Faire chœur queer

Une écoute queer en recherche-création

Pansexualité[1], polyamour[2], fluidité de genre[3], bisexualité, lesbianisme, non-binarité[4], transidentité… On peut entendre les discours qui traversent les communautés LGBTQIA2S+ comme une vaste partition chorale, parfois concertante, parfois cacophonique. De là émerge un questionnement qui se prolonge sur la scène artistique, qu’on imagine volontiers ouverte sur le plan de la diversité des orientations sexuelles et des identités de genre, mais qui reproduit les biais de la société dont elle est issue : racisme, cisnormativité[5], hétéronormativité[6], âgisme[7], grossophobie[8], capacitisme[9], etc. Comment créer des espaces pour libérer les voix de toustes[10] ? Et comment, si possible, ne pas atomiser les discours et les revendications pour autant ? Comment faire chœur queer ? Et quelle part prend l’écoute dans cette démarche ?

Je propose ici de revisiter le processus de création de l’essai scénique Faire chœur queer qui s’inscrit dans le cadre de ma recherche-création à la maîtrise[11] en théâtre. Il a été présenté les 8, 9 et 10 septembre 2022 à Montréal, et conçu à partir d’ateliers de voix et d’explorations dans l’espace. Adoptant une forme expérimentale où les corps en scène font coexister leur(s) voix, cette recherche-création vise à étudier les interactions socio-spatiales et vocales au sein d’un groupe queer pour apporter une perspective différente sur les notions de collectivité et d’écoute, qui gagneraient à sortir d’une pensée essentialiste et binaire.

Mon approche du chœur, transdisciplinaire en ce qu’elle n’est ni clairement musicale, ni complètement narrative, ni parfaitement chorégraphique, mais peut-être tout cela à la fois, emprunte beaucoup à La Naissance de la tragédie (1872). Dans cet essai, Friedrich Nietzsche replonge dans les origines de la tragédie grecque (et, partant, du chœur) pour dévoiler le rôle primordial qu’y joue la musique, exprimant des réalités au-delà même des mots qu’elle peut porter. L’esthétique nietszchéenne s’ancre dans les corps : l’expérience sensible et affective y est essentielle pour appréhender les œuvres artistiques et c’est en elle que s’origine la pensée. Nietzche plaide en outre pour une valorisation des forces dionysiaques qui précèdent l’individuation et l’apparition du héros. Certes, la filiation de mon projet avec les idées du philosophe allemand n’a rien d’évident dans la mesure où ses prises de position (nationalisme, sexisme, antiféminisme, validisme) sont aux antipodes de ma pensée. Cependant, dans un mouvement de réappropriation queer, je reprends à mon compte l’ancrage corporel de ses idées[12], leur insistance sur la porosité de l’individu et sa subjectivité toute relationnelle (au sens où l’identité se définit et se précise dans, par et à travers ses relations avec les autres). J’assume ce pied de nez conceptuel, cet acte subversif dans la tentative de queeriser Nietzsche.

J’ai souhaité révéler les normes vocales en les subvertissant, dans le sillage théorique queer de Judith Butler, dont la théorie sur la performativité du genre fait date[13]. Annette Schlichter remarque toutefois que tant la matérialité de la voix que sa performativité sont passées sous silence dans la théorie de Butler, au profit de signes corporels plus lisibles[14]. Elle rappelle que la différenciation sexuelle par la voix est tout aussi socialement naturalisée que d’autres aspects du genre et de la race[15]. Schlichter parle de « multiplicité matérielle du corps »[16] pour souligner que l’enveloppe physique et la voix représentent des matérialités dont les signes peuvent converger vers les normes attendues ou en diverger.

Souhaitant, à l’instar de David Roesner[17], musicaliser l’espace théâtral pour échapper au logocentrisme et élargir la représentation vers son plein potentiel, comme phénomène rythmique, gestuel, mélodique, spatial et aural[18], je voulais également tenir compte de l’indissociabilité entre les dimensions spatiales, sociales et même affectives de la scène[19]. C’est ainsi que j’ai mis en place des cycles heuristiques de création selon une méthodologie de recherche-création décrite par Louis-Claude Paquin[20].

