Entre vulgarisation scientifique
et poétisation ludique du chaos

Entretien réalisé par Bérénice Hamidi-Kim

 

© Frédéric Ferrer

Cycle de l’Atlas de l’anthropocène
Cartographie 1 | Création 2010
À la recherche des canards perdus.
Conférence sur une expérience scientifique pour mesurer la vitesse du réchauffement climatique dans l’Arctique.
© Frédéric Ferrer

Nous avons souhaité vous interroger dans le cadre de ce chantier, car nous avons été frappées par la manière dont s’articulent, dans plusieurs de vos spectacles, deux éléments : la thématisation, sous une forme ou une autre, de ce qu’on appellera par commodité dans un premier temps la question écologique, et le jeu sur la forme et les conventions de la conférence. Pouvez-vous revenir pour commencer sur les raisons et les modalités de ce nouage ?

À dire vrai, ce n’est pas le désir de parler d’écologie qui me fait monter sur scène. Ce que j’aime avec le théâtre, à la différence du roman ou du cinéma, c’est qu’il s’agit d’un espace de questionnement du réel en direct, qui permet un échange immédiat avec les spectateurs. J’aime par ailleurs toutes les formes qui jouent sur les frontières du réel et de la fiction, d’où mon goût pour la conférence, seul ou à plusieurs. Ses conventions me plaisent, l’idée que le plateau permette de partir d’une observation du réel pour inventer des mondes, c’est-à-dire inventer des récits pour raconter autrement le monde. En fait, j’ai tout simplement envie de jouer avec cet outil qu’est l’art théâtral pour poser les questions qui m’intéressent. J’ai d’abord travaillé sur la paranoïa, à partir de travaux de psychiatres, puis je me suis aussi intéressé à Gatti, toujours à partir d’un matériau documentaire. À chaque fois, le processus de création prend la forme d’une étude de terrain et d’une enquête auprès des chercheurs et des scientifiques qui ont travaillé sur le sujet. Dès que j’identifie une question qui n’a pas encore trouvé de réponse, ça m’amuse d’essayer d’en trouver une au plateau.

L’écologie semble toutefois être devenue un de vos terrains de jeu et de questionnements privilégiés… Pourquoi et comment traitez-vous de cette question, dans le projet Cartographies. Atlas de l’anthropocène en particulier  ? Et comment choisissez-vous, pour chaque conférence, parmi les mille questions que soulève la question écologique ?

C’est vrai que, depuis que j’ai commencé ce projet, chaque fois que j’ai eu envie de traiter d’un autre sujet au plateau, la question de l’écologie est revenue imposer son immédiateté, son urgence. Elle s’est imposée parce que j’ai une formation de géographe et aussi parce que c’est LA question aujourd’hui, celle qui inclut toutes les autres questions. Elle bouleverse notre vision du monde et notre place en tant qu’humain sur la planète, elle interroge notre devenir en tant qu’espèce et à ce titre elle nous concerne tous, en tant que citoyens. L’urgence est là. Nous vivons une crise de développement sans précédent et nous allons être confrontés à des changements climatiques de plus en plus violents. Le 17 juillet 2017, des climatologues ont sorti une étude sur l’augmentation actuelle des températures, qui montre que, si rien n’est fait pour modifier l’évolution actuelle, d’ici 2070, nous connaîtrons des pics qui monteront en moyenne à 55 degrés ! Ce sont des hécatombes qui s’annoncent, sauf si, disent-ils, l’accord de Paris est mis en œuvre et produit les résultats escomptés. De même, les travaux des chercheurs sur le vivant annoncent une disparition de la biodiversité, les stocks de toutes les espèces diminuant dans des proportions folles. Ce n’est pas seulement le réchauffement climatique qui est en cause, ni la pollution, c’est l’anthropisation excessive du monde, le fait que l’espèce humaine ne laisse plus de place aux autres espèces. Si l’on adopte le point de vue d’un autre animal, nous sommes la pire espèce invasive que la terre ait jamais portée… Bref, quel que soit l’endroit où on pose le regard, on ne peut que constater que notre système de développement n’est pas bon.

