Culture hip-hop et « diversité culturelle » en France

Les enjeux institutionnels des Indes galantes (2019) à l’Opéra national de Paris

Issu d’un mémoire de master 2 en études théâtrales, réalisé sous la direction de Sylvie Chalaye en 2019 au sein de l’IRET – Institut de Recherches en Études Théâtrales – à l’Université Sorbonne Nouvelle Paris 3 et portant sur les enjeux politiques et esthétiques des danses hip-hop dans le répertoire institué, cet article revient sur Les Indes galantes alors que le spectacle n’est encore qu’à l’état de projet. Son auteur, Hugo Réauté, a alors suivi le processus de création. Impliqué par la suite au Centquatre, dans un dispositif de résidences artistiques intitulé « Laboratoire cultures urbaines et espace public », dont il coordonne la production, il fait porter ses recherches sur la notion de « cultures urbaines » et revient ici sur l’itinéraire des esthétiques hip-hop en France au prisme des questions liées à la « diversité culturelle » au sein des institutions du spectacle vivant. Quelques mois plus tard, l’Opéra national de Paris commande à Pap Ndiaye et Constance Rivière un rapport sur la diversité à l’Opéra[1], puis il nomme un « référent diversité » au sein de la maison. Ce rapport a été demandé par le nouveau directeur de l’Opéra de Paris, Alexandre Neef, après la diffusion d’un manifeste intitulé « De la question raciale à l’Opéra national de Paris » écrit par Binkady-Emmanuel Hié et cinq danseurs et danseuses du Ballet (Guillaume Diop, Letizia Galloni, Jack Gasztowtt, Awa Joannais et Isaac Lopes Gomes) sous l’impulsion libératrice du passage de Bintou Dembélé en 2018-2019.

 

Les Indes galantes
Réalisation de Clément Cogitore
Chorégraphie de Bintou Dembélé, Igor Caruge aka Grichka et Brahim Rachiki
3e scène – l’Opéra de Paris – 2017

Le court métrage de Clément Cogitore pour la 3e scène, scène numérique de l’Opéra national de Paris[2], réunit une forme d’art multiséculaire et une esthétique nouvelle, l’opéra et le krump[3], elles-mêmes composites mais tenues à distance l’une de l’autre par l’imaginaire social. Le film est pourtant bien davantage qu’un «w mélange des genres » ou une association exotique de goûts. Il relie deux phénomènes d’une intensité semblable, soit l’air dit des « Sauvages » dans la musique de Rameau et une session de krump. Une force musicale et visuelle qui révèle sans les souligner les traces culturelles multiples qui nous composent, les jeux de représentation qui bâtissent nos imaginaires, et opère un retour mémoriel autant que réparateur sur un héritage artistique et politique de l’ère coloniale tout en ouvrant un possible futur politique.

Les espaces générés par l’opéra baroque et par les expressions issues de la culture hip-hop se superposent dans Les Indes galantes selon une logique artistique que Clément Cogitore et Bintou Dembélé poursuivent avec la mise en scène de l’opéra-ballet au complet. Les danses dites « urbaines », du hip-hop au krump, du voguing[4] au jookin[5], déploient autant d’imaginaires qui trouvent dans l’œuvre baroque un creuset où s’inscrire tout en résistant à l’assignation identitaire (dans la représentation exotique de l’altérité, dans celle des rapports violents de domination, dans l’intensité de la musique, etc.). Au-delà de l’intérêt esthétique que représente cette association, la présence même des esthétiques hip-hop à l’Opéra Bastille et dans ce spectacle précis souligne d’autres enjeux socio-politiques liés aux systèmes de représentation et de domination dans le spectacle vivant en France.