Ces cycles étaient constitués d’ateliers de voix et d’explorations dans l’espace, destinés aux personnes s’identifiant aux minorités sexuelles et de genre ayant des positionnements variés. Je les ai conçus dans un esprit de cocréation, en tentant de trouver le consensus par la discussion. Chaque séance comprenait une phase d’échauffements vocaux et corporels, des jeux d’exploration et d’improvisation liées à la voix (ses modalités, sa résonance, etc.) et à l’espace du local de répétition ou du pavillon de l’université dans lequel nous nous trouvions, enfin, une séance d’écoute et de partage de médias d’inspiration (citations d’essais, chansons, courts métrages, etc.). Ces rencontres, doublement enregistrées (captation audiovisuelle et enregistrement audio seulement, selon un autre point de vue), ont permis de saisir au mieux la tridimensionnalité sonore de l’espace. J’ai consigné dans un carnet de bord des données recueillies touchant la proxémie (les positions relatives des membres du chœur), les modalités vocales (cri, souffle, parole, chant, bruit) et les qualités du son (timbre, hauteur, volume). À cela s’ajoutaient des questionnaires pour avoir une ouverture sur l’expérience des personnes participantes.

Ces recherches se déployaient dans un double objectif, à la fois artistique et intellectuel. Elles ont mené à la création d’un essai scénique stimulant au plan esthétique[21], mais elles ont aussi permis, au travers de celui-ci, d’interroger les dynamiques sociales qui s’établissent entre les personnes créatrices et leurs voix au sein d’un espace théâtral à l’aune d’une phénoménologie queer. Sara Ahmed, dès son ouvrage The Cultural Politics of Emotions[22], analyse le confort hétérosexuel des espaces publics et la désorientation que vivent les personnes qui ne souscrivent pas à l’hétérosexualité, voire les restrictions physiques suscitées par la réprobation sociale des marques d’affection et d’intimité queer. L’espace, loin d’être a priori neutre, est déjà imprégné de significations et de dynamiques relationnelles (surtout hétérosexuelles), invisibles à celleux qui y trouvent une forme de confort. Ainsi, les sujets queers vivent plutôt une expérience de désorientation dans les espaces de confort hétérosexuel, dans lesquels leur inconfort est accru par les restrictions qui leur sont imposées dans l’espace social[23]. De ce fait, la simple présence des corps queers (et tout particulièrement de leurs plaisirs, de leur joie) dans l’espace public révèle un inconfort générateur de possibles, une multiplication des manières différentes d’habiter cette norme.

Ahmed approfondit ces notions en élaborant une véritable méthodologie de la désorientation dans Queer Phenomenology[24]. À la suite de géographes queers ayant travaillé sur la manière dont sont sexualisés les espaces[25], et en croisant les études queers avec la phénoménologie, elle pose l’hypothèse suivante : « Si l’orientation est affaire de notre manière de résider dans l’espace, alors notre orientation sexuelle pourrait également être affaire de résidence, de notre façon d’habiter des espaces, ainsi que des “qui” ou des “ceci” habitant l’espace avec nous. »[26] J’ai été happé·e par cette manière de centrer la compréhension des espaces à partir de l’expérience vécue, de la signification de la proximité et de l’intentionnalité de la conscience depuis une perspective résolument non hétéronormative et décoloniale, voire radicalement antinormative. Si Ahmed développe brillamment la notion de (dés)orientation sur plusieurs plans dans son livre (orientation vers les objets, orientations sexuelle et raciale), elle ne développe pas une méthode spécifique, laissant toute la liberté et l’agentivité aux personnes de se saisir de cette approche d’une manière cohérente avec leur démarche. La méthodologie de la désorientation que Sara Ahmed propose me semblait la plus appropriée pour mes recherches : son intersectionnalité, son interdisciplinarité et l’ouverture à la créativité que j’y perçois entrent en résonance avec des axes majeurs de ma démarche.

Je souhaite préciser que mon travail n’est pas une étude comparative (je n’essaie pas de confronter mes résultats à un chœur hétéro), ni une étude de réception, mais que j’adopte plutôt une approche générative où ce sont les intentions des co-créateur·rices qui m’importent le plus. J’entrevois particulièrement deux axes transversaux pour le retour réflexif sur cette réalisation, l’un touchant les divers mécanismes, depuis la conception des ateliers jusqu’à la réalisation de l’essai scénique, visant à horizontaliser les dynamiques de création et à déjouer la fonction de metteur·se en scène/coryphée ou de chef·fe de chœur, et l’autre, touchant au rôle de l’écoute queer dans le projet, autant comme inspiration théorique que comme mode opératoire durant tout le processus. Le présent article me permettra de partager quelques remarques préliminaires autour de ce deuxième axe.