© Frédéric Ferrer

Cycle de l’Atlas de l’anthropocène
Cartographie 2 | Création 2010
Les Vikings et les satellites.
Conférence sur l’importance de la glace dans la compréhension du monde
(climato-sceptiques, réchauffistes et Groenland)
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© Frédéric Ferrer

Je me suis donc lancé dans un atlas de l’anthropocène. Ce mot permet précisément de rendre compte de la séquence historique incroyable que nous vivons depuis que l’humanité ne s’adapte plus à la planète, mais agit sur la planète et la modifie, et modifie nos territoires. La question est immense. L’atlas tente d’apporter des éléments de réponse, mais avant tout d’identifier des questions qui se posent aujourd’hui à certains endroits spécifiques du monde. Par exemple, la NASA a jeté des canards dans un glacier au Groenland. Où sont ces canards ? Et pourquoi est-ce important de le savoir ? Valérie Masson Delmotte et Claude Allègre se disputent à la télévision pour savoir si le Groenland était vert ou blanc à l’époque d’Erik Le Rouge. Qui a raison ? Ou encore : on a identifié un moustique très dangereux et qui pose des questions sanitaires énormes, le moustique tigre, comment l’arrêter ? C’est le début d’une enquête qui m’emmène en Afrique, auprès d’entomologistes. Certains projets sont issus de commandes. C’est le cas de Wow. L’observatoire de l’Espace du CNES (Centre National d’Études Spatiales) m’a sollicité pour travailler sur l’exobiologie. Comme j’ai toujours besoin d’une question initiale pour construire une conférence, je suis parti d’un scénario évident : même en dehors de tout désastre écologique, l’humanité n’a pas d’avenir sur la terre à terme, puisque le soleil va devenir une géante rouge. Si, comme toute espèce qui se respecte, les humains veulent se perpétuer, ils doivent aller ailleurs. La question est donc : où aller ? Cette cartographie m’a fait rencontrer des chercheurs qui travaillent sur les exoplanètes, sur nos possibilités de développement ailleurs que sur la terre. Parfois, ce sont aussi les rencontres que je fais pour préparer une cartographie qui déclenchent le projet de la suivante. La prochaine cartographie est née d’une enquête sur les frontières maritimes que je faisais à Terre-Neuve, au cours de laquelle j’ai rencontré des pêcheurs de morue, un métier qui est en voie de disparition, et j’ai été bouleversé par la situation qu’ils vivent. Et puis, ça n’a l’air de rien, mais la morue (le cabillaud) a joué un rôle fondamental dans l’histoire occidentale. C’est la morue qui a permis l’indépendance des États-Unis d’Amérique, c’est elle qui a accompagné toute la chrétienté au Moyen-Âge : c’est ça, le poisson du vendredi ! Il y a aussi un mystère qui entoure la disparition de ce poisson. Le stock s’est effondré au cours des cinq derniers siècles, et surtout des cinquante dernières années. Il reste environ 1 % du stock. Mais même depuis que le Canada a établi un moratoire sur la pêche, destiné à faire revenir ce poisson dans ses eaux, le stock ne se reconstitue pas. Selon les intérêts, les réponses sont différentes. Pour les scientifiques, ça peut s’expliquer par des phénomènes d’empreinte et de mémoire des territoires : quand cette mémoire est perdue pour une espèce, elle ne peut être retrouvée. Pour les pêcheurs, c’est en partie la faute de Brigitte Bardot : comme les principaux prédateurs des morues, les phoques, ne sont plus pêchés, ils mangent toutes les morues. Les pêcheurs demandent donc l’autorisation de pouvoir de nouveau tuer les phoques. On monte les espèces les unes contre les autres ! L’urgence et l’immensité de la question obligent à tout réinventer, il faut bien sûr imaginer d’autres manières d’être au monde, mais cela affecte aussi la manière de construire les récits du monde. Parce qu’il faut trouver des manières de nous projeter autrement, et parce que les problèmes se jouent à la fois à la petite échelle et à la grande, celle d’un micro-territoire et celle du globe. Le théâtre me permet de regarder de biais le monde et d’avoir une grande liberté dans la manière d’apporter des réponses aux grandes questions de notre temps. C’est la grande ambition, en tout cas !

