Pluridisciplinarité structurelle, transdisciplinarités ponctuelles

L’apport des recherches théâtrologiques
à la réflexion disciplinaire moderne

Afin de traiter au mieux la question qui nous a été proposée, celle des croisements méthodologiques – modèles, outils, concepts – « transdisciplinaires » entre la recherche théâtrale et d’autres domaines du savoir, nous commencerons par nous interroger sur ce terme afin de préciser ce qui le distingue de son voisin immédiat : « interdisciplinaire ». D’une allure plus moderne, grâce au préfixe « trans », qui indique l’outrepassement d’une limite, il suggère spontanément un degré supérieur dans la mise en commun, un échange entre disciplines poussé très loin, jusqu’à un saut qualitatif. C’est un sens qu’on rencontre fréquemment aujourd’hui. La notion de « transdisciplinarité » date en réalité des années 1970, où elle se distinguait radicalement de l’interdisciplinarité et désignait l’accès à un commun échappant à toutes les disciplines, mouvement en accord, selon ses inventeurs, avec les ambitions de la modernité. Elle connaît depuis peu un grand retour, avec des acceptions qui ne sont plus exactement celles des origines (Jean Piaget, Basarab Nicolescu[2], Edgard Morin[3]) mais demeurent marquées par elles. Le qualificatif « transdisciplinaire », surtout lorsqu’il s’allie à « indisciplinaire », s’inscrit dans une ample perspective critique : il s’agit d’interroger la fonction, voire la validité, de ce qu’on appelle une « discipline » (« science, matière pouvant faire l’objet d’un enseignement spécifique » selon le TLFI), et, concrètement, de remettre en cause les disciplines existantes, telles qu’elles se sont organisées dans le système académique qui est le nôtre, soupçonné de transmettre dans sa forme même des modèles conservateurs. Notre appréhension du « transdisciplinaire » entendu dans son sens fort d’« outre-disciplinaire », fondée sur une expérience assez longue de territoires intellectuels et scientifiques volontairement situés hors des disciplines (comme les studies), est bien plus modeste que celle du trio Piaget/Nicolescu/Morin – nous ne prétendons pas esquisser un schéma global, et encore moins utopique, de la connaissance et de ses progrès –, mais surtout, ayant pu vivre et observer un mouvement inverse à celui envisagé par le psychologue il y a quarante ans – à savoir l’effacement et la disparition à terme des frontières disciplinaires –, nous reconnaissons au contraire à la transdisciplinarité telle que nous la fréquentons une fonction de revitalisation des disciplines.

Une notion – celle de discipline – mérite elle aussi un commentaire préalable, bien qu’elle soit familière et présumée bien maîtrisée. Nous examinerons le cas de celle qui nous intéresse le plus : la nôtre, née en France à la fin des années 1950, officialisée sous le nom d’« études théâtrales » à l’université, les chercheurs du CNRS parlant plutôt à la même période de « recherches théâtrales » ou « théâtrologiques »[4]. Notons d’abord qu’à l’université comme au CNRS, cette discipline s’est définie – pas uniquement, mais principalement – par son objet (le théâtre comme pratique et art du spectacle), à l’instar de disciplines plus anciennes, comme les études littéraires et la musicologie, ou à peu près contemporaines, comme les études cinématographiques, alors que les « grandes » disciplines (dans le champ des sciences sociales : l’histoire, l’anthropologie, la sociologie et quelques autres), se caractérisent par leurs modes d’approche spécifiques d’objets qui peuvent être partagés[5]. Du fait de la nature très complexe de son objet (non seulement l’œuvre scénique, mais la « séance dramatique », selon le terme de Tadeusz Kantor, élargie à l’ensemble des performances et événements relevant des arts du spectacle), la démarche que nous dirons, d’une façon générale, théâtrologique devait nécessairement être plurielle, sans pour autant perdre sa cohérence. La nouvelle discipline ne pouvait se fonder sur une simple pluridisciplinarité de juxtaposition, elle était structurellement interdisciplinaire, fruit d’une interdisciplinarité assez puissante pour être qualifiée de « transdisciplinaire » – l’aboutissement paradoxal du processus étant en ce cas la naissance d’une nouvelle discipline (nous y reviendrons). Le séminaire intitulé « Approches plurielles du fait théâtral » qui s’est tenu de 2013 à 2016 dans le cadre de l’UMR THALIM et a constitué la première recherche consacrée à l’histoire de la genèse des études théâtrales dans leur version française a montré que cette très longue genèse elle-même a été multidisciplinaire[6]. Or cette histoire n’avait guère été décrite et explorée comme telle en dehors de documents internes. La longue réserve, pour ne pas dire le désintérêt, des spécialistes de théâtre concernant l’histoire épistémologique et institutionnelle du cadre atypique dans lequel ils opèrent s’explique en partie par la nature de leur objet. La relation entretenue dès l’origine par les chercheurs-théâtrologues avec le monde du théâtre vivant, ses artistes et ses techniciens, engendrant une forme originale d’échanges théoriques non académiques, objectivement « indisciplinaires », a contribué à créer chez nombre d’entre eux le sentiment que ce monde constituait le véritable espace d’inspiration et de diffusion de leurs travaux, ce qui n’était pas complètement faux, mais n’aurait pas dû conduire à faire passer au second plan l’espace de l’élaboration réglée et codifiée de ces travaux, c’est-à-dire l’espace de la recherche scientifique, où toute discipline, pour exister, doit se penser – et se re-penser sans cesse – en tant que telle. Contrairement à ce qu’on imagine, les disciplines sont fragiles, elles dépendent d’institutions qui elles-mêmes dépendent (plus ou moins) de facteurs socio-politiques et économiques. Cessent-elles d’être rentables, et d’abord pour les étudiants, elles sont concurrencées par d’autres, plus apparemment proches des réalités sociales, plus gratifiantes socialement.

