Le Théâtre des négociations,
un laboratoire à ciel ouvert

Préparatifs : négocier la négociation


 

Origines du projet

 

L’origine du Théâtre des négociations est double : il s’ancre d’une part dans la tradition des Model United Nations (MUN), genre pédagogique inventé à Harvard qui invite les étudiants à mimer exactement le modèle des grandes conférences internationales dans le but avoué d’entraîner les futures élites et les futurs diplomates à leurs fonctions ; la tradition des re-enactments d’autre part, telle qu’elle s’est développée dans le monde de l’art et de la performance depuis les années 1970, visant à rejouer des situations réelles pour en mettre au jour les enjeux et le sens. On peut citer The Battle of Orgreave (2001) de Jeremy Deller, reconstitution de la fameuse bataille entre mineurs et policiers qui s’est déroulée pendant la période des grandes grèves en 1984 sous Margaret Thatcher, œuvre pour laquelle Deller a mobilisé des membres des associations qui pratiquent la reconstitution historique comme « hobby »[1]. D’une certaine façon, nous avons procédé de la même manière en sollicitant ces spécialistes des Model United Nations que sont les étudiants de Sciences Po et de grandes universités internationales. Contrairement à l’expérience de Deller cependant, il s’agissait ici non pas d’un re-enactment (rejouer un événement, historique ou scientifique, précis) mais d’un pre-enactment. Nous ne voulions pas rejouer un événement passé (c’est ce qui avait été fait en 2011 à Sciences Po lors d’un re-enactment de la conférence ratée de Copenhague de 2009), mais plutôt imaginer, avec les moyens du théâtre, une inflexion des modes de négociation sur le climat par une expérience de pensée dans l’espace concret du théâtre. Aux étudiants, nous avons proposé de jouer non pas leur rôle futur, mais un futur possible, et souhaitable, des négociations internationales. Avec ce pre-enactment, Le Théâtre des négociations modifiait la pratique des Model United Nations dans une visée interrogative et transformatrice. C’est donc bien une fiction heuristique que le théâtre permettait de tester : la préfiguration fictionnelle d’un événement afin de tenter d’en infléchir le cours – sorte de « performance spéculative », comme on parle de narration spéculative. On allait ainsi tenter la rencontre entre deux traditions performatives extrêmement différentes (voire divergentes), autant qu’un montage institutionnel parfois complexe entre une université et un théâtre d’envergure nationale, entre le monde des étudiants en sciences politiques et celui des artistes. Je n’aborderai pas ici le détail du montage complexe du Théâtre des négociations. On peut néanmoins en rappeler brièvement la structure : le projet réunissait des étudiants issus d’une cinquantaine d’universités du monde entier, deux institutions organisatrices (Sciences Po et le Théâtre Nanterre-Amandiers), plusieurs concepteurs (le philosophe Bruno Latour, la diplomate Laurence Tubiana, responsable de la délégation française de la « vraie » COP21, le metteur en scène Philippe Quesne, directeur du Théâtre Nanterre-Amandiers, et moi-même), les artistes-chercheurs de l’école expérimentale SPEAP (programme d’expérimentation en arts politiques de Sciences Po), des artistes et des architectes (Raumlabor, de Berlin). J’envisagerai cette œuvre collective du point de vue qui était le mien, c’est-à-dire sous l’angle de la recherche et de la mise en scène.

Le double titre donné à l’événement témoigne de cette double origine, et des compromis concédés de part et d’autre. Le Théâtre Nanterre-Amandiers avait validé le titre que j’avais proposé – Le Théâtre des négociations – alors que Sciences Po défendait Make it Work. Le premier titre mettait en avant la dimension fictionnelle et artistique du projet, et en soulignait la dimension performative, visuelle et spatiale. Le second titre (en anglais, à l’impératif, et rythmé comme un slogan) inscrivait directement le projet dans une actualité politique brûlante, affichait la proximité de l’entreprise avec la « vraie » COP, tout en affirmant une confiance considérable en son « impact » possible : Laurence Tubiana, dans son discours d’ouverture, avait galvanisé les étudiants en leur expliquant qu’elle porterait les résultats de leur négociation à la COP21. L’événement a finalement conservé les deux titres, l’un affiché sur l’entrée principale du théâtre [fig. 1], l’autre en caractères monumentaux à l’arrière du théâtre [fig. 2]. Mais c’est MAKE IT WORK qui est resté inscrit sur la façade du théâtre des Amandiers, où l’on peut toujours le voir en arrivant du parc André Malraux, quatre ans plus tard.