© Frédéric Ferrer

Cycle de l’Atlas de l’anthropocène
Cartographie 3 | Création 2012
Les déterritorialisations du vecteur.
Le moustique-tigre, les aires d’autoroute, la dengue et le chikungunya (contribution à une géographie des épidémies).
© Frédéric Ferrer

Il y a de fait dans vos conférences un effort pour décrire, expliquer, rendre intelligibles pour vous-même ces questions très complexes et pour les donner à comprendre aux spectateurs. Dans cette mesure, le côté ludique, voire loufoque, de vos spectacles paraît clairement au service d’une ambition pédagogique. Mais c’est comme s’il était toujours en même temps question d’autre chose, de la folie qu’il y a à vouloir ordonner, classer, ranger un réel chaotique et débordant, qui ne cesse d’échapper…

J’aime les tentatives désespérées. Je suis toujours touché par le fait que certains humains tentent de trouver une explication au monde. La figure du chercheur, du savant qui veut communiquer ce qu’il a appris m’a toujours beaucoup ému, parce que la tentative d’appréhender le monde et de le dire est toujours incomplète, plus ou moins ratée… Parce que c’est une tentative impossible ! Les cartographies sont nées de mon expérience de spectateur de conférences « sérieuses ». J’ai un souvenir très fort d’une conférence en particulier, celle d’un vieux mandarin de la Sorbonne, spécialiste de l’Asie du Sud-Est, qui nous parlait en détail du Cambodge, où il n’était pas retourné depuis les Khmers rouges. Dans un vieil amphithéâtre, il nous racontait les paysages, le travail du pêcheur sur le lac Tonlé Sap. Il avait déplié une carte pour nous montrer la localisation exacte du lieu dont il nous parlait, et qui peut-être n’existait plus, ou du moins plus comme à l’époque où il avait pu le voir. Ensuite, tout en nous parlant, il a replié la carte et sa cravate s’est prise dedans, mais c’est comme s’il ne le remarquait pas, tant il était absorbé par ce qu’il voulait nous dire sur ce pays qui n’existait plus que dans son souvenir. Il ne voulait pas lâcher le fil de son discours, et il était littéralement empêtré dans cette carte datée dont il n’arrivait plus à sortir. C’était fou et magnifique, c’était vraiment une scène à la Buster Keaton. Il y a une dimension tragique aussi. On retrouve complètement cette idée d’un désastre inéluctable avec le climat, c’est aussi pour cela que les conférences de l’ONU m’ont beaucoup intéressé : cela fait vingt-cinq ans que des gens très convaincus et très compétents se réunissent pour dire que la température augmente et trouver des solutions pour qu’elle cesse d’augmenter, et plus ils se réunissent, plus la température augmente ! On est vraiment au cœur de la tragédie.

© Frédéric Ferrer

Cycle de l’Atlas de l’anthropocène
Cartographie 4 | Création 2013
Pôle Nord.
Conférence sur un espace d’accélération du monde
(la banquise, les hommes, les désirs et la dorsale de Lomonossov)
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© Frédéric Ferrer

Mais il est vrai qu’indépendamment de la gravité du sujet, il y a aussi une forme de folie propre à la démarche du chercheur. Une autre conférence m’a marqué, c’était à Bruxelles, je ne me souviens même plus du sujet. Le conférencier parlait en anglais ou en néerlandais, je ne sais plus, en tout cas cela allait beaucoup trop vite pour que je puisse comprendre le sens des mots, mais cela ne m’empêchait pas de saisir l’essentiel. On avait l’impression que son sujet, c’était sa vie. Comme beaucoup de gens passionnés, il avait beaucoup trop de choses à dire pour le temps dont il disposait, mais il ne pouvait pas se résoudre à ne pas tout nous dire. Il voulait tout nous dire : là où il en était précisément, mais aussi tout le travail qui l’avait conduit là… Et au fur et à mesure, il se rendait compte qu’il n’y parviendrait pas, et son corps a été comme saisi d’une folie verbale, il s’est mis à transpirer, il s’est vraiment dépensé comme un fou. Et il nous a transmis l’essentiel, l’envie d’en découdre avec le monde. C’est après cette conférence que je me suis dit : c’est ce que je veux faire, mettre en jeu ces tentatives folles de dire le réel, en disant aussi tout le travail qu’on a fourni, et toute la difficulté voire l’impossibilité d’accomplir cette tâche, et tous les territoires absurdes qu’il faudra que l’on traverse. Ce qui me passionne, aussi, dans la démarche du chercheur qui tente de trouver une explication au monde et de la transmettre, ce sont les difficultés d’ordre personnel, je dirais, auxquelles il est confronté. Il utilise des outils dont il pense qu’ils vont lui permettre d’avancer dans son discours. Mais ces outils créent leur propre dramaturgie…