C’est en tenant compte de cette double donnée : l’existence d’un fort courant a-disciplinaire dans le monde universitaire contemporain, d’une part, le caractère tardif de la réflexion des études théâtrales sur elles-mêmes, d’autre part, que nous traiterons des deux types de croisements méthodologiques « transdisciplinaires » que nous avons expérimentés : internes à la structure académique (interactions poussées avec d’autres disciplines), ou hors de cette structure (interactions avec les studies), avant de nous interroger sur la valorisation actuelle d’un « décloisonnement » présenté comme neuf et libérateur et sur ses véritables enjeux.

 

Interdisciplinarités remarquables

 

Comme nous l’indiquions au début de notre préambule, certaines pratiques interdisciplinaires sont dites « transdisciplinaires » parce qu’elles sont perçues comme présentant un caractère exceptionnel. Il peut s’agir d’une réunion de compétences autour d’un même objet, le nombre d’approches associées produisant une impression globale de transversalité ; d’un effort interdisciplinaire exercé sur une longue durée, dont les résultats suscitent un sentiment de cohérence, étant exprimés dans un langage commun d’une interdisciplinarité exercée dans des conditions particulièrement difficiles, étant donné l’éloignement initial des usages et des langages des partenaires. La moindre amorce de dialogue scientifique, et pas seulement technique, métaphorique ou relationnel, constitue alors un événement. Nous avons choisi de nous arrêter sur ce troisième cas de figure, que nous illustrerons par la collaboration en cours dans le cadre de l’ANR ECHO entre des chercheurs en études théâtrales, réunis autour de membres de l’équipe ARIAS (UMR THALIM), et des informaticiens-acousticiens appartenant au LIMSI (Laboratoire d’Informatique pour la Mécanique et les Sciences de l’Ingénieur), autrement dit une association assez rare entre SHS (Sciences Humaines et Sociales) et STIC (Sciences et Technologies de l’Information et de la Communication). Disons tout de suite que cet exemple illustrera aussi le deuxième cas de figure : un tel dialogue ne peut réussir que si l’on y met le temps.

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Les acteurs jouant le couple Ubu enregistrés en 3D (image et son).
Document de travail du LIMSI-CNRS.

L’objet central du projet ECHO est la voix dite « parlée » sur les scènes françaises dans la seconde moitié du XXe siècle. Durant cette période, les représentations de la parole ont changé, les technologies ont mêlé voix et sons, et surtout le rapport au mot (au texte, au verbal, à la langue) a connu plusieurs bouleversements majeurs. « Faisant l’hypothèse que, dans le domaine vital du langage, bouleversement ne signifie pas disparition, le projet ECHO observe comment les scènes modernes ont exprimé et rejoué ces phénomènes »[7]. Le programme de recherche précédent, « Le son du théâtre (XIXe-XXIe siècles) », avait montré que l’acoustique moderne, dont les règles se sont véritablement définies au début du siècle dernier, avait pensé les salles dédiées aux représentations théâtrales de façon spécifique par rapport aux opéras ou aux salles de concert, les premières étant, à la différence des autres, calculées en référence à la voix parlée, et non à la voix chantée ou à la musique.

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Enregistrement d’une représentation du spectacle Elvire-Jouvet 40,
conception et mise en scène de Brigitte Jaques, 5 février 1986.
Cassette audio (fonds du Théâtre de l’Athénée, BnF, Arts du spectacle).

Notre programme étant principalement fondé sur l’écoute et l’analyse d’enregistrements audio de représentations couvrant la période étudiée (appartenant au fonds des Arts du spectacle de la BnF), nous souhaitions connaître dans quels espaces les voix que nous entendions avaient été perçues par les spectateurs et saisies par les microphones : dans quelles acoustiques, avec quelles sonorisations ? L’un des acousticiens rencontrés pendant le projet précédent, Brian Katz, qui avait déjà utilisé les techniques d’auralisation[8] et de simulation numérique pour reconstituer l’acoustique de salles disparues (Fogg Art Museum Lecture Hall, Harvard ; abbaye de Saint-Germain-des-Prés, Paris), a accepté d’entrer dans le projet (avec un doctorant qui serait engagé pour ce travail et quelques autres spécialistes).

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La reconstitution virtuelle de la salle du Théâtre de l’Athénée et l’incrustation des acteurs.
Document de travail du LIMSI-CNRS.