 

© Frédérique Aït-Touati

[fig. 1] Façade du Théâtre Nanterre-Amandiers.
© Frédérique Aït-Touati

 

[fig. 2] L’usine « Make it Work » imaginée par Raumlabor
(côté parc André Malraux).
© Frédérique Aït-Touati

 

J’aborderai le récit de cette expérience de deux manières : en montrant comment le théâtre a bouleversé cet étrange rituel politique qu’est une négociation sur le climat, mais aussi comment la négociation, en tant que dispositif, a profondément transformé un théâtre, ses espaces, ses usages – son écosystème, en somme.

 

Faire entrer de nouveaux acteurs
sur la scène des négociations internationales

 

L’un des buts affichés de l’expérience était de reprendre en les infléchissant les principes et les enjeux des conférences internationales sur le climat (les Conferences Of the Parties, ou COP) pour tenter de dépasser les apories des négociations climatiques. Une expérience de pensée, grandeur nature, dans un théâtre, et en public. Le travail a débuté en janvier 2014, presque deux ans avant la COP21 qui devait se tenir à Paris en décembre 2015, événement politico-médiatique qui allait concentrer les attentes et les regards. Le processus reposait sur un jeu de rôle dont les étudiants et les artistes sollicités devaient inventer les règles en s’appuyant sur les recherches développées dans le monde sur les alternatives à la négociation type COP. Alternatives proposées aussi bien par les scientifiques qui modélisent la complexité des écosystèmes en danger que par des artistes qui explorent d’autres types de représentation. Les étudiants étaient invités à représenter le dessin de ces territoires nouveaux, les conflits qu’ils suscitent et les modes de résolution qu’il faudrait imaginer pour établir la paix. Cette géopolitique prospective s’est ajoutée, en la compliquant, à celle de l’ONU. Dans ce jeu de rôle de diplomatie alternative, il s’agissait de simuler à échelle réduite certains des aspects que la véritable négociation laisse généralement de côté.

