « présences invisibles », de « ce qui produit des effets sans être vu […] génère nécessairement des extrapolations fantasmatiques et des projections anthropomorphiques. On substitue à une absence de représentation perceptive […] un contenu imaginaire, même s’il n’est pas pertinent »[64]. Si cela peut finir par s’avérer inopportun dans le cas de la diplomatie lupine qu’entreprend d’établir Baptiste Morizot, c’est au contraire pour les artistes de spectacle vivant des occasions renouvelées de nourrir l’imaginaire de la scène et de ce qui la peuple.

Ainsi est-ce davantage en ces termes d’imaginaires et de sensibilités écologiques que se retrouvent Benoît Sicat, Émilie Flacher et Michaël Cros. Que cela passe par le fait de façonner des récits du futur « compost-istes »[65] ou des fables contemporaines, ces manières de faire des mondes ne peuvent se passer d’une confiance soutenue en cette inépuisable ressource qu’est l’imagination, trouvant dans les situations de jeu et de spectacle vivant la possibilité de s’exercer et de se partager. Aussi le spectacle vivant, tel que le recomposent les propositions artistiques de Michaël Cros, Émilie Flacher et Benoît Sicat élargit-il ici le nombre d’entités étranges pouvant peupler sa scène autant que ses parentés avec les autres arts. S’il manifeste enfin des porosités avec l’écopoétique[66], il ne se contente pas d’évoquer « l’environnement non humain comme acteur à part entière », ni même de suggérer « l’idée de la nature comme processus » : il les fait exister dans le temps et le lieu de la représentation et les donne à entendre, témoignant non seulement des « préoccupations environnementales » de notre temps, mais aussi de la responsabilité que cela implique. Une responsabilité qui conjugue la nécessité de répondre, de regarder et de respecter — « tenir en regard, répondre, regarder réciproquement, remarquer, prêter attention, avoir un regard courtois pour, avoir de l’estime, écrit ainsi Donna Haraway, tout ceci s’articule dans un accueil poli, pour instituer la polis, “où” et “quand” des espèces se rencontrent »[67].

 

Notes

[1] Donna Haraway, « Anthropocène, Capitalocène, Plantationocène, Chtulucène. Faire des parents », trad. Frédéric Neyrat, Multitudes, 2016|4, no 65, p. 76.

[2] Henri Maldiney, Regard, parole, espace, Lausanne, L’Âge d’Homme, 1973, p. 189.

[3] Ibid., p. 147-148.

[4] Benoît Sicat, « Ma peinture paysage », benoitsicat.blogspot.com (site de l’artiste).

[5] Propos de Benoît Sicat recueillis lors de l’entretien du 19 juillet 2018 (Rennes).

[6] Alain Roger, Court traité du paysage, Paris, Gallimard, 1997, p. 42.

[7] Voir Gilles Clément, Le Jardin en mouvement, Paris, Pandora, 1991, Le Jardin planétaire, L’Aube/Châteauvallon, 1997 et Manifeste du Tiers paysage, Paris, Éditions Sujet-Objet, 2004 auxquels se réfère Benoît Sicat.

[8] « The middle ground is where we actually live. It is where we-all of us, in our different places and ways-make our homes » (William Cronon, « The Trouble with Wilderness : Or Getting Back to the Wrong Nature », dans John Baird Callicott et Michael Nelson (dir.), The Great New Wilderness Debate, Athens (Géorgie), University of Georgia Press, 2008, p. 490).

[9] Cité dans la présentation du spectacle Le Son de la sève (2012) sur le site de Benoît Sicat.

[10] Référence est faite à l’ouvrage inspirant de David Abram, Comment la terre s’est tue. Pour une écologie des sens, Paris, La Découverte, 2013.

[11] Bruce Chatwin, The Songlines, Londres, Penguin Books, 1987, p. 52.

[12] Voir l’article « Forêt » de L’Encyclopédie, rédigé par M. Le Roy, Lieutenant des Chasses du parc de Versailles. Voir aussi Robert Harrison, Forêts. Essai sur l’imaginaire occidental, trad. Florence Naugrette, Paris, Champs, 2010.

[13] Cité dans le dossier de présentation du spectacle Le Son de la sève (2012).

[14] Émilie Flacher, « Note d’intention du spectacle L’agneau a menti », 2018 (pour cette citation et la suivante).

[15] Voir « Le commun sans frontières, entretien avec Dominique Lestel »Vacarme, dossier « Bêtes à penser » , no  70, 22 janvier 2015.