Nous avions choisi d’organiser notre corpus d’archives sonores autour de deux lieux : la grande salle du Théâtre de Chaillot et la grande salle du Théâtre de l’Athénée. La première collaboration entre chercheurs en études théâtrales et acousticiens a eu pour objet la reconstitution de leurs histoires architecturales (1930-2000) à partir de quoi seraient élaborés les modèles numériques où nous pourrions entendre les variations d’une même séquence de jeu, pour des périodes différentes (chacune des salles avait subi des transformations) et à partir de différentes places. À notre grande surprise, car ces bâtiments sont célèbres, aucun n’était sérieusement documenté sur le plan architectural – sans même parler des paramètres acoustiques. Il a fallu beaucoup de temps pour réunir les plans et dossiers techniques nécessaires (sous la direction de Sandrine Dubouilh, professeur en études théâtrales et architecte). Nous affrontions assez brutalement un constat jusque-là seulement entraperçu : sauf exception, les spécialistes de théâtre avaient analysé des spectacles sans connaissance précise des lieux qui les accueillaient. Ce qui constituait une difficulté pour notre recherche révélait un décalage culturel important avec nos partenaires. Le travail a cependant avancé : des modèles acoustiques ont été calibrés avec des mesures in situ en collaboration avec les équipes techniques des deux salles, et les différents états historiques ont été peu à peu reconstruits virtuellement. Mais du fait des lacunes importantes du dossier architectural de Chaillot et du moindre intérêt de cet exemple selon les critères des acousticiens (autre hiatus entre nos approches), seule la salle de l’Athénée a fait l’objet d’une simulation. Celle-ci a exigé une étude technique et subjective (avec des tests d’écoute) : évaluation perceptive et objective des mesures et des auralisations de simulation acoustique calibrée ; implémentation de la directivité vocale dynamique et évaluation subjective de celle-ci ; auralisation « augmentée » par des technologies immersives de réalité virtuelle ; interactions cross-modales entre vision et audition sur l’appréciation des auralisations. Soulignons que l’un des objectifs secondaires mais importants d’ECHO est de faire avancer les techniques d’auralisation scientifique pour l’étude historique de l’acoustique des lieux de spectacle. Le long travail de mise au point, non seulement des méthodes utilisées, mais aussi des tests permettant de les évaluer, effectué dans les locaux du laboratoire situé sur le plateau d’Orsay, ne faisait l’objet que de présentations rapides lors des comités de pilotage et ateliers de travail du groupe. Hormis quelques visites personnelles au LIMSI et quelques rencontres à l’occasion des tests, pour lesquels Bart Postma utilisait deux catégories de cobayes (les premiers familiers des questions d’acoustique, les seconds du théâtre et des arts du spectacle), nos travaux se sont développés de façon quasiment autonome. Il convenait pourtant de dialoguer : pour comprendre ce que chacun faisait, ses besoins et ses demandes, pour ajuster réciproquement nos pratiques et nos réflexions. L’une des difficultés, progressivement identifiée, résidait dans la très grande différence de nos us et coutumes dans le domaine de l’organisation et de la « gestion » de la recherche. Alors que nous (spécialistes de théâtre) consacrions une séquence de chaque comité de pilotage à nos interrogations méthodologiques, en particulier celles qui concernaient la conception des fiches d’écoute, persuadés que cette réflexion ferait progresser – et donc intéresserait – l’ensemble des participants, les acousticiens ne comprenaient pas que des questions liées à une tâche précise (à l’un des « livrables », pour adopter le lexique de l’ANR) soient travaillées dans une réunion collective. Réciproquement, la plupart des spécialistes de théâtre ne s’intéressaient pas spontanément à la mise au point de l’outil que pourrait représenter la simulation. Cette situation a changé lentement, au cours du travail et grâce à lui.

Prenons l’exemple de l’un des spectacles importants du corpus : le Ubu monté par Jean Vilar à Chaillot en 1958. Il a été choisi pour la simulation numérique, principalement du fait de son caractère marionnettique, qui facilite la transposition en mode virtuel, mais aussi parce que le texte de Jarry est une œuvre majeure dans l’histoire du théâtre, en particulier pour sa relation aux technologies sonores. Un bref extrait a été rejoué par des acteurs, inspiré du jeu de Rosy Varte et Georges Wilson, et enregistré en 3D. Des acteurs virtuels 3D ont été incrustés dans le modèle de la salle dont nous disposions : celle de l’Athénée (ce qui n’est pas gênant puisque l’objectif n’est pas une reconstitution historique du spectacle, mais du lieu), permettant toutes les variations évoquées plus haut, conçues pour répondre aux besoins des théâtrologues, qui ont dû préciser et affiner leurs questions initiales.

Alors que nous entrons dans la phase d’exploitation collective de la simulation – qui exige des spécialistes de théâtre qu’ils complètent la documentation encore lacunaire sur les spectacles joués à l’Athénée –, nous pouvons mesurer ce que nous a d’ores et déjà apporté cette collaboration.

Tout d’abord, aux uns comme aux autres, une rigoureuse leçon d’histoire. Le travail de reconstruction force à rechercher ce qu’étaient précisément les conditions concrètes de l’audition (et de la vision) dans une salle donnée, à un moment donné, pour un spectacle donné. Sans les exigences des collègues acousticiens, jamais nous n’aurions fait l’effort d’aller au-delà de la première documentation. Sans notre apport, eux-mêmes n’auraient pas pensé la spécificité des questions théâtrales ni celle des époques aurales successives[9].

Ensuite, elle nous a permis de disposer d’une sorte de « loupe auditive » tournée vers le passé. La séquence virtuelle d’Ubu, incrustée dans un modèle de salle historicisé, offre une expérience reproduisant celle d’un spectateur-auditeur imaginaire à une certaine phase de l’histoire du lieu. Réalisée sur des critères objectifs, la simulation interroge les légendes (celle de Chaillot, celle de l’Athénée) et permet de dessiner la topographie auditive des salles.

Enfin, cette collaboration nous a fourni un outil commun pour faire la part de l’ouïe, de l’auralité et de l’écoute dans l’expérience des spectateurs du passé. Confrontée à l’expérience « directe » du spectacle qu’offrent aussi, pour le même lieu et à la même période, certaines archives audio, confrontée aux témoignages de l’époque et aux souvenirs tardifs de spectateurs, la simulation aide à démêler les facteurs en jeu.