Réinventer les règles des négociations internationales sur le climat, c’est, bien sûr, d’abord, une question géopolitique. Suivant les analyses des spécialistes (notamment Stefan Aykut et Amy Dahan qui venaient de publier quelques mois auparavant Gouverner le climat ?[2]), nous sommes partis du constat que ce type de négociation souffre d’un problème de représentation : les représentants classiques que sont les délégations nationales représentent assez mal tous les êtres et les collectifs impliqués dans la crise écologique. Il fallait donc tenter de prendre en compte d’autres acteurs essentiels, ces collectifs ou territoires plus directement touchés par les questions climatiques que sont les villes, certaines régions critiques (les régions polaires, l’Amazonie, la Californie), et les non-humains. Comment représenter ce nouveau collectif, hétérogène, humain et non-humain, nouvellement constitué par les questions écologiques ? Quelle est la valeur de la figuration du non-humain sur scène, qui était dans notre cas une scène à la fois scientifique et politique, celle des négociations climatiques ? Comment, en outre, représenter d’autres collectifs que nationaux, c’est-à-dire d’autres territoires ? La question de la représentation est classique en philosophie politique autant qu’en théâtre, mais elle est rarement posée simultanément dans les deux domaines. L’intérêt de poser une telle question politique au sein d’un théâtre était donc d’interroger l’étrangeté du mécanisme de la représentation politique, étrangeté que nous ne voyons plus parce que nous y sommes habitués, et de l’étendre à des collectifs généralement exclus des négociations internationales. Le but était de donner une voix, une autorité et une souveraineté à ce qui n’en a pas : les forêts, les océans, les espèces en danger, mais aussi les grandes entreprises, officiellement absentes des négociations mais en réalité très influentes par l’intermédiaire des lobbys ; les convier à la table des négociations, c’était leur demander de jouer cartes sur table. En faisant entrer de nouveaux acteurs sur la scène des négociations internationales, on tentait de décentrer et de diversifier la scène diplomatique, d’élargir fonctionnellement les collectifs représentés, de désagréger l’agrégat « nation » qui ne convient pas à ces questions d’environnement, de rouvrir, en somme, les négociations. L’une des premières tâches de la phase préparatoire a donc consisté à faire la liste, forcément partielle et partiale, des délégations qui seraient présentes à la table des négociations, mais aussi de leur composition : les cinq étudiants qui seraient chargés de représenter les cinq « entités » de chaque délégation. Ce faisant, même les entités « classiques » (c’est-à-dire nationales) étaient constituées de manière nouvelle en intégrant des entités non-humaines et des intérêts contradictoires. Il s’agissait en somme de désagréger l’hyperobjet « réchauffement climatique », pour reprendre la formule de Timothy Morton, de le pixéliser, afin de faire apparaître progressivement d’autres assemblages, d’autres alliances, et, nous l’espérions, une cartographie des lignes de front. Car l’une des règles du jeu centrale et inédite que les étudiants ont proposée consistait à autoriser la scission et la recomposition des délégations. Ainsi, une délégation pouvait « exploser » en cours de négociation et ses cinq entités choisir de s’agréger différemment à d’autres délégations ou entités – chose bien entendu impossible dans le cadre des négociations internationales. La désagrégation et la recomposition des délégations devaient être suivies de près par de nombreux dispositifs de feedback, dont des caméras zénithales qui suivaient le mouvement des délégations et des négociateurs tout au long de la performance [fig. 3].

 

© Martin Argyroglo

[fig. 3] La salle transformable vue d’en haut.
© Martin Argyroglo

Faire parler des êtres qui ne parlent pas, c’est l’un des pouvoirs du théâtre, grâce à la prosopopée qui permet l’apparition et la représentation, à travers la voix humaine, de non-humains. C’est en jouant à la fois de cette propriété du théâtre et de l’idée d’une extension de la représentation politique que nous avons pu imaginer convoquer à la table des négociations des collectifs de différentes échelles et de différentes natures, en postulant une égalité de souveraineté entre eux : l’Amazonie à côté du Brésil, le Sahara à côté de l’Algérie, mais aussi une délégation des villes, des forêts, des jeunes, des régions polaires, etc [fig. 4 et fig. 5]. Dès le début de l’expérience, la présence de ces délégations nouvelles est apparue aux participants comme une évidence. La délégation des forêts a pris la parole après celle de la France, l’Amazonie après celle de l’Afrique. Extension du domaine de la représentation politique par l’artifice et la fiction de la représentation théâtrale.

 

© Raumlabor

[fig. 4] Panneaux des délégations.
© Raumlabor

© Anne-Sophie Milon

[fig. 5] Rules of procedure.
A Theatre of negotiations, 2015.
© Anne-Sophie Milon

Ouvrir la boîte noire des négociations

 

Parmi les défauts patents des négociations, l’un des reproches les plus souvent formulés est leur manque de transparence. D’où la tentative de transformer un événement fermé en performance publique. Le théâtre semblait le lieu idéal d’une telle transformation. Dès le début du projet, nous avions imaginé d’ouvrir la « boîte noire » des négociations en utilisant la « salle transformable » des Amandiers, dont l’un des murs est totalement escamotable [fig. 6]. D’où le titre « Théâtre des négociations », en jouant de l’étymologie du mot « théâtre », lieu d’où l’on voit, comme dans l’expression « théâtre des opérations », ou dans les fameux théâtres anatomiques de la Renaissance. Le but était en effet de construire un dispositif capable de donner à voir les alliances et les stratégies mises en œuvre pendant les négociations. Rendre visible, c’est permettre de visualiser ce qui se passe d’une salle à l’autre, d’où la généralisation des caméras de « retour » traditionnellement utilisées dans les loges pour que les acteurs puissent suivre le déroulement du spectacle et se préparer à entrer au moment voulu. Rendre visible, c’est aussi rendre partageable, d’où le travail de Philippe Quesne (j’y reviendrai) pour produire des images spectaculaires d’un collectif politique, jouant sur l’exagération, avec projecteurs en contre, pleins feux, musique martiale et fumée dramatique [fig. 7]. Rendre visible, c’est enfin visualiser les alliances, les crises, les fronts de discussion et les controverses, en exposant le dissensus plutôt qu’en le dissimulant.