 

Processus de création

 

Précisons d’entrée de jeu que la recherche s’inscrit dans le contexte du programme de maîtrise en théâtre de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), dans le profil recherche-création. Il s’agit d’un programme qui s’échelonne sur deux ans et comprend la possibilité de remettre un travail final sous une forme hybride, incluant une présentation théâtrale (dans mon cas, un essai scénique) et un mémoire d’une soixantaine de pages. J’ai l’immense bonheur de compter sur l’accompagnement bienveillant de Dinaïg Stall, professeure de théâtre de marionnettes contemporain et de processus créateur.

Les personnes participantes

Avant d’en venir à l’essai scénique, j’ai constitué un groupe avec qui explorer dans un local de répétition de l’École supérieure de théâtre de l’UQAM. Avec l’aval du Comité d’éthique de la recherche pour les projets étudiants impliquant des êtres humains (CERPE), j’ai fait circuler un appel à participation via Facebook et quelques listes de distribution par courriel. En plus de la disponibilité à participer autant aux ateliers de voix qu’à l’essai scénique, et de l’âge de la majorité, les critères d’admissibilité des personnes participantes incluaient l’auto-identification comme queer ou LGBTQIA2S+[27], et comme ayant une pratique vocale amateure ou professionnelle[28]. Mon projet mettant en avant les relations au sein d’un groupe choral queer, je souhaitais recruter des personnes s’identifiant comme queer ou LGBTQIA2S+ afin de rendre visibles leurs (nos) expériences, leurs (nos) vécus, leur (notre) existence. Le choix de ne pas employer uniquement le terme « queer » participait de la volonté de décoloniser une appellation dont se sont emparé·es de nombreuses chercheur·ses blanc·hes[29]. Que la pratique artistique de ces personnes soit amateure ou professionnelle, de longue ou de courte date, je souhaitais m’entourer de personnes dont le corps et la voix représentent déjà des outils d’expression, au sens où elles ont une pratique vocale ou une pratique de jeu qui inclut la voix.

Faire chœur queer
Appel à participation
Graphisme de Jade Préfontaine

Des vingt-trois personnes admissibles ayant complété le questionnaire de candidature, seize se sont présentées au premier atelier, les autres ayant dû se désister pour diverses raisons. La participation a fluctué durant les ateliers, qui se sont échelonnés du 9 mai au 18 août 2022. À raison de deux séances de 3 h 30 par semaine durant des blocs ciblés en mai, en juin et en août, chacun de ces seize ateliers s’inscrivait dans un cycle centré sur une série de questions bien précises.

Les cycles de création heuristique

Le premier cycle (Questions de distance : harmonies, glitches, dissonances), du 9 au 25 mai 2022, était axé sur la notion de distance, à la fois physique (et qui fait dès lors appel à la notion de proxémie) et musicale. On y a abordé les harmonies (et les dissonances) autant mélodiques que rythmiques ou stylistiques, et les différentes manières de troubler un équilibre forcément momentané. Comment cette forme de distance se conjugue-t-elle avec la proximité (ou son absence) dans l’espace ? À travers tout cela, qu’est-ce qui permet de « faire chœur », de signifier l’ensemble ? Et qu’est-ce que cette collectivité fait à l’individualité ? Lors de ce cycle, les personnes faisant partie de l’équipe de création (intégration sonore, conception d’éclairage et de costumes) ont été conviées à observer le résultat (préliminaire) des recherches lors de la séance du 18 mai, leur donnant une idée de la direction du projet.

Durant le deuxième cycle, nommé Timbres et textures vocales : superpositions, juxtapositions, contradictions et ayant eu lieu du 13 au 29 juin 2022, j’ai souhaité nous donner l’occasion d’explorer les possibilités de la voix : jusqu’où peut-elle aller dans les graves ? Et dans les aigus ? Comment ces trajets modifient-ils le timbre de la voix ? À quels moments notre voix nous surprend-elle ? Comment les diverses textures vocales se juxtaposent-elles ? Et, surtout, que permet la technologie (micros et pédales de boucles), et comment modifie-t-elle les timbres et les textures vocales ? Ces séances, faisant intervenir divers appareils de modification de voix dont des gazous[30] et des pédales de boucles[31], ont bénéficié de la précieuse collaboration de la conceptrice sonore Annie Préfontaine. Chaque appareil technologique était présenté au groupe comme un nouveau « jouet » à expérimenter, pour continuer à se poser la question de l’occupation de l’espace par nos voix queers[32] et des interactions qui s’y déploient. Le processeur vocal, tout particulièrement, a permis d’exaucer des souhaits exprimés par les choristes lorsqu’on leur a demandé : « À quoi ressemblerait ta voix de rêve, s’il n’y avait aucune contrainte physique ? »