Le monde culturel français est historiquement attaché à un patrimoine riche et traditionnel (d’autant plus dans les maisons d’opéra), tantôt revendiquant son exception culturelle pour désigner la vitalité de ses dispositifs favorisant la création en cinéma et dans le spectacle vivant, tantôt se considérant comme le centre névralgique mais contradictoire d’une universalité de l’art (dès la naissance du ministère de la Culture en 1959 et la théorie malrucienne du choc esthétique). Depuis la promotion de la « diversité culturelle » au début du XXIe siècle, notamment par la Déclaration universelle de l’UNESCO en 2001[6], ces rencontres entre des sensibilités et des formes diverses sont encouragées par la politique culturelle. Le cahier des charges des Centres dramatiques nationaux inclut désormais, dès les premières lignes, une obligation de porter une attention particulière à la diversité, au travers des œuvres présentées, des artistes accompagnés et des publics reçus. L’expression se retrouve quasi systématiquement dans les projets des théâtres publics et les éditoriaux des directeur·rices. La protection de la diversité culturelle est même devenue l’argument principal pour la défense d’une politique culturelle en faveur de la culture, en remplacement de l’objectif de décentralisation[7]. Les positions institutionnelles face à cette « diversité culturelle » sont cependant contradictoires.

Le fait est qu’elle renvoie le plus souvent à des « sous-cultures »[8] qu’il s’agirait de faire cohabiter avec des cultures dominantes, relevant du patrimoine et considérées comme plus légitimes. Cette conception est d’autant plus stigmatisante que les danses issues de la culture hip-hop sont parfois rejetées dans le champ mineur du divertissement et accompagnées de nombre de clichés défavorables. Lorsque le terme de diversité culturelle est utilisé dans le milieu culturel, il s’agit souvent d’un regard (d’un calcul) sur les projets portés par des artistes minorisé·es dans la société. La conception de la « diversité » s’appuie sur des variables socialement construites. Elle semble se définir en fonction de lignes de front existantes sur un territoire et désigne implicitement la diversité raciale, les « minorités visibles », expression moquée par Gérard Mauger : « – à l’œil nu s’entend –, bref les Noirs et les Arabes ‘‘visibles’’ sur fond ‘‘blanc’’. »[9] Dans sa version française, la diversité n’est donc pas universelle : certain·es en sont, d’autres les regardent, les financent, les « programment ».

La diversité culturelle institutionnalisée est utilisée comme un moyen de préserver l’hégémonie d’un groupe majoritaire en noyant les principales communautés minoritaires dans « la diversité infinie des autres minorités »[10]. Le spectacle de Clément Cogitore et Bintou Dembélé met en place un certain nombre de stratégies pour contrer ces assignations et revenir à une approche de la diversité culturelle telle que définie par l’UNESCO en 2001, soit comme un processus toujours à l’écoute de ce qui naît culturellement, qui reconnaît la « créolisation »[11] des cultures et ne fige aucun élément culturel dans une position dominante, qui ne se conçoit pas comme un menu à liste ouverte de différences et de variations soigneusement catégorisées.

Les Indes galantes traite de la construction de l’image de l’Autre, et les deux artistes se saisissent de cette œuvre baroque en travaillant sur les contradictions de son humanisme à la fois bienveillant et condescendant. Les danses hip-hop, ou « issues de », peuvent en tant que telles être chargées d’une histoire politique et de revendications décoloniales, mais Clément Cogitore n’expose pas ces danses comme décor politique. Sur le plateau, la place des danseurs dans leurs singularités est d’une importance comparable à celle des chanteurs, ce qui réorganise la hiérarchie habituelle des grandes productions d’opéra. Les chanteurs, habituellement au premier plan, se perdent parfois dans la foule, et le spectateur ne peut que reconnaître l’importance du mouvement dansé dans la formation de cette communauté unifiée d’êtres humains. Par un jeu simple d’anachronismes et de convocations d’éléments faisant référence à notre organisation sociale et politique – à commencer par les danses hip-hop, mais aussi les machines de chantier, les violences policières –, le spectacle engage notre regard sur les problématiques et les possibilités politiques actuelles. Plus qu’une simple référence, les esthétiques hip-hop mises en place sont autant créatrices de la dramaturgie que le livret et la musique, elles viennent parfois les contrer (ainsi la condition d’esclave ne fait pas le poids face à la résistance portée par ces danses), les surpasser (comme lorsque les cris des danseurs-spectateurs de la session de krump sur l’air des « Sauvages » viennent « parasiter » la musique) et ne sont pas mises en scène par un regard surplombant car Bintou Dembélé maîtrise les codes et les techniques de ces esthétiques protéiformes. Ainsi les rapports de force contemporains sont mis en évidence dans le spectacle : entre forces policières et populaires, entre le regard médiatique sur la banlieue et la parole singulière produite par ces danses. Ce sont bien différentes économies du récit politique, national, qui se superposent et se contredisent dans le spectacle, mais la musique baroque et les danses hip-hop envahissent aussi bien la forme opératique, y occupent leur place – l’opéra ne se veut-il pas une forme d’art totalisant toutes les expressions artistiques ? – sans hiérarchisation. Le spectacle souligne les enjeux actuels de notre organisation sociale (dynamiques centre-périphérie, dominants-dominés) en convoquant l’espace imaginaire et composite d’une ville comme Paris, mais nous interroge aussi sur les reconfigurations possibles de la forme opératique et sur les négociations entre les institutions culturelles et les propositions artistiques qu’elles assignent à la « diversité culturelle ».