 

© Martin Argyroglo

[fig. 6] Négociations dans la salle transformable, ouverte sur le théâtre de verdure.
© Martin Argyroglo

© Martin Argyroglo

[fig. 7] Cérémonie d’ouverture des négociations.
© Martin Argyroglo

 

Créer les conditions d’une expérimentation :
un théâtre-laboratoire ?

 

Le projet du Théâtre des négociations ne se voulait pas une représentation fictionnelle d’un objet impossible, mais la mise en place d’un environnement matériel pour permettre l’expérience d’une négociation transformée. De fait, le lieu théâtral s’est prêté parfaitement à la création d’une telle situation. Il offrait la possibilité d’entrer dans un monde artificiel ayant simultanément l’apparence d’une expérience de pensée politique et la consistance du réel. En ce sens, Le Théâtre des négociations a constitué un test au résultat incertain – un laboratoire. Le terme fut utilisé par Laurence Tubiana autant que par Bruno Latour, même s’il ne renvoyait sans doute pas à la même idée pour chacun. Pour Laurence Tubiana, il s’agissait d’un « test » à petite échelle avant la véritable COP qu’elle allait mener six mois plus tard au sein de la délégation française. Elle proposait donc aux étudiants de tester la possibilité de négocier sur des visions du futur, sur des scénarios de projection à trente ou cinquante ans, plutôt que sur des émissions de carbone, à l’instar de ce qu’elle avait proposé aux négociateurs de la véritable COP. Pour Bruno Latour, le but était de mettre en présence, à égalité de souveraineté, des entités qui n’ont dans le monde réel jamais l’occasion de se confronter. Une épreuve de force, en somme, correspondant bien à sa définition de l’expérience de laboratoire[3] : prélever dans le réel quelques éléments précis (tout ce qui se trouve dans le laboratoire est réel), leur permettre de se développer et les rendre visibles dans un milieu artificiel, afin de mettre en scène un « théâtre de la preuve ».

Lors de la phase très longue (un an et demi) et souvent houleuse de préparation qui a réuni les étudiants, les chercheurs et les équipes artistiques et techniques du théâtre, deux défis majeurs se sont présentés. En premier lieu : comment s’écarter de ce qui existe sans paraître irréaliste ? Trop proche des négociations existantes, cette expérience aurait ressemblé à un exercice classique de Model United Nations. Trop éloignée, elle risquait de n’avoir aucun poids heuristique et de n’être qu’une version imaginaire de négociations utopiques. Nous avons finalement réussi à nous mettre d’accord sur une série de règles du jeu, dont le but était de permettre la plus grande liberté d’invention et d’improvisation possible à l’intérieur d’un cadre commun :

1) les délégations accueillies à la table des négociations pouvaient être humaines ou non-humaines, et représenter aussi bien des collectifs que des territoires ;

2) elles étaient hétérogènes, représentant des intérêts divergents ;

3) les règles de négociation autorisaient de nouvelles alliances, les délégations pouvant donc se dissoudre puis se recomposer différemment : la dramaturgie générale prévoyait des moments de négociation libre afin de permettre de nouvelles alliances, cela dans le but de faire apparaître les lignes de fracture, les intérêts divergents, les scénarios de développement contradictoires – pour permettre, en somme, de dessiner la carte des territoires en lutte.