Voici un exemple de rêve vocal, la réponse d’un·e choriste à cette question :

 

Faire chœur queer
M interprète la chanson « Jolene » de Dolly Parton
en utilisant le processeur vocal durant l’essai scénique
Captation sonore de Laurianne Bézier

 

Dans cet extrait de l’essai scénique, on peut entendre, au premier plan, la voix telle que travaillée par le processeur vocal pour rendre la voix de M plus aiguë, plus près de celle de Dolly Parton, créatrice et interprète de la chanson. On peut aussi percevoir, de manière un peu spectrale, le timbre de la voix acoustique de M qui fait alors dos au public alors qu’iel est près du fond de scène. Les ondes se répercutent en partie sur le mur sans habillage, et c’est ce qui fait que les haut-parleurs diffusant la voix modifiée ne masquent pas complètement l’autre, celle qui s’énonce sans amplification technologique. C’est M qui est devant les commandes du processeur vocal et qui ajuste les paramètres d’écho et de correction automatique de la justesse. J’inclus cet exemple pour montrer de quelle nature étaient les expérimentations de ce type, et quelles traces elles ont laissées dans l’essai scénique.

Le troisième cycle, Comment re-présenter ? Quelle écoute ? Pour quelle résonance ? s’est déroulé du 8 au 18 août 2022. En préparation de l’essai scénique, ce cycle a permis de faire la synthèse des divers ateliers, tout en les recontextualisant dans l’idée d’une présentation devant public. Cette donnée changeait-elle le type d’écoute ? La résonance du son, qui jusque-là touchait uniquement les personnes participantes, toucherait maintenant des personnes ayant un autre statut, et leur présence risquait fort de modifier non seulement l’espace, mais aussi sa résonance : comment adapter le type d’écoute, voire moduler l’écoute au gré de la présentation ? Ces semaines ont été l’occasion de tester une première écriture du canevas d’improvisation de l’essai scénique, en plus d’intégrer peu à peu divers éléments : costumes, éclairages et accessoires.

Comme je l’ai brièvement mentionné plus tôt, les séances étaient globalement structurées de la même manière tout au long de chacun de ces cycles : avec un « check-in »[33], des échauffements physiques et vocaux, des jeux dans l’espace, parfois une interprétation de partitions dessinées, un questionnaire de retour[34] et un partage de médias d’inspiration pour préparer la séance suivante. Des ajustements ont parfois été apportés à ce protocole afin de s’adapter aux différents contextes (nombre des personnes participantes, état émotionnel, besoins, envies de création, limitations techniques).

Moment plus intense de création (entre trois et six heures par jour à raison de quatre à cinq jours par semaine pendant deux semaines), la résidence de création et les répétitions menaient le groupe à faire l’expérience des explorations dans un nouveau lieu (le studio d’essai) et à se préparer à partager les réflexions artistiques avec un public. En quelque sorte aboutissement des ateliers de voix, projet de cocréation porté par les personnes participant au projet, mais aussi terrain supplémentaire, la présentation a permis d’analyser les différences entre les dynamiques chorales des ateliers dans un contexte plus intime, et celles qui se jouent dans un contexte public, celui de la représentation. L’essai scénique a été l’occasion, également, de tester devant un public les résultats des expérimentations menées en salle de répétition et durant la résidence de création, par des moyens à la fois acoustiques et technologiques.

Faire chœur queer
Affiche de l’essai scénique
Illustration de Martine Langis
Graphisme de Jade Préfontaine

 

Faire chœur queer
Premier tableau
Captation sonore de Laurianne Bézier

 

Le premier tableau représente une première manière de faire chœur qui rompt tout à fait avec les attentes du public par rapport à un spectacle choral. Il tire son origine des expérimentations, tout en magnifiant le geste créatif initial. Lors de celles du 18 mai, les choristes ont représenté sonorement un orage, sans toutefois que l’intensité ne se rende à son plein potentiel. J’ai donc proposé aux personnes participantes que l’on inclue cette tempête dans l’essai scénique, et qu’on se donne le droit de l’amener à son paroxysme. Les choristes se servent de tout ce qui est à leur disposition : armoire, rideaux, main courante et rambarde en métal… La conceptrice sonore Annie Préfontaine amplifie et magnifie les voix et les effets au fur et à mesure de ce tableau. Les interprètes sont alors invisibles au public et la scène est plongée dans la pénombre, invitant les personnes spectatrices à se concentrer sur l’aspect sonore de la représentation.