La « racialisation » des populations et des pratiques culturelles et artistiques est le fruit d’une histoire et de processus d’assignation et de stigmatisation qui revêtent aujourd’hui des formes différentes d’hier. Les préjugés et le rejet dont sont victimes certaines populations puisent dans une histoire récente de l’immigration mais viennent aussi du passé colonial, où la traite et l’esclavage ont donné lieu à des théories brutales sur l’inégalité des races pour justifier le système économique[12]. La composante décoloniale de ces Indes galantes nous encourage à interroger cet héritage colonial et le regard porté sur « l’étranger ». Parce que « ce passé ne passe toujours pas, il habite notre inconscient, il gouverne parfois bien malgré nous nos jugements et vit encore en nous tous, car il écrit nos destins dans le présent »[13].

La « race » et le prisme de « l’intégration nationale » ont joué un rôle dans l’appréciation du hip-hop dans les médias français. Ceux-ci n’hésitaient pas à exotiser le mouvement en le réduisant aux banlieues défavorisées ou au caractère juvénile des participants, en qualifiant les danseurs de « zoulous » dans les années 1980 et 1990 – sans faire référence aux spécificités de la Zulu Nation[14]. Associé à la banlieue, à une jeunesse « issue de l’immigration », noire et arabe, le hip-hop, malgré sa popularité grandissante et transcendant les classes socio-culturelles, est retenu en fonction de l’actualité politique dans la réflexion autour du « droit à la différence », de la « diversité culturelle », de l’assimilation, de l’intégration, puis de la représentation. La rue en scène dépend de ces concepts qui sont déployées par les politiques publiques et est concernée malgré elle par la cristallisation du débat autour de l’identité nationale. L’historien Patrick Boucheron résume dans l’« Ouverture » de son Histoire mondiale de la France ce rapport entre politiques publiques et identité ces dernières décennies :

D’où vient l’idée, étrange quand on y songe, qu’une ouverture sur le monde aboutirait à une diminution de sa grandeur ? Par quel paradoxe en vient-on à imaginer l’histoire d’un pays comme une lutte sans fin pour maintenir sa souveraineté à l’abri d’influences extérieures qui viendraient la dénaturer, l’affaiblir et finalement la mettre en péril dans son essence même ? C’est, on le sait bien désormais, l’histoire difficile de la société française confrontée aux défis de la mondialisation, durant ces trente dernières années qui explique cette cristallisation croissante du débat public sur le thème de l’identité. […] La revendication identitaire, d’abord portée par la gauche du gouvernement, débouchait sur la défense d’une culture française définie par le droit à la différence ; elle nourrit désormais une critique de la diversité culturelle dans laquelle se discerne de plus en plus nettement une hostilité face aux effets supposément destructeurs de l’immigration[15].

Cette crainte s’inscrit dans une histoire des politiques culturelles. L’arrivée du hip-hop en France est concomitante, d’une part, à l’explosion de la danse contemporaine, d’autre part, à l’élection de François Mitterrand en 1981 et a fortiori à l’arrivée de Jack Lang au ministère de la Culture. C’est à cette époque que l’immigration des pays africains augmente tandis que des familles françaises portent encore les souvenirs de leurs parents ou grands-parents immigrés. La France « Black-Blanc-Beur » qui triomphera à la Coupe du monde de football en 1998 se renforce dans ces années où l’immigration n’est plus perçue comme temporaire[16]. Le hip-hop traverse l’Atlantique et se déploie chez les jeunes Français·es, et en particulier dans les banlieues où sont regroupé·es les jeunes immigré·es, fils et filles d’immigré·es, binationaux·ales, les « minorités visibles » à l’œil nu pour reprendre l’expression de Gérard Mauger, soit des jeunes identifié·es comme Noir·es ou Arabes et qui luttent contre les discriminations et la stigmatisation raciale, xénophobe, islamophobe, à l’instar des jeunes racisé·es états-unien·nes.