[16] Baptiste Morizot, Les Diplomates. Cohabiter avec les loups sur une autre carte du vivant, Marseille, Wildproject, 2016, p. 166.

[17] Émilie Flacher, « Note d’intention de Lapin Cachalot », 2018.

[18] Propos de Michaël Cros recueillis lors de l’entretien le 19 avril 2018 (Skype Lyon-Marseille).

[19] Référence est faite à Anna Tsing, Le Champignon de la fin du monde : sur la possibilité de vivre dans les ruines du capitalisme, trad. Philippe Pignarre, Paris, La Découverte, 2017.

[20] Propos d’Émilie Flacher recueillis lors de l’entretien du 18 mai 2018.

[21] Tim Ingold, Marcher avec les dragons, trad. Pierre Madelin, Bruxelles, Zones Sensibles, 2013, p. 214-217, reprenant les travaux de Jacob von Uexküll.

[22] Edward T. Hall, « Régulation de la distance chez les animaux », chap. 2, dans La Dimension cachée, trad. Amélie Petita, Paris, Seuil, [1966] 2014.

[23] Présentation sur le site du Collectif 16 rue de plaisance.

[24] Présentation du projet Camping Interdit (2018) sur le site de Benoît Sicat (pour cette citation et les suivantes).

[25] Tim Ingold, Marcher avec les dragons, op. cit., p. 219.

[26] Martin Heidegger, « Bâtir habiter penser », dans Essais et conférences, trad. André Préau, Paris, Gallimard, [1954] 1978, p. 191, cité par Tim Ingold, Marcher avec les dragonsop. cit., p. 234.

[27] Ibid., p. 206.

[28] Propos de Benoît Sicat recueillis lors de l’entretien du 19 juillet 2018 (pour cette citation et la suivante).

[29] Donna Haraway, « Anthropocène, Capitalocène… », art. cité, p. 79.

[30] Propos de Michaël Cros recueillis lors de l’entretien le 19 avril 2018.

[31] Ibid., p. 78. L’expression est reprise à Donna Haraway : « Je suis une compost-iste, pas une posthuman-iste. »

[32] Cité par Jacques DerridaLa Bête et le souverain, tome 1 (2001–2002), Paris, Galilée, 2008, p. 292.

[33] Propos de Michaël Cros recueillis lors de l’entretien du 19 avril 2018.

[34] L’expression est inspirée d’Emanuele Coccia, qui écrit que « c’est par la sensibilité que nous tenons au monde et que le monde tient à nous » (Emanuele CocciaLa Vie sensible, Paris, Payot & Rivages, 2010).

[35] Baptiste Morizot, Les Diplomates. op. cit., p. 167.

[36] Ibid., p. 164.

[37] Ibid., p. 165 (pour cette citation et la suivante).

[38] Ibid., p. 167.

[39] Baptiste Morizot, « Que devient le sauvage à l’anthropocène », dans Les Diplomates, op. cit., p. 83.

[40] Ibid.

[41] Jean-Christophe Bailly, Le Parti-pris des animaux, Paris, Christian Bourgois, 2013, p. 101, cité par Michaël Cros dans le document de travail « Garde-fous textuels » accompagnant la création de Sauvages (2014).

[42] Michel Foucault, Histoire de la folie à l’âge classique, Paris, Gallimard, 1961, p. 564 (cité dans Michaël Cros, « Garde-fous textuels », texte cité).

[43] Jean-Christophe Bailly, Le Parti-pris des animaux, op. cit.

[44] Pau Miró, Buffles, trad. Clairice Pasteig Dit Cassou, Les Matelles, Espaces 34, 2013, p. 32 et suiv. (pour cette citation et les suivantes).

[45] Voir René Girard, Le Bouc émissaire, Paris, Grasset, 1982.

[46] Baptiste Morizot, Les Diplomates, op. cit., p. 81.

[47] Ibid., p. 81-82.

[48] Propos de Benoît Sicat recueillis lors de l’entretien du 19 juillet 2018 (pour cette citation et les suivantes).

[49] Benoît Sicat, « Boucles de rétroaction et ricochets »Corps-Objet-Image, dossier « Ré-animation », n° 3, mars 2018, note 127, p. 91.

[50] Ibid., p. 95.

[51] Claude Lévi-Strauss, « La science du concret », dans La Pensée sauvage, Paris, Plon, 1962 (pour cette citation et la suivante).

[52] Benoît Sicat, « Boucles de rétroaction et ricochets »,  art. cité, p. 96.