 

Le rôle de l’écoute queer dans le processus de création

 

Voulant cocréer un chœur queer qui musicalise l’espace théâtral, qui s’extrait de l’ocularo-centrisme et qui laisse l’oreille guider le processus créatif, je me suis demandé quelle serait la façon la plus queer de mener cette quête, et de laisser infuser la théorie queer jusque dans ma manière d’écouter[35]. Cette quête m’a mené·e à m’intéresser à des pensées queers qui apportaient leur compréhension particulière de l’écoute.

D’où me vient cette envie de faire chœur queer ? Formé·e entre autres en chant classique, mais ayant une longue expérience chorale depuis l’enfance, la résonance interne de ma propre voix avec celle des autres, le pouvoir conjugué de ces voix et l’espace qu’elles prennent dans divers lieux, m’a constamment subjugué·e. Se fondre dans un ensemble dans lequel on fait corps fait également partie des paradoxes qui me fascinent. On me pardonnera j’espère cette anecdote, mais il fallut attendre mon adolescence et la pratique de certaines œuvres en duo dans la station de métro Place-des-Arts, à Montréal, avec mon amie Geneviève Legault, pour que je me mette à écouter – et à entendre réellement – ma voix de soprano, individuelle (et pourtant unie à celle de ma collègue mezzo-soprano), pour la première fois. Elle se déployait, se répercutait palpablement sur les parois des murs, légèrement amplifiée par la forme concave de la très belle verrière réalisée par Frédéric Back (Histoire de la musique à Montréal, 1967), devant laquelle nous nous placions pour chanter. J’avais l’impression de ressentir dans mon corps l’espace physique que ma voix prenait au-delà de l’organe qui la générait, et d’entrer ainsi en contact – là encore, un contact très concret et, qui plus est, matérialisé dans les piécettes qui nous étaient offertes – avec les passant·es qui circulaient devant nous. C’est entre autres ce qui m’a amené·e à vouloir expérimenter avec d’autres personnes de la diversité sexuelle et de genre ces tensions génératrices entre soi et l’autre, entre sa voix unique et sa fusion dans un tout sonore et spatial.

Corps vocalique et attention somatique intersubjective

Une pensée qui entre en résonance avec ces réflexions est celle d’Yvon Bonenfant, artiste-chercheur à University College Cork, en Irlande. Dans son article « Queer Listening to Queer Vocal Timbres », il convoque la notion de « corps vocalique » de Steven Connor. Selon la lecture que Bonenfant fait de ce concept, la production d’un son par la voix crée un champ de vibrations qui interagit avec la matière. Le son qu’on a produit nous quitte, il est désincarné. Mais lors de l’écoute, la personne auditrice doit inférer un corps attaché à cette voix, dont elle ressent les vibrations : c’est le corps vocalique. Le corps vocalique est un produit de plusieurs forces : capacités génétiques, expérience culturelle et environnementale, mais aussi activité interne de notre organisme. Tout cela est en changement constant et affecte nécessairement notre voix.

Bonenfant se tourne alors vers l’analyse de la socialité queer. Comme notre sexualité est formée par notre désir et notre agentivité dans les sphères sociales, les sexualités queers se déploient dans des spatialités inhabituelles. Sans nommer Sara Ahmed, Bonenfant développe des idées qui sont phares dans The Cultural Politics of Emotions ou Queer Phenomenology. « L’écoute queer écoute et tend vers les désorienté·es ou les autres différemment orienté·es. »[36] (« Queer listening listens out for, reaches toward, the disoriented or differently oriented other. ») Ce mouvement « d’aller vers » (vers d’autres personnes queers, par exemple) est une extension du corps vers l’extérieur (« Seeking is a form of reaching. »[37]), il naît d’une recherche de gratification par le plaisir érotique, une volonté primaire de répondre à ses besoins et à ses désirs. Bonenfant y voit une force instinctive, et une volonté de toucher le sujet de nos désirs (et non l’objet, puisqu’il s’agit d’une dynamique d’échange entre les subjectivités). Pour atteindre des partenaires qui seront en mesure de combler leurs besoins et de satisfaire leurs désirs réciproques, les personnes queers ont plus d’efforts à faire que la majorité hétérocisnormative et doivent ainsi « étendre leur corps », « aller vers l’autre » et « toucher » différemment.