Jack Lang abandonne le modèle fondé sur la croyance au choc esthétique universel et élargit le champ culturel en y incluant des pratiques considérées jusque-là comme mineures : le rock, la bande-dessinée, etc., mais aussi les « cultures urbaines ». Un décret de 1982 précise que le ministère de la Culture a pour nouvelle vocation de « préserver le patrimoine culturel national, régional ou des divers groupes sociaux pour le profit commun de la collectivité tout entière »[17]. Jack Lang introduit et défend la notion de pluralisme culturel. Celle-ci rejoint le nouvel adage socialiste du « droit à la différence » qui est une ligne politique majeure dans les années 1980. Ce droit est autant un droit à la différence des territoires (on décentralise des administrations) qu’un droit à la différence culturelle qui valorise les cultures régionales et immigrées.

Le droit à la différence cristallise une opposition politique majeure. Dans le même temps, les mouvements politiques des banlieues prennent de l’ampleur, notamment avec la Marche pour l’égalité et contre le racisme, surnommée Marche des beurs, en 1983. Ce contexte favorise la politisation et la singularité du mouvement hip-hop français car un nouvel espace d’expression est rendu possible pour les populations racisées de banlieues dans le même temps où celles-ci sont l’objet d’un regard médiatique surplombant. C’est un positionnement politique face à la « différence » qui n’est pas sans rappeler l’ambiguïté condescendante de l’opéra de Rameau.

Le soutien public aux danses de la rue arrive tard par rapport à l’importance de la place qu’elles occupent dans le paysage culturel depuis les années 1970. Le ministère soutient directement la création des premières Rencontres urbaines à la Villette en 1996. Ce soutien étatique vient confirmer la professionnalisation de cette expression artistique dont plusieurs institutions du spectacle vivant s’étaient déjà saisies, en particulier le Théâtre contemporain de la danse de Christian Tamet dès 1990, la Biennale de la danse de Lyon où Jean-François Duroure crée un spectacle avec des danseurs hip-hop en 1993, ou encore la création du festival de danse hip-hop Suresnes Cité Danse la même année.

Les enjeux de la reconnaissance de la danse hip-hop ne sont pas en premier lieu économiques (elle est moins concernée par les industries culturelles que les autres composantes du hip-hop comme le rap et le graff). Le spectacle vivant est vecteur de représentations et l’entreprise de déconstruction/décolonisation y est d’autant plus profonde. Si le spectacle a été autant médiatisé et commenté, c’est aussi parce que Bintou Dembélé et Clément Cogitore parviennent, au sein même d’une institution réputée conservatrice, à créer des espaces de liberté par une poétique du marronnage, de la résistance, du détournement, elle-même de plus en plus présente dans les débats intellectuels et qui vient contrecarrer les processus d’aliénation, de stigmatisation. Historiquement, le marronnage est inhérent au système de l’esclavage et désigne le fait, pour les esclaves, de fuir ou d’entrer en rupture avec leur condition d’exploité·es. Sylvie Chalaye définit le marronnage créateur dans le spectacle vivant comme :

une aptitude à trouver de l’espace là où on ne vous en laisse pas, à travailler dans le pli, à jouer des masques, à ne jamais être où on vous attend, et à inventer en ne comptant que sur soi, rien dans les mains, rien dans les poches ! Se sont ainsi développées des formes scéniques filles de Frankenstein, et surtout des esthétiques dramatiques encore impensées, clandestines et pourtant au cœur de notre modernité, ouvertes sur le monde, des monstres dramatiques qui déconcertent le spectateur, ébranlent ses repères mais lui refusent tout dépaysement et imposent leur inventivité comme le jazz l’a fait dans le champ sonore[18].