ECHO apparaît ainsi comme un lieu où s’expérimente une interdisciplinarité rendue exceptionnelle par l’étendue de la distance qui séparait, à l’intérieur d’une même institution, le CNRS, les « tribus » qui s’y sont témérairement alliées[10]. Avec des résultats : les études techniques des lieux théâtraux n’ignorent plus les paramètres culturels de l’audition, les études des spectacles prennent en compte les facteurs physiques, par exemple, le « rayonnement » (acoustique) de la voix et ses règles. Plus encore que le colloque de novembre 2015[11], le colloque de décembre 2016[12] a témoigné de cette écoute mutuelle.

Cependant, comme nous l’avons vu, de tels dialogues caractérisent toute l’histoire théâtrologique, ce que beaucoup semblent ignorer.

Le concept d’interdiscipline – peut-on lire dans la présentation d’un ouvrage récent – mobilisé habituellement dans les sciences de la communication, trouve dans le champ du spectacle vivant un nouvel écho. Les recherches en arts du spectacle connaissent actuellement une mutation sans précédent, sous l’impulsion d’un dialogue qui convoque des modèles de décloisonnement[13].

Ce texte représente un exemple parmi d’autres du discours aujourd’hui répandu selon lequel les spécialistes de théâtre seraient demeurés « cloisonnés » dans leur discipline et ne découvriraient qu’aujourd’hui, grâce au caractère hybride des créations contemporaines, les échanges avec les autres disciplines. Il témoigne de l’oubli ou de l’ignorance du fait que l’interdisciplinarité a constitué l’une des caractéristiques majeures des études et recherches théâtrales dès leur origine. On prend pour un progrès ce qui n’est qu’une recomposition du chœur disciplinaire, dont les effets ne sont pas forcément positifs. Les disciplines citées sont les suivantes : « L’anthropologie, la sociologie, la génétique du spectacle, la neurobiologie, la sémiologie ». Certaines disciplines entrent, mais d’autres sortent. Au début des années 1960, Jean Jacquot, créateur du groupe initial du CNRS, souhaitait articuler « les travaux d’histoire du théâtre » avec les « études textuelles » et « l’histoire des sociétés »[14]. La discipline historique était deux fois mentionnée, à travers deux de ses composantes : celle qui aborde le théâtre comme art et pratique sociale, et celle qui observe le contexte de cette pratique. Quant au « texte » (et non « l’œuvre dramatique »), il devait être l’objet de plusieurs types d’« études » (le mot était au pluriel). Cette rapide comparaison suffit à montrer que si le chœur contemporain « décloisonne » d’un côté, il cloisonne de l’autre : le « dialogue » présenté comme neuf et ouvert oublie ce qui l’a précédé, oublie l’histoire, oublie les études littéraires, et oublie la philosophie, alors que ces disciplines prennent plus que jamais le théâtre pour objet et marquent nombre de travaux inscrits en études théâtrales.

Dans la réalité de la recherche, il n’existe pas de hiérarchie absolue ni de mosaïque idéale des disciplines sollicitées par la théâtrologie. Cependant, le retour actuel à une approche générale moins esthétique du fait théâtral conduit à revenir prioritairement aux sciences sociales des débuts : l’histoire, l’anthropologie, la sociologie, complétées, et non remplacées, par de nouvelles approches (citons les études cognitives, par exemple). Dans le détail, c’est la question-source de chaque projet, dans un contexte donné, qui va déclencher le recours à l’une plutôt qu’à l’autre. Nous devons constater que dans notre travail personnel, nous avons souvent adopté ou adapté des modèles et méthodes ethnographiques et anthropologiques. Nous nous contenterons d’un exemple. Lorsque nous avons amorcé, en 1998, une recherche collective sur le théâtre des amateurs, la seule discipline en France à avoir pris ces derniers pour objet était la sociologie[15]. Les enquêtes quantitatives de quelques (rares) sociologues représentaient à l’époque une sorte de transgression dans un milieu qui ne s’intéressait, sauf exception, qu’à la création professionnelle, et leurs résultats étaient très utiles. Cependant, centrées sur le caractère de l’activité et non sur l’activité elle-même, ces enquêtes ne distinguaient pas la pratique théâtrale de tous les autres loisirs possibles, ni le théâtre pratiqué en amateur de l’ensemble hétérogène des formes « non-professionnelles » : théâtre à l’école, théâtre thérapeutique, etc. Or il existait parmi les productions du LARAS (Laboratoire de Recherches sur les Arts du Spectacle du CNRS) des ouvrages et articles sur des formes de jeux dramatiques antérieures ou parallèles aux premiers processus de professionnalisation européens, pratiquées par ce qu’on appellerait plus tard des « amateurs ». Ces ouvrages, qui proposaient une histoire sociale et technique du théâtre médiéval, ne semblaient pas concerner directement la période moderne et contemporaine[16]. C’est pourtant cette anthropologie historique, cette histoire nourrie d’anthropologie, qui a été décisive : elle nous a permis de comprendre que le théâtre des amateurs, si méprisé des sphères artistiques, avait représenté un phénomène culturel majeur, elle nous a incités à observer dans toutes leurs dimensions, accessibles par des études de terrain ethnographiques, les manifestations contemporaines de ce phénomène, la façon dont il s’inscrivait dans la société, les expériences esthétiques originales qu’il suscitait.