Le second défi qui s’est présenté à nous était celui de négocier la négociation : tous les participants de l’expérience se sont rendu compte très tôt de la difficulté que nous avions tous à transformer les règles données par l’ONU sans entrer immédiatement dans des négociations sans fin, et souvent très virulentes. Au-delà des difficultés inhérentes à un projet de cette ampleur, il faut souligner combien les tensions du projet avaient précisément à voir avec la volonté de mettre en présence des représentants d’intérêts divergents. En somme, chaque décision que nous prenions (quelles délégations, quelles entités, combien de personnes par délégation, etc.) était bien entendu déjà une décision politique, un choix partial, un parti-pris discutable, et que nous discutions longuement (en témoigne la note de concept produite par les étudiants du Secrétariat des négociations).

Note de concept
« Make it Work »

Motivations


Il y a vingt-deux ans lors du Sommet de la Terre de Rio, les gouvernements du monde reconnaissaient que l’humanité était en train de changer le système climatique planétaire. Deux ans plus tard, ils ont adopté la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC), résolus à protéger la planète et à promouvoir le développement durable en stabilisant « les concentrations de gaz à effet de serre dans l’atmosphère à un niveau qui empêche toute perturbation anthropique dangereuse du système climatique » (préambule de la CCNUCC).

Depuis, les Conférences des Parties (COPs) ont fait naître de grands espoirs et d’immenses déceptions au vu des difficultés à faire face collectivement à l’enjeu climatique. En 2010, à la COP16 de Cancún, les gouvernements du monde se sont engagés à un nouvel objectif politique clair : limiter le réchauffement de la surface planétaire moyenne en dessous de 2 °C par rapport à la l’époque pré-industrielle. Un objectif clair, mais les moyens pour y parvenir n’ont pas été mis en place à ce jour. Tous les yeux sont désormais rivés sur la COP21 de décembre 2015 lors de laquelle les gouvernements du monde entier se sont assigné la tâche de parvenir à un accord universel et ambitieux, qui doit donner le cadre des efforts collectifs de réduction des gaz à effet de serre. Il s’agit d’assurer la transformation de nos modèles de développement et de créer les conditions de la confiance entre les pays permettant de parvenir à cet objectif des 2 °C.

Suite au succès d’une première expérimentation de simulation étudiante de grande échelle ayant eu lieu en 2011 à Sciences Po, intitulée « Copenhague : et si ça s’était passé autrement ? »[4], et au vu des résultats des différentes COPs, les inspirateurs de cette première simulation, Laurence Tubiana et Bruno Latour, ont souhaité renouveler l’expérience. Cette fois-ci, il s’agit d’aller plus loin dans les possibilités d’innovation par rapport au cadre onusien, afin d’identifier des solutions potentielles dans le cadre des négociations climatiques internationales. C’est l’objet du projet « Paris Climat 2015 – Make it Work : La Simulation ».

Actuellement, l’enjeu sur lequel se focalisent les négociations en terme d’atténuation réside dans les cibles de réduction des émissions de gaz à effet de serre à l’horizon 2025 ou 2030. Convaincus que si les pays ne négocient pas avec un horizon de plus long terme, ils sont susceptibles d’adopter des stratégies qui ne permettent pas de rester en dessous de la limite des 2 °C, nous souhaitons créer un espace d’innovation permettant de mettre en lumière l’importance et la complexité sous-jacente à la création de « représentations » et de « trajectoires » adaptées à cette limite.

Objectifs

Il s’agit par le biais d’une simulation étudiante de proposer une (ou des) nouvelle(s) représentation(s) du futur permettant de parvenir à des trajectoires de développement adaptées à un monde sous contrainte d’un réchauffement climatique limité à 2 °C, en redéfinissant la notion de territoire. Ce faisant, la simulation vise à tester la capacité des acteurs de la négociation à dépasser les coalitions étatiques traditionnelles et à se recomposer sur la base de représentations et de trajectoires vers un futur possible et souhaitable.

Remarque : il conviendra de préciser les termes de « représentation et de trajectoire vers un futur possible et souhaitable » au travers de critères et de métriques permettant de juger de la réussite ou non du projet et de ne pas se limiter à une simple vision de l’avenir.