Clément Cogitore et Bintou Dembélé font ainsi resurgir la dimension subversive des esthétiques hip-hop, déjouent les représentations coloniales du livret en élaborant différentes stratégies du détournement et de l’esquive poétique à l’intérieur de l’œuvre : une « contamination »[19], terme défendu par Bintou Dembélé, qui redessine un geste artistique depuis la périphérie vers le centre culturel et esthétique que représente l’Opéra de Paris.

Les enjeux de la diversité culturelle ne sont pas liés qu’aux questions de programmation mais aussi et surtout aux questions de production. L’appropriation des moyens de production est nécessaire à la liberté de création et par conséquent à la capacité de se renouveler continuellement. Plusieurs structures de production spécialisées dans les esthétiques hip-hop existent désormais comme le bureau Garde Robe ou des Centres chorégraphiques nationaux dirigés par des artistes hip-hop : Kader Attou à La Rochelle depuis 2008, Mourad Merzouki à Créteil depuis 2009, le collectif Fair-e à Rennes depuis 2019. Plusieurs structures accompagnent spécifiquement les artistes hip-hop à travers des dispositifs pour les danses ou les cultures dites « urbaines ». Grâce à sa compagnie Rualité, Bintou Dembélé a adossé à la création des Indes galantes le projet DÉTER !, un projet de formation pour faire évoluer le statut professionnel des danseur·ses participant à l’opéra. Ces multiples initiatives dans les dernières décennies ont par ailleurs fait du hip-hop une esthétique de plus en plus présente sur les plateaux puisque qu’une étude de l’Onda sur la diffusion de la danse en France de 2011 à 2017, parue en 2019[20], signale que le hip-hop est l’esthétique dont l’augmentation des représentations est la plus importante.

Ces Indes galantes marqueront donc l’institutionnalisation du hip-hop mais aussi l’histoire moderne de l’opéra. Dans un contexte social et politique animé par des débats sur les processus de stigmatisation systémique, le spectacle donne à voir un futur possible, souhaitable, en faisant avancer avec justesse et éloquence la réflexion sur notre organisation sociale qui se reflète dans les œuvres d’opéra. Cette forme d’art se voulant « totale » pourrait devenir enfin totalisante, et sauver « le fait de la diversité », comme le prônait déjà Claude Levi-Strauss en 1952 :

C’est le fait de la diversité qui doit être sauvé, non le contenu historique que chaque époque lui a donné et qu’aucune ne saurait perpétuer au-delà d’elle-même. Il faut donc écouter le blé qui lève, encourager les potentialités secrètes, éveiller toutes les vocations à vivre ensemble que l’histoire tient en réserve ; il faut aussi être prêt à envisager sans surprise, sans répugnance et sans révolte ce que toutes ces nouvelles formes d’expression ne pourront manquer d’offrir d’inusité[21].

 

Notes

[1] Publié en janvier 2021, le rapport sur la diversité à l’Opéra national de Paris est disponible en ligne dans son intégralité. Pour une analyse dudit rapport, voir notamment Amélie Bertrand, « Lecture et décryptage du rapport sur la diversité à l’Opéra de Paris », blog « Danse avec la plume », 18 février 2021.

[2] Le court-métrage est accessible en ligne sur le site de l’Opéra national de Paris.

[3] Le krump est une danse née au début des années 2000 dans les banlieues de Los Angeles et appartient à la culture hip-hop.

[4] Le voguing est une danse née dans les années 1970 à New York dans les clubs fréquentés par les homosexuel·lles latino- et africains-américains. Ce style de danse s’exporte à Paris dans les années 2010. Les mouvements du voguing sont inspirés des magazines de mode et déploient une grammaire gestuelle spécifiquement codifiée.

[5] Le jookin, aussi connue sous le nom de Gangsta walking, est une danse née dans les années 1980 à Memphis et qui mêle le hip-hop au ballet classique.

[6] Adoptée par la 31e session de la Conférence Générale de l’UNESCO le 2 novembre 2021 à Paris, la Déclaration est accessible en ligne sur le site de l’UNESCO.

[7] Bérénice Hamidi-Kim, « Développement durable (culturel) et diversité culturelle : nouveaux/derniers avatars de la grandiloquence du théâtre public français ? », Registres, n° 18, 2015|1.