Le nom de la première collection du CNRS créée en 1955 par Jean Jacquot, « Le chœur des Muses », qui suggérait « la mise en jeu de plusieurs compétences pour faire le tour d’un même sujet sous divers angles » renvoyait « à l’ensemble riche d’idées et de symboles qu’évoquait à la Renaissance la légende d’Apollon musagète »[17]. On peut parler d’une justesse esthétique à propos de ce collectif souple, accordé avec son objet.

 

Transdisciplinarités ponctuelles

 

Les Sound Studies (recherches sur le son et l’écoute) sont un champ émergent, interdisciplinaire, qui s’est développé depuis quelques décennies en réaction à la domination du visuel dans la pensée et la science occidentales[18]. Les « Sound Students » – ceux qui travaillent dans le champ des Sound Studies, ainsi nommés par Jonathan Sterne, en une reprise ironique d’un mot peu amène de Todd Gitlin[19] – étudient la production et la consommation matérielles de sons, de bruits et de silence, telles qu’elles se sont transformées au cours de l’histoire et à l’intérieur de sociétés différentes. Ils appréhendent ces questions dans une perspective beaucoup plus large que les disciplines traditionnelles, montrant comment l’écoute (l’audition, l’auralité) a toujours été une composante importante de l’expérience, comment elle a structuré et transformé le monde d’une façon qui est passée inaperçue. Dans leur très rapide développement (plusieurs ouvrages de synthèse ont paru depuis une décennie[20]), un rôle majeur a été joué, d’une part, par les disciplines qui abordent le son et l’audition dans leurs dimensions physiques et physiologiques comme l’acoustique ou l’otologie, d’autre part, par un ensemble de sciences sociales comme l’anthropologie culturelle, l’histoire des techniques, l’histoire des sensibilités. Les recherches sur les arts ont contribué à ce chantier : la musicologie, les études cinématographiques et les études théâtrales. Réciproquement, touchées par les savoirs et les problématiques des Sound Studies, ces disciplines ont intégré la question sonore et repensé, chacune dans son domaine, les représentations admises, souvent essentialistes, du son et de l’écoute ainsi que celles qui concernent les relations de l’ouïe aux autres sens. Ce mouvement est doublement transdisciplinaire : parce qu’elles ne prétendent pas devenir une nouvelle discipline (tout en s’appuyant sur des disciplines, elles pointent les limites de ce type de découpage[21]), les Sound Studies s’organisent sur un mode inédit, dans un espace intellectuel et scientifique différent de celui des structures académiques classiques[22], elles constituent ainsi un secteur du vaste archipel transdisciplinaire contemporain qui tend çà et là à s’unifier autour de l’idée de studies ; parce qu’elles ne prétendent pas se substituer aux disciplines, et se proposent plutôt comme un lieu largement ouvert à chacune d’elles, elles favorisent ou suscitent en leur sein des aventures transdisciplinaires. C’est celle à laquelle nous avons participé, et participons encore, que nous allons rapidement évoquer[23].

En commençant, pour une fois, par le commencement, qui, comme toujours, en comporte plusieurs. On ne part jamais de zéro. Autrement dit, entre le disciplinaire et le transdisciplinaire – et rien ne vaut le fait d’entrer dans les détails a priori négligeables pour en être persuadé –, les interactions sont extrêmement compliquées, d’autant qu’une bonne part d’entre elles demeurent informulées, voire ignorées. Pour expliquer comment tout a débuté, je[24] raconte souvent la première visite, en 2004, dans les locaux d’ARIAS, de Melissa Van Drie, une jeune étudiante qui arrivait des États-Unis, avec dans son bagage un M. A. (Master of Arts) de NYU en musique (historical musicology), une culture américaine et anglophone associant musicologie, histoire sociale des techniques, et ce qui était en train de prendre la forme des Sound Studies, avec, surtout, l’intuition d’une application possible au domaine théâtral – qu’elle connaissait encore très mal – des études portant sur l’apparition du phonographe dans la vie musicale. Il est certain que la démarche de Melissa Van Drie – suivie d’un travail doctoral pionnier et d’une activité décisive de passeur culturel (transmission de bibliographies, diffusion d’informations sur les lieux de recherche) – a représenté un moment-clé de cette histoire. D’une façon qui mêle inextricablement le fondamental et l’anecdotique : pour accompagner Melissa Van Drie au colloque organisé à Montréal en 2007, « Intermédialité, théâtralité, (re)présentation et nouveaux médias », auquel notre laboratoire se devait de participer, j’ai préparé moi aussi une intervention sur le son (notre idée était d’articuler une étude sur la mutation technologique de la fin du XIXe siècle à une étude sur la mutation numérique contemporaine). Or c’est à la fin de ce colloque (devant la disproportion flagrante des exposés consacrés aux images et des exposés consacrés aux sons) que nous avons, à quelques-uns, pris soudain la mesure du très étonnant oubli du sonore dans notre champ disciplinaire.