© Frédéric Ferrer

Cycle de l’Atlas de l’anthropocène
Cartographie 5 | Création 2015
WOW !
Conférence sur nos possibilités de vivre ailleurs.
© Frédéric Ferrer

Ces outils rhétoriques (la preuve par l’absurde) ou techniques (le PowerPoint) sont en effet le lieu où se concentre l’ambivalence ou du moins la double nature du projet de vos conférences, entre vulgarisation scientifique et poétisation ludique de la science et du réel. Comment cette dualité se joue-t-elle dans les différents temps du processus de création ? Autrement dit, quel chercheur-médiateur-poète êtes-vous face aux « vrais » chercheurs que vous sollicitez pour préparer le spectacle, et quelle figure de chercheur voulez-vous incarner face aux spectateurs ?

Ma démarche a ceci de commun avec celle du chercheur que je pars du réel et je ne cherche pas à tricher : si je découvre au cours de mon enquête des informations, des données qui ne servent pas ma narration, je les intègre malgré tout. C’est à partir de la matière effectivement récoltée que j’essaie de trouver une logique du raisonnement et de la tirer dans ses plus profonds retranchements, tout en préservant le fait que mon discours reste « sérieux » du début à la fin. J’avance en adoptant un raisonnement logique avec pour but d’arriver à une absurdité, à un regard complètement décalé. J’adore les raisonnements qui, poussés à leur terme, aboutissent à des conclusions absurdes, oniriques, burlesques. J’utilise toutes les connaissances « sérieuses » que j’ai pu synthétiser pour construire une tentative de réponse qui sera bien sûr déontologiquement peu recommandable, qui sera la mienne, poétique et non scientifique.

Le raisonnement par l’absurde consiste plutôt à démontrer la justesse d’une idée en détaillant l’inanité de l’idée contraire. Comment conciliez-vous ce but de montrer la part de folie du raisonnement logique et votre projet politique de soumettre aux spectateurs des questions écologiques et de leur signifier leur urgence ?

Parfois, je montre que ce n’est pas tant le raisonnement qui est fou que le phénomène décrit. Mais les deux sont possibles en même temps et conjointement en fait, l’absurdité de l’un renvoyant à l’absurdité de l’autre, et se nourrissant l’un l’autre, sans s’altérer chacun dans leur sens profond, bien au contraire. Je pense par exemple à la boucle de rétroaction dans la cartographie 4, Pôle Nord. Où j’aboutis à la conclusion que « plus la banquise fond, plus la banquise fond ». Il y a là une folie du raisonnement logique et en même temps un emballement du processus écologique. Mais je ne cherche pas en premier lieu à transmettre des informations, c’est la différence entre ma démarche et d’autres conférences artistiques qui ne me plaisent pas en tant que spectateur, parce que je vois trop qu’il s’agit de me faire passer un contenu. Cela dit, bien sûr que je pose une question et que je cherche à aboutir dans le spectacle à une réponse argumentée, solide, qui tienne la route face aux arguments des climatosceptiques par exemple : dans Les Vikings et les satellites, je veux clairement prouver qu’ils ont tort et pour cela, il faut que le public me croie, et donc qu’il soit convaincu d’être face à quelqu’un qui a fait un travail de recherche sérieux même s’il n’est pas un scientifique, et qu’on arrive tous ensemble à une manière de répondre à la question qui soit différente de celle d’un chercheur, mais qui nous permette d’apprendre des choses et de déplacer notre regard, je dirais que j’ai une plus grande liberté que le chercheur qui est enfermé dans sa déontologie. Je ne me définis pas comme un militant politique, sinon je ferais autre chose que du théâtre pour être plus efficace !