Pour Bonenfant, le son est une forme de toucher, une forme intime et sociale à la fois, qui peut caresser superficiellement ou pénétrer et remuer jusqu’aux organes. Ce qui rend le toucher identifiable, c’est le timbre. L’artiste-chercheur préfère le terme « timbre » au « grain » de la voix, que Roland Barthes théorisait d’une manière essentialisante, selon Bonenfant. Le timbre a la qualité d’agir sur plusieurs plans, superficiel comme profond, là où le grain est nécessairement profond, pour Barthes. Pour Bonenfant, notre individualité passe dans le corps vocalique[38] que nous produisons. Les queers peuvent apprécier tous les corps vocaliques, mais ont peu d’autres choix sinon de se désorienter et de s’accorder dans et à cette désorientation afin de naviguer à contre-courant de l’hétérosexualité et de réussir à trouver leurs semblables. Cette activité demande une écoute attentive, une sensibilité à des qualités de timbre difficiles à nommer sans le recours à des métaphores. Bonenfant fait également appel à l’anthropologue Thomas Csordas qui a développé une théorie des modes somatiques de l’attention : selon Csordas, on crée et on maintient des capacités d’attention à notre propre corps, et cette pratique (à la fois de répétition et d’accordement) nous apprend à y lire des informations sur les autres, résume Bonenfant. De la même manière, Bonenfant soutient qu’on peut développer notre écoute à des qualités de toucher (et que les queers doivent le faire pour obtenir la gratification dont iels ont besoin). En portant attention à notre corps, on peut conscientiser les façons dont on touche et celles dont les corps vocaliques nous enveloppent. Bonenfant en arrive à une redéfinition de l’écoute, qui serait une intense attention somatique aux façons dont nos corps s’engagent avec les stimuli soniques et y répondent, dans une interpénétration intersubjective. Bonenfant invite à considérer l’écoute queer, dans son lien avec l’expérience somatique, dans toute la complexité de cette pratique qui pourrait paraître passive et qui ne l’est pas du tout.

 

Faire chœur queer
Extrait du tableau « Ça va ? »
Captation sonore de Laurianne Bézier

 

Le deuxième tableau de l’essai scénique, « Ça va ? », est une improvisation sur le thème des conversations téléphoniques, des problèmes de communication, des échanges de banalités. Les choristes le commencent alors qu’iels sont toujours invisibles au public, mais arrivent progressivement sur la scène, se saluent et se croisent. Paradoxalement et en contraste avec l’effet global d’incommunicabilité, ce tableau leur demande une attention somatique à elleux-mêmes tout comme aux autres choristes, et au tout sonore qu’iels créent ensemble.

Quel impact a la pensée de Bonenfant sur ma démarche ? Avant d’arriver à son article, j’ai croisé des idées similaires dans la thèse de Marcus Borja de Almeida Filho, qui pense, avec Paul Zumthor, que « la voix est une chose »[39], donc pas seulement une donnée immatérielle. Même sa soi-disant « immatérialité » déjoue les binarités et revêt un caractère tangible : la voix est un lieu qui se lit comme un paysage, ou encore un espace de socialité décrit comme un « pont », un « bras tendu ». Son intelligibilité se trouve au moins en partie dans cette incarnation :

Mais plus qu’une chose, la voix est un lieu, un espace déployé dans le temps. […] Il s’agit ici de penser la vocalité comme localité ; la voix non seulement tisseuse de relations, mais aussi bâtisseuse d’espaces sensibles, d’univers et de paysages. Elle est certes, ce pont, ce bras tendu vers l’autre déployé dans l’espace, mais peut aussi elle-même incarner cet espace aux dimensions mouvantes et malléables dont le « sens » – si jamais il doit être question de sens – se trouve au-delà de toute écriture, de toute « littérature »[40].

De Almeida Filho met en mots des expériences très concrètes que j’ai eues de la voix. Mais l’ancrage queer que Bonenfant donne à ces idées, notamment par la proximité avec la phénoménologie queer de Sara Ahmed, leur donne pour moi une résonance amplifiée.