Réfléchissant à ce petit récit d’origine dans la perspective définie pour le présent dossier – revenir de façon précise sur nos démarches transdisciplinaires concrètes –, j’ai songé qu’il fallait remonter un peu plus loin dans le temps. Pourquoi Melissa van Drie était-elle venue me voir ? La réponse – le collègue universitaire qu’elle avait contacté en arrivant en France lui avait donné mes coordonnées – m’a rappelé qu’en 2004, j’avais déjà travaillé et écrit sur la dimension acoustique, au sens large, du théâtre[25], que c’est involontairement que j’avais abordé ce sujet, et qu’au moment où j’accueillais la proposition de thèse toute colorée d’« imagination sonique » de Melissa, je ne percevais pas du tout l’enjeu d’un tel travail. La prise de conscience n’aurait lieu que trois ans plus tard, lors du colloque évoqué. Le récit que nous avons souvent donné de cet autre épisode-clé mérite lui aussi d’être réexaminé : ce que nous nous amusions à raconter comme un « Bon sang, mais c’est bien sûr ! » sorti de nulle part, se fondait, à la réflexion, sur plusieurs matrices culturelles : du côté des collègues québécois, l’intermédialité (un autre champ de recherche transdisciplinaire important), de notre côté, les recherches sur la relation entre salle et scène, marquées par la pensée de grands praticiens du début du XXe siècle (Meyerhold, Jouvet, Reinhardt). Si le développement du chantier ouvert quelques mois plus tard a été si naturel, c’est que le champ théâtrologique illustrait particulièrement bien la situation décrite par Jonathan Sterne pour l’ensemble des Sound Studies : le problème n’était pas l’absence complète de travaux sur le son (de part et d’autre, nous avions œuvré un peu en ce domaine), mais le fait que ceux-ci soient demeurés fragmentaires.

Il existait des études sur la diction des comédiens, sur l’acoustique des théâtres grecs, sur les bruitages (très peu en langue française), sur les relations entre musique et théâtre, sur les dramaturgies des voix et certaines grandes créations sonores de la scène contemporaine, sur les techniques de sonorisation, etc., mais celles-ci restaient dispersées, hétérogènes dans leurs démarches et leurs objectifs, rédigées et lues dans des communautés scientifiques la plupart du temps étrangères les unes aux autres[26].

Sans la présence diffuse et suggestive des Sound Studies, la prise de conscience de l’oubli du sonore n’aurait pas eu ce caractère de révélation comique, c’est-à-dire d’événement. Nous ne savions pas ce que nous allions trouver, mais il était sûr qu’un tel tabou auditif ne pouvait s’expliquer que par un phénomène de poids. Nous allions très progressivement en amorcer la découverte, en sortant, ce faisant, des sentiers balisés des Sound Studies, qui, bien sûr, ont elles aussi leurs modèles convenus… En attendant, un effet immédiat de notre relation rafraîchissante avec elles a été l’ouverture, par affinités électives, de nouvelles interdisciplinarités. Travaillant avec des historiens des techniques (du phonographe, du microphone, du cinéma, de l’architecture, de l’acoustique), avec des géographes, des urbanistes et des juristes[27], avec des spécialistes des archives sonores, avec des chercheurs ayant étudié diverses formes d’oralités modernes et contemporaines, ayant eu affaire à d’autres usages scientifiques (modes d’approche, bibliographies, critères de périodisation, chronologies, imaginaires théoriques), nous avons pris de la distance par rapport aux modèles théâtrologiques. Les effets n’ont pas été uniquement méthodologiques : le théâtre que nous écoutons n’est plus exactement celui auquel nous nous intéressions au début de notre recherche. Son inscription théorique dans les grandes questions sociales et culturelles s’est elle aussi renouvelée.

 

Trois mots encore sur notre discipline

 

Avec leur pratique native des cloisons disciplinaires mobiles, ou d’une choralité scientifique mouvante, selon l’image qui plaira le plus, avec une disposition certaine pour la fréquentation d’espaces farouchement non académiques, pourquoi les études théâtrales ne se dissoudraient-elles pas heureusement dans l’espace indisciplinaire librement réorganisable autour de thématiques changeantes, qui paraît être aux yeux de certains, et pour certaines institutions, un idéal pour l’avenir ?

D’abord parce que les études théâtrales se sont construites autour d’un objet précis qui les exigeait, un objet concret, situé dans le temps et l’espace, dont la nature complexe appelait une approche pluridisciplinaire, ce qui ne veut pas dire l’absence de méthodes scientifiques, mais l’addition des méthodes : le terrain et/ou l’archive. Ce n’est pas le cas des studies qui s’organisent autour de problématiques, potentiellement transversales, extraites, momentanément pour certains students, définitivement pour d’autres, des approches disciplinaires et de leurs modèles scientifiques. Mais il y a au maintien de notre discipline une autre raison, qui concerne dans une moindre mesure l’ensemble des disciplines en sciences humaines et sociales. Il est temps d’évoquer une réalité que tout le monde connaît mais qui est peu analysée. Nous voulons parler des « interdisciplinarités intérieures » ou « intimes » qui caractérisent nos pratiques. Reconstituer la genèse des études théâtrales a fait apparaître le rôle décisif de nombreuses personnalités que nous dirons « plurielles ». Tout chercheur en arts du spectacle, quelle qu’ait été sa formation, emprunte à plusieurs sciences pour construire sa méthode.

Plus que d’autres, ce chercheur a des besoins vitaux :

– disposer d’un lieu institutionnel qui incarne concrètement son domaine de savoir – ni éclaté en sujets de plus en plus étroits, ni étiré jusqu’à des horizons universels abstraits (ce qui est la double tentation des studies, ce qui les rend adaptables aux courants et aux modes) ;

– inscrire sa recherche dans la longue durée, que seul peut lui fournir l’espace disciplinaire, espace d’héritage et de transmission. Les sciences, comme les arts, se jouent dans un temps long[28].