Méthodologie

Organiser une simulation étudiante au format inédit du 26 au 31 mai 2015 en présence de 200 étudiants français et internationaux.

Cadre et préparation préalable à la simulation

La simulation sera précédée en début de semaine par une préparation obligatoire pour tous les étudiants souhaitant participer.

La simulation se déroulera en elle-même sur la fin de semaine jusqu’au 31 mai et sera partiellement ouverte au public.

La préparation et la simulation se dérouleront au Théâtre des Amandiers à Nanterre.

Les délégations

Les 200 étudiants seront répartis dans 40 délégations qui auront la particularité pour une partie d’entre elles de ne pas représenter des États. Le cadre international onusien exclut de la table des négociations de nombreux acteurs, qui constituent pourtant une part importante du problème et/ou de la solution. Nous faisons l’hypothèse que leur inclusion – porteuse à la fois d’une plus grande complexité et d’un plus grand réalisme – est cruciale pour apporter des réponses satisfaisantes au défi du changement climatique.

Chacune des délégations étatiques est composée des 5 entités suivantes :

  • une entité représentant le gouvernement (as sovereignty)
  • une entité représentant la société civile
  • une entité représentant le secteur économique
  • une zone critique / en danger (critical territory)
  • une entité libre de choix (choisir une entité correspond à une délégation non étatique)

Des exemples d’entités constituant ce type de délégations sont fournis en annexe : « United Kingdom », « Inde » (Annexe 2)

Dans la mesure du possible, chacune des délégations non étatiques/transversales est composée des 5 entités suivantes :

  • une entité représentant la société civile
  • une entité représentant le secteur économique
  • une zone critique (critical territory)
  • une entité libre de choix (représentant ce que les membres de cette délégation souhaitent)
  • idem

 

Le Théâtre des négociations était le premier projet d’ampleur du mandat de Philippe Quesne en tant que directeur des Amandiers – de fait, le projet se situait dans la droite ligne de son travail artistique d’observation de collectifs en train d’agir. Créer les conditions d’une expérience de théâtre à observer in vivo, tel est en effet le projet originel de sa compagnie, Vivarium Studio. En transformant l’intégralité du théâtre (et non un seul de ses plateaux) en lieu d’observation, il a permis une expérience politique et artistique. Geste double, entre maîtrise scénographique et lâcher-prise par l’ouverture du théâtre à d’autres usages, d’autres pratiques, d’autres personnes que les professionnels généralement invités à investir ce lieu. En offrant le théâtre comme terrain d’expérimentation à des chercheurs, des étudiants, des designers, des architectes, Philippe Quesne opérait lui-même une expérience limite sur le lieu qui lui était confié, permettant que l’intégralité des espaces des Amandiers soient occupés et mis au travail de manière singulière. Car concevoir une dramaturgie des négociations, penser leur ergonomie et leur scénographie, imaginer comment rendre partageable, public, un événement qui n’a pas vocation à l’être, constituaient autant de défis auxquels nous avons répondu en explorant toutes les potentialités du lieu théâtral. Ce sera le deuxième temps de mon analyse : les enjeux proprement théâtraux du projet.

 

Notes

[1] Sur « The Battle of Orgreave » de Jeremy Deller, voir notamment l’analyse détaillée qu’en donne Estelle Zhong Mengual dans L’Art en commun. Réinventer les formes du collectif en contexte démocratique, Paris, Les Presses du réel, 2018, ainsi que le documentaire de Mike Figgis, The Battle of Orgreave (2001).

[2] Stefan C. Aykut et Amy Dahan, Gouverner le climat ? Vingt ans de négociations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, coll. Développement durable, 2015.

[3] Bruno Latour, La Science en action, Paris, Gallimard, 1995.

[4] Cette simulation a fait l’objet de recherches et a conduit à la publication d’un article scientifique : Sébastien Treyer, « Pourquoi rejouer Copenhague ? Ouvrir le débat sur les apports des simulations pour la recherche, la formation et la pratique des négociations », Négociations, dossier « Simulations de négociation : quels apports pour la recherche et la pratique ? », n° 22, 2014|2.

 

 

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