[8] Le terme est ici employé au sens courant d’une culture considérée comme marginale ou inférieure. Sur la sous-culture, lire Dick Hebdige et Marc Saint-Upéry, Sous-culture, le sens du style, Paris, Zones, 2008.

[9] Gérard Mauger, « Issus de la diversité », Savoir/Agir, n° 7, 2009|1, p. 103.

[10] Philippe Raynaud, « Diversité de la diversité », Quaderni, n° 47, 2002, p. 51.

[11] Notion empruntée à Édouard Glissant.

[12] Voir les travaux du groupe de recherche ACHAC et notamment La France noire. Présences et migrations des Afriques, des Amériques et de l’Océan Indien en France, publié sous la direction de Pascal Blanchard, Sylvie Chalaye, Éric Deroo, Dominic Thomas et Mahamet Timera aux Éditions La Découverte, 2012.

[13] Alain Mabanckou, Lettres noires : des ténèbres à la lumière, Paris, Fayard/Collège de France, coll. Pluriel, [2016] 2019, p. 16.

[14] L’Universal Zulu Nation (UZN) a été créée en 1973 à New-York par le musicien Afrika Bambataa. Il s’agit d’une organisation « pour la prise de conscience hip-hop ». Organisation pacifiste, tournée vers la danse et la musique, la Zulu Nation contribuera à populariser les cultures hip-hop à travers le monde et notamment en Europe où elles connaîtront un vif rayonnement.

[15] Patrick Boucheron, « Ouverture », dans Patrick Boucheron (dir.), Histoire mondiale de la France, Paris, Seuil, 2018, p. 9.

[16] Les années 1980-1990 sont concernées par ce sujet de manière particulièrement complexe. Voir Sadri Khiari, La Contre-révolution coloniale en France de de Gaulle à Sarkozy, Paris, La Fabrique, 2009, et les travaux du groupe ACHAC autour du programme « Noirs de France. De 1889 à nos jours : une histoire de France ».

[17] Décret n° 82-394 du 10 mai 1982 relatif à l’organisation du ministère de la Culture.

[18] Sylvie Chalaye, Corps marron. Les poétiques de marronnage des dramaturgies afro-contemporaines, Caen, Passage(s), coll. Essais, 2018, p. 14.

[19] Voir Serge Glaizes, « Danse : Bintou Dembélé, du baroque au krump », The Good Life, 29 novembre 2019.

[20] Daniel Urrutiaguer (dir.), La Diffusion de la danse en France en 2011 à 2017, Paris, Onda, 2019. Le rapport est accessible en ligne sur le site de l’Onda.

[21] Claude Lévi-Strauss, Race et histoire, Paris, Gallimard, [1952] 2007, p. 66-67.

 

 

L’auteur

Hugo Réauté est titulaire d’un master recherche l’IRET – Institut de Recherches en Études Théâtrales – obtenu en 2019 à l’Université Sorbonne Nouvelle avec un mémoire intitulé : « De la rue à l’opéra, enjeux politiques et retombées esthétiques des danses hip-hop dans le répertoire institué ». Parallèlement à cette formation, il a fait partie de l’équipe du Centquatre (Paris) au sein du pôle production, puis s’est engagé dans un master professionnel autour des métiers de la production théâtrale dans le cadre duquel il a prolongé ses réflexions sur les « cultures urbaines ». Ce second mémoire, soutenu sous la direction de Daniel Urrutiaguer, portait sur un dispositif de résidences du Centquatre, le « Laboratoire cultures urbaines et espace public ». Hugo Réauté travaille aujourd’hui en tant qu’attaché de production pour le Nouveau Théâtre Populaire (NTP), la compagnie Hérétique Théâtre et la compagnie de la jeunesse aimable.

 

Pour citer ce document

Hugo Réauté, « Culture hip-hop et ‘‘diversité culturelle’’ en France. Les enjeux institutionnels des Indes galantes (2019) à l’Opéra national de Paris », thaêtre [en ligne], Chantier #6 : Baroque is burning ! (coord. Marine Roussillon et Pénélope Dechaufour), mis en ligne le 7 janvier 2022.

URL : https://www.thaetre.com/2022/01/07/culture-hip-hop-et-diversite-culturelle-en-france/

 

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Culture hip-hop et « diversité culturelle » en France

 

 

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