Le glitch, une perturbation toute queer

Une autre pensée de l’écoute queer, qui a alimenté ma pratique tout spécialement dans le cadre de cette recherche, émane d’Andrew Brooks, artiste, auteur et chercheur basé à Sydney, en Australie. L’article « Glitch/Failure » prend comme point de départ le « glitch », qui désigne à la fois une erreur et une intrusion parfois volontaire du bruit dans un système, et qui est utilisé dans les arts sonores et médiatiques depuis les années 1990. Paradoxal (inévitable et inattendu, petit et perturbateur), il met l’échec au premier plan et révèle les limites des technologies. Brooks souhaite articuler ensemble ce glitch, comme esthétique valorisant l’erreur, et les théories queers, notamment celles qui réfléchissent aux possibilités politiques que recèle la négativité, dans lesquelles l’échec est une manière valide d’être au monde, une forme alternative de production du savoir, un espace de résistance favorisant des modes affectifs qui déstabilisent les notions fixes de l’identité. Et le queer et le glitch soulignent les politiques de l’identité qui aliènent tout particulièrement les identités marginalisées, et ils en critiquent les hégémonies. L’objectif de Brooks est double : réorienter les politiques de l’art sonique expérimental, et construire une politique queer de l’audition. Les pratiques de glitch dans la musique créent une perturbation dans la représentation, et donc une rupture dans l’expérience d’écoute, puisqu’elles soulignent et mettent en avant l’imperfection et l’erreur dans les technologies de reproduction. En exposant ainsi le mythe de la transparence, on force la personne auditrice à considérer son écoute comme médiée par son contexte : technologie et environnement. Le glitch, comme processus qui crée des fissures et des bris, peut être employé comme cadre théorique pour comprendre la manière dont la perturbation, la déviation et le désordre sont productifs dans des systèmes, en révèlent les fondements et les éléments occultés. Le bruit parasite suggère des potentialités pour créer de nouvelles relations dans les systèmes.

Une pratique d’écoute queer écoute le son du parasite, s’accordant au son des relations. Une telle pratique d’écoute emploie l’oreille comme une façon de réfléchir les relations de pouvoir ; c’est un mode d’écoute au diapason de la production, de la transmission et de la mutation des tonalités affectives des cultures du capitalisme tardif néolibéral dominant[41].

Un exemple relationnel de ce type d’écoute me vient en tête et concerne le traitement qu’un gardien de sécurité de l’UQAM a réservé à l’une des personnes participantes au projet. J’avais invité les choristes[42] à arpenter le pavillon Judith-Jasmin, qui abrite les locaux de l’École supérieure de théâtre. L’architecture toute particulière de ce lieu, et en particulier de l’agora, qui s’élève sur plus de quatre étages et intègre un mur de l’ancienne église Saint-Jacques (tout son clocher et le transept sud, pour être exact·e), était tout indiquée pour une promenade sonore (soundwalk). Cette pratique, nommée par les membres du World Sounscape Project formé autour du compositeur Raymond Murray Schafer, consiste à marcher en portant une attention particulière aux sons environnants. Durant cette errance attentive, une personne participante s’est trouvée qualifiée de « suspecte » par un gardien de sécurité. Cet événement, perturbation née de l’interférence entre l’institution policée[43] et mon projet de recherche aux visées politiques antinormatives, survenu qui plus est dans un contexte d’écoute et d’attention, a eu des répercussions émotionnelles notoires sur les deux interlocutaires[44], bien sûr, mais également sur tout le chœur queer. L’événement a semblé raviver des blessures liées à de semblables expériences de profilage social chez la personne visée, dont la participation à l’atelier s’est trouvée affectée. J’ai moi-même été très troublé·e par cet événement et, après la mise en commun des observations de chacun·e à la suite de la promenade sonore, j’ai expliqué au groupe ce qui était survenu. Dans cet exemple, un des effets doux-amers a été de solidariser le groupe, puisque les membres se sont senti·es à l’écoute des dynamiques et sensibilités en présence, comme une poche de résistance queer au sein de l’université. Je relève alors dans mon carnet de note : « Je sens les autres personnes révoltées et solidaires. »[45]

La compréhension du glitch de Brooks, en plus de servir de métaphore intéressante pour comprendre les dynamiques sociopolitiques de l’existence de notre ensemble, m’a également paru porteuse pour la scène et m’a inspiré·e de créer des exercices de glitches vocaux pendant mes explorations. Lors de la séance du 20 juin tout particulièrement, j’ai présenté au groupe la notion d’écoute queer selon Brooks et j’ai proposé qu’on se serve de cette idée pour nourrir nos improvisations. Comment pourrait-on hacker (pirater) nos manières de faire ? Où introduire le glitch dans nos gestes et nos voix ? Cette idée a multiplié les possibles. J’ai noté, dans mon carnet de bord :

J’ai beaucoup aimé la variété des propositions qui ont été faites, le micro contre le sol, contre les vêtements, le public en hauteur, les boîtes de son à hauteur du visage, le micro hors de la salle, etc. Les fils eux-mêmes devenaient cordon ombilical, outil de mise en évidence, accessoire, filon d’expérimentation[46].