© Frédéric Ferrer

Cycle de l’Atlas de l’anthropocène
Cartographie 6 | Création 2017
De la morue.
Et des questions vraiment très intéressantes qu’elle pose
pour la compréhension de tout un tas de choses du monde d’aujourd’hui
(pêche, prédation, sexe, amnésie et pouvoirs en occident)
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© Frédéric Ferrer

À certains égards, votre démarche me fait beaucoup penser à celle d’Antoine Defoort dans le champ des arts vivants en France ou, à la télévision, celle de John Oliver le présentateur du late-night show américain Last week tonight, dont le principe est justement de mêler humour, information et prise de position, depuis une forme de mise en scène de soi comme conférencier/présentateur engagé. Avez-vous des modèles ou du moins des sources d’inspiration ?

Je ne connais pas John Oliver, mais j’aime beaucoup les Yes Men par exemple, notamment la manière dont ils font des blagues potaches, souvent à la limite du mauvais goût, mais qui sont toujours aussi très fortes symboliquement. Je pense par exemple à cette vidéo où ils se filment en direct dans une usine de Taiwan avec une combinaison jaune ornée d’un sexe immense : ça vaut tout un long discours sur la violence vulgaire de la domination qu’exerce l’homme blanc hétérosexuel. Je suis aussi très admiratif du travail d’Antoine Defoort et des « conférences » d’Éric Duyckaerts. J’apprécie beaucoup leur « absurde ».

Dans le champ académique comme du côté des « experts » ordinaires, la forme de la conférence, si elle est de fait très en vogue, a aussi tendance à produire un formatage standardisé qui fait la part belle à la mise en scène de soi du conférencier et à des modes de narration ludique, opposés au cliché du conférencier monocorde et poussiéreux et à la conférence objectivante et soporifique. C’est le cas des TED Conférences. Comment situez-vous votre recherche de formes ajustées par rapport à ces nouveaux formats de conférence ? Revendiquez-vous d’avoir un style de conférence – et de conférencier – qui vous serait propre ?   

En effet, mon travail se différencie vraiment de ces conférences, car le format n’est jamais préexistant, la forme est à chaque fois travaillée et ne préexiste pas au projet. Il me semble que c’est là que se trouve la particularité de la conférence artistique. Tout comme Brecht faisait un acte militant ET inventait une forme, je ne sépare pas les deux aspects de mon geste. D’ailleurs c’est comme au cinéma, les plus beaux films militants sont ceux qui mettent en jeu le cadre, le montage. Et pour moi, c’est aussi à cet endroit que se joue le travail de transmission. Depuis trois ans, j’ai animé plusieurs chantiers pour artistes sur l’art de la conférence. Les participants viennent avec un sujet qui leur appartient, et durant le stage, ils cherchent leur conférencier comme certains stages proposent de chercher son clown. Je propose des jeux. Par exemple, le même matériau documentaire peut être dit de différentes façons, parfois on prend cinq minutes du contenu d’une conférence existante et on cherche comment l’articuler autrement. Ou encore, chacun s’empare du même sujet avec sa singularité, son élocution, sa façon de construire l’argumentation. Certains arrivent avec l’envie d’une forme, mais n’ont pas de contenu, il leur manque une nécessité intime, d’autres à l’inverse arrivent avec un sujet qui leur tient très fortement à cœur, et ce qu’il faut alors travailler, c’est le fait de ne pas se contenter de délivrer de la connaissance. Les deux doivent toujours s’articuler : si on n’a pas une idée à défendre, alors on n’a rien, mais si on ne trouve pas la forme pour dire cette idée, et plus précisément pour la dire sur scène, on n’a rien non plus !

 

Pour citer ce document

Frédéric Ferrer, « Entre vulgarisation scientifique et poétisation ludique du chaos », entretien réalisé par Bérénice Hamidi-Kim, thaêtre [en ligne], Chantier #4 : Climats du théâtre au temps des catastrophes. Penser et décentrer l’anthropo-scène, mis en ligne le 10 juillet 2019.

URL : https://www.thaetre.com/2019/06/02/entre-vulgarisation-scientifique-et-poetisation-ludique-du-chaos/

 

 

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