 

Notes

[1] Jean Piaget, « L’épistémologie des relations interdisciplinaires », dans L’interdisciplinarité. Problèmes d’enseignement et de recherche dans les universités, Paris, OCDE, 1972, p. 170 : « Enfin, à l’étape des relations interdisciplinaires, on peut espérer voir succéder une étape supérieure qui serait “transdisciplinaire”, qui ne se contenterait pas d’atteindre des interactions ou réciprocités entre recherches spécialisées, mais situerait ces liaisons à l’intérieur d’un système total sans frontières stables entre les disciplines. »

[2] Article « Transdisciplinarité » proposé par Wikipédia, fondé sur un texte de Lionel Dupuy, géographe qui reprend l’approche de Nicolescu, « Co, multi, inter, ou trans-disciplinarité ? La confusion des genres », Document de travail à destination des étudiants du CIEH (Certificat International d’Écologie Humaine), [s. d.] : « [L]a transdisciplinarité est la posture scientifique et intellectuelle qui se situe à la fois entre, à travers et au-delà de toute discipline. Ce processus d’intégration et de dépassement des disciplines a pour objectif la compréhension de la complexité du monde moderne et présent, ce qui constitue déjà, a priori, un premier élément de légitimité (ou de légitimation). »

[3] C’est cet auteur que cite le TLFI. « Transdisciplinarité, subst. fém. Démarche scientifique qui dépasse les frontières d’une discipline. En ce qui concerne la transdisciplinarité, il s’agit souvent de schèmes cognitifs qui peuvent traverser les disciplines, parfois avec une virulence telle qu’elle les met en transes (E. Morin, De l’interdisciplinarité ds Carrefour des sciences, Actes du colloque, Paris, CNRS, 1990, p. 29). »

[4] Le CNRS n’ayant pas la même fonction d’institutionnalisation des disciplines que l’université, le terme de « théâtrologie », apparu dès les années 1960, méthodiquement utilisé et défendu par les chercheurs de cette institution, régulièrement utilisé, surtout dans sa forme adjective, ne s’est pas imposé administrativement. Il présente l’avantage de désigner clairement une « science du théâtre », équivalent de la Theaterwissenschaft allemande, empruntant à plusieurs sciences sociales et humaines. Voir la définition donnée par Denis Bablet, directeur du Laboratoire de recherche sur les arts du spectacle du CNRS : « Nous ne croyons pas à une esthétique générale du théâtre, mais à une science dont la dénomination – d’origine allemande – peut paraître plus barbare : la théâtrologie. Une science qui reconnaît la spécificité de son objet mais, dans ses démarches, emprunte ses méthodes aussi bien à l’histoire qu’à la sociologie, à la psychologie qu’à l’ethnologie ou à la linguistique » (Denis Bablet, cité dans Marie-Madeleine Mervant-Roux, « Les études théâtrales : objet ou discipline », colloque « Unité des recherches en sciences humaines et sociales. Fractures et recompositions », Paris, ENS Ulm/CNRS, 9-10 juin 2006). Un département de Sciences humaines est créé au CNRS en 1966. C’est dans ce cadre que s’était inscrit le premier groupe de recherches « théâtrales et musicologiques ».

[5] Voir Marie-Madeleine Mervant-Roux, « Les études théâtrales : objet ou discipline », art. cité.

[6] « Approches plurielles du fait théâtral » (2013-2016), séminaire dirigé par Catherine Brun, Jeanyves Guérin, Marie-Madeleine Mervant-Roux. Ouvrage à paraître.

[7] Résumé officiel du projet. Pour en savoir plus, voir le site d’ECHO.

[8] Les acousticiens nomment « auralisation » le processus consistant à reproduire une acoustique aussi proche que possible de l’acoustique précise d’un certain lieu. Ils exploitent pour ce faire des techniques d’écoute virtuelle intégrant idéalement tous les paramètres de l’expérience de l’auditeur.

[9] L’« auralité » combine l’audible (ce qu’il y a à entendre) et l’entendu (ce qui est entendu par un sujet donné, selon les protocoles et les valeurs qui structurent et colorent sa perception).

[10] Barry Blesser et Linda-Ruth Salter, Spaces Speak, Are You Listening? Experiencing Aural Architecture, Cambridge (Mas.), London, The MIT Press, 2007, p. 279 : « The arcane language and education of a discipline bind its member together, while excluding outsiders. Aside from their specialized skills and knowledge, professional disciplines and sensory subcultures function like tribes or extended families – individuals bound together with shared identity, support, goals, and history. »

[11] Hélène Bouvier et Marion Chénetier-Alev (dir.), L’Écho du théâtre. Dynamiques et construction de la mémoire phonique, XXe-XXIe siècles, Revue Sciences/Lettres [en ligne], 5|2017.

[12] « La scène parle. Voix, acoustiques et auralités en France dans la seconde moitié du XXe siècle », Paris, INHA, 7-8 décembre 2016.

[13] Quatrième de couverture, dans André Helbo, Catherine Bouko et Élodie Verlinden (dir.), Interdiscipline et arts du spectacle vivant, Paris, Honoré Champion, coll. Colloques, congrès et conférences. Sciences du langage, 2013.

[14] Reproduit dans « Les études théâtrales : objet ou discipline », art. cité.

[15] L’ouvrage dirigé par Olivier Donnat, Les Amateurs. Enquête sur les activités artistiques des Français (Paris, Ministère de la Culture et de la Communication, DEP), était paru en 1996. Il n’existait qu’une seule approche de nature anthropologique, celle de Jean-Marc Leveratto, qui n’avait pas encore fait l’objet d’une publication.

[16] Voir Élie Konigson (dir.), Théâtre, Histoire, Modèles. Recherches sur les textes dramatiques et les spectacles du XVe au XVIIIe siècle, Paris, Éditions du CNRS, coll. Arts du spectacle/Les Voies de la création théâtrale, vol. VIII, 1980. En particulier « La place du Weinmarkt à Lucerne ; remarques sur l’organisation d’un espace dramatisé », p. 43-90.