[53] Baptiste Morizot, Les Diplomates, op. cit., p. 88.

[54] Propos de Benoît Sicat recueillis lors de l’entretien du 18 juillet 2018.

[55] Rémi Beau, Éthique de la nature ordinaire. Recherches philosophiques dans les champs, les friches et les jardins, Paris, Publications de la Sorbonne, 2017, p. 319.

[56] Ibid., p. 318.

[57] Propos de Michaël Cros recueillis lors de l’entretien du 19 avril 2018.

[58] Ce projet s’inscrit dans le cadre du chantier « Cycle de vie des matériaux du spectacle vivant » initié par la chaire ICiMA (Chaire d’Innovation Cirque et Marionnette).

[59] Voir Tim Ingold, Faire. Anthropologie, archéologie, art et architecture, trad. Hervé Gosselin et Hicham-Stéphane Afeissa, Bellevaux, Dehors, 2017.

[60] Extrait de la présentation du projet GARDENMOBILE, disponible sur le site de Benoît Sicat.

[61] Voir aussi sur cette question John Berger, Pourquoi regarder les animaux ?, trad. Katia Berger Andreadakis et al., Genève, Héros-Limite, 2011.

[62] Rapporté par Vinciane Despret, « Rencontrer un animal avec Donna Haraway », Critique, 2009|8, no 747-748, p. 751. Elle note : « Le terme “réponse” en français, qui traduit celui de “response”, ne rend pas de manière lisible la mémoire que l’anglais a conservé à ce vocable, qui renvoie de ce fait à un devoir de répondre de, c’est-à-dire à la responsabilité » (p. 747).

[63] Propos d’Émilie Flacher recueillis lors de l’entretien du 18 mai 2018.

[64] Baptiste Morizot, Les Diplomates, op. cit., p. 27.

[65] Donna Haraway, « Anthropocène, Capitalocène… », art. cité, p. 79

[66] Les critères proposés par Lawrence Buell dans The Environmental Imagination sont les suivants : 1) l’environnement non humain est évoqué comme acteur à part entière et non seulement comme cadre de l’expérience humaine ; 2) les préoccupations environnementales se rangent légitimement à côté des préoccupations humaines ; 3) la responsabilité environnementale fait partie de l’orientation éthique du texte ; 4) le texte suggère l’idée de la nature comme processus et non pas seulement comme cadre fixe de l’activité humaine (Lawrence BuellThe Environmental Imagination. Thoreau, Nature Writing, and the Formation of American Culture, Cambridge/Londres, The Belknap Press of Harvard University Press, 1995, p. 7-8, traduit par Nathalie Blanc, Denis Chartier et Thomas Pughe dans l’article « Littérature & écologie : vers une écopoétique », Écologie & Politique, 2008|2 n° 3, p. 15-28.

[67] Donna Haraway, When Species Meet, traduit et rapporté par Vinciane Despret, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2008, p. 19.

 

L’auteur

Emma Merabet est doctorante contractuelle en arts de la scène à l’Université Lumière Lyon 2. Depuis 2015, elle consacre ses recherches aux esthétiques contemporaines qui, à la croisée des écritures théâtrales, visuelles et chorégraphiques, tentent de réactiver un lien concret, poétique et écologique à la matière. Elle poursuit aujourd’hui ses réflexions dans un doctorat intitulé : « Le devenir-installation du théâtre : penser ce qui anime la scène post-anthropocentrique », en préparation depuis septembre 2018 sous la direction de Julie Sermon (Laboratoire Passages XX-XXI, Université Lumière Lyon 2). Proche du projet du CDN-TJP Strasbourg, elle est membre du comité de rédaction de la revue Corps-Objet-Image. Elle a notamment écrit : « Rêver l’intimité de la matière. Éclairer les arts contemporains de la marionnette à la lumière de la rêverie bachelardienne », Corps-Objet-Image, dossier « Alter : l’autre de la matière », n2, mars 2016 ; « Cartographie de l’animation », Corps-Objet-Image, dossier « Ré-animation », n3, mars 2018.

 

Pour citer ce document

Emma Merabet, « Déplacements : trois itinéraires éco-poétiques autour de l’animal, du végétal et du minéral (Michaël Cros, Émilie Flacher et Benoît Sicat) », thaêtre [en ligne], Chantier #4 : Climats du théâtre au temps des catastrophes. Penser et décentrer l’anthropo-scène, mis en ligne le 10 juillet 2019.

URL : https://www.thaetre.com/2019/06/01/deplacements-trois-itineraires-eco-poetiques/

 

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