[17] « Musagète » : qui conduit les Muses. Jean Jacquot, « En remerciement d’un don… quelques réflexions sur un chemin suivi », dans Jean-Michel Vaccaro (dir.), Arts du Spectacle et Histoire des Idées, recueil offert en hommage à Jean Jacquot, Tours, Publication de la Société des Amis du CESR de Tours, Centre d’Études Supérieures de la Renaissance, 1984, p. 303.

[18] Voir principalement Jonathan Sterne, The Audible Past. Cultural Origins of Sound Reproduction, Durham, Duke University Press, 2003 ; Une histoire de la modernité sonore, trad. Maxime Boidy, Paris, La Découverte/Philharmonie de Paris, 2015 ; « Sonic Imaginations » (Chapter 1), dans Jonathan Sterne (dir.), The Sound Studies Reader, New York, Routledge, 2012, p. 1-17.

[19] Todd Gitlin, « The Anti-political Populism of Cultural Studies », Dissent, vol. 44, n° 2, printemps 1977, p. 77-82.

[20] Citons Trevor Pinch et Karin Bijsterveld (dir.), The Oxford Handbook of Sound Studies, Oxford, Oxford University Press, 2011.

[21] Jonathan Sterne, « Sonic Imaginations », art. cité, p. 4 : « Sound students problematize sound and the phenomena around it, including their own intellectual traditions. »

[22] Ibid., p. 3 : « As Michele Hilmes puts it, the study of sound, “hailed as an ‘emerging field’ for the last hundred years, exhibits a strong tendency to remain that way, always emerging, never emerged”. »

[23] Ce qui suit s’inspire des deux textes de synthèse rédigés avec Jean-Marc Larrue : « Composer avec le sonore : historiciser, écouter, écrire » [Introduction], dans Jean-Marc Larrue et Marie-Madeleine Mervant-Roux (dir.), Le Son du théâtre – XIXe-XXIe siècle. Histoire intermédiale d’un lieu d’écoute moderne, Paris, CNRS éditions, 2016, p. 9-21 ; « Théâtre, le lieu où l’on entend », dans Jean-Marc Larrue et Marie-Madeleine Mervant-Roux (dir.), Écouter la scène contemporaine, L’Annuaire théâtral, n° 56-57, mars 2016, p. 17-45.

[24] La première personne devient ici inévitable si nous voulons distinguer notre narration personnelle de celle des autres protagonistes.

[25] Pour étudier le rôle éventuel des spectateurs dans l’événement théâtral. Voir L’Assise du théâtre. Pour une étude du spectateur, troisième partie « Le grand résonateur », Paris, CNRS, coll. Arts Du Spectacle, 1998 ou, plus bref, « Le créateur obscur », Les Cahiers de la Comédie-Française, n° 11, Paris, P.O.L, printemps 1994, p. 55-69.

[26] Jean-Marc Larrue et Marie-Madeleine Mervant-Roux, « Composer avec le sonore : historiciser, écouter, écrire », art. cité, p. 10.

[27] Voir Guillaume Faburel, Claire Guiu, Marie-Madeleine Mervant-Roux, Henry Torgue et Philippe Woloszyn (dir.), Soundspaces. Espaces, expériences et politiques du sonore, Rennes, PUR, coll. Géographie sociale, 2014.

[28] Un groupe de réflexion intitulé « Arts du spectacle et sciences humaines et sociales : disciplines, pratiques, méthodes » s’est ouvert en automne 2017. Proposé par des membres de THALIM dont les travaux sont principalement consacrés au théâtre et au cinéma, prenant la forme d’un séminaire, il porte sur les disciplines mises à contribution dans la recherche scientifique sur les arts du spectacle, des écrits aux productions spectaculaires. « Nous souhaitons montrer combien les disciplines que nous pratiquons ou auxquelles nous nous rattachons, essentiellement l’histoire, l’anthropologie, la sociologie, fondées sur l’étude d’archives et l’étude de terrain, ainsi que la discipline philosophique, là où elle interroge les concepts – les textes et leurs contextes – qui ont constitué la pensée sur les arts du spectacle, construisent la recherche dans ce domaine et sont loin d’avoir épuisé leurs contributions spécifiques. » Organisateurs : Anne-Françoise Benhamou (PR, études théâtrales), Hélène Bouvier (DR, anthropologie/arts du spectacle), Mildred Galland-Szymkowiak (CR, philosophie), Marie-Madeleine Mervant-Roux (DR émérite, études théâtrales), Valérie Pozner (DR, histoire du cinéma/études cinématographiques).

 

L’auteur

Marie-Madeleine Mervant-Roux est directrice de recherche émérite au CNRS (études théâtrales), membre du laboratoire THALIM. Ses travaux sur le spectateur, sur le théâtre des amateurs et sur la dimension sonore et acoustique du lieu et de l’événement théâtral s’inscrivent dans une réflexion historique et anthropologique sur l’exercice de la fonction dramatique en Europe.

 

Pour citer ce document

Marie-Madeleine Mervant-Roux, « Pluridisciplinarité structurelle, transdisciplinarités ponctuelles. L’apport des recherches théâtrologiques à la réflexion disciplinaire moderne », thaêtre [en ligne], Chantier #3 : Théâtre et recherche. Histoire et expérimentations, mis en ligne le 16 juin 2018.

url : https://www.thaetre.com/2018/06/16/recherches-theatrologiques/

 

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