À la question « Comment était ta propre voix », un·e participant·e (C3  répond : « Plus assumée. Le glitch m’a libérée, je me suis permis plus d’affaires qu’habituellement, car le plus laid était valorisé. »[48] Concept amenant une certaine liberté créatrice et un écho tout particulier pour les subjectivités queers en présence, les glitches tant sonores que disciplinaires ont eu un effet durable pour le reste de notre démarche, et la notion a irrigué tout un passage de l’essai scénique, « Déconstruction de l’espace ».

L’espace scénique comprend un escabeau, trois pieds de micro renversés, une chaise au sol, sur le côté, et une colonne blanche d’environ un mètre de haut sur laquelle est posé un processeur vocal (avec effets de filtre et pédale de boucles intégrée) de couleur rouge. Les choristes, toustes de noir vêtu·es, se déplacent et interagissent avec des micros : l’une le traîne au sol, d’autres créent des sons éthérés, nasillards ou rauques, captent le tintement de bagues et autres objets dans un bol en métal. L’un des quatre micros est lié au processeur vocal et ajoute un effet d’écho sur les sons qui s’ajoutent progressivement à la boucle créée en direct. Une fois la boucle suffisamment fournie en sonorités, les choristes s’éloignent des micros et y ajoutent des sons acoustiques : bruits de pied, secousses imprimées à l’escabeau, aux pieds des micros… Les choristes se déplacent avec aisance, se sourient, se « contaminent », l’un·e d’entre elleux se réfugie sous l’escabeau. L’ensemble donne une impression de chaos organique curieusement fascinant. L’extrait se termine au moment où une des personnes créatrices met fin à la boucle, plongeant soudainement la scène dans le silence.

 

Faire chœur queer
Studio d’essai Claude-Gauvreau, UQAM (Tiohtià :ke/Montréal), septembre 2022
Avec et par Hasna Lionnet, Léo-Frédérik Leroux, M Pipe-Rondeau,
Marie Achille, Marilou LeBel-Dupuis, Vincent Fortier
Captation vidéo de Patrice Tremblay
Captation sonore de Laurianne Bézier

 

L’écoute au sein du chœur queer

Je trouve fascinant que l’écoute soit nommée au sein du groupe dès le premier atelier, tenu le 9 mai 2022. Dans mon carnet de bord, je note :

Je me suis trouvé au moins deux moments de réelle écoute et de réelle connexion au chœur formé. Je me suis senti[49] en recherche du rythme exact […] (quand l’exercice devrait-il se terminer ?) et je pense que le groupe l’a trouvé lui-même, dans une organicité assez formidable et une réelle écoute bienveillante, fragile et magnifique[50].

Puis, plus loin, toujours dans mon carnet de bord, une remarque fait écho aux idées de Bonenfant : « Je sens énormément d’écoute au sein du groupe, comme une curiosité qui passe par les oreilles, une sensibilité aux énergies qui traversent les corps. »[51] Parmi les douze questionnaires complétés pour cette séance, la moitié (six) mentionne la présence de cette écoute.

Je mettrai en relief trois lignes de force de cette analyse préliminaire de mes résultats de recherche concernant cette notion. Premier constat : l’écoute pourrait découler de la queerness du groupe, en tout cas teinter la manière dont elle se déploie. Je note à cet effet, au début de la deuxième semaine d’ateliers du premier cycle :

J’ai la vision d’un groupe aux philosophies politiques assez apparentées, et assez politiquement queer. Je vois des complicités se créer et j’ai […] l’impression […] que les liens se tissent aisément, que les conversations, ponctuelles ou amicales ou plus organisées dans le cercle se déroulent dans une écoute, une bienveillance et un plaisir évidents[52].

Un·e choriste constate avec moi : « Le groupe se soude et on prend de plus en plus l’ampleur de l’aspect queer du groupe dans les échanges, les réactions, l’écoute, l’entraide. »[53] Le groupe, dans l’ensemble relativement hétéroclite, partage des valeurs incluant l’écoute attentive aux détails perturbateurs et à la résonance somatique désorientée, pourrait-on penser avec Brooks et Bonenfant.

Le deuxième constat concernant l’écoute touche le délicat équilibre entre celle-ci et l’expression. Les termes semblent d’abord assez opposés : « J’ai aimé explorer l’espace et plus écouter qu’exprimer. »[54] La recherche d’équilibre pose un défi habilement nommé ici : « [Ma voix] voulait s’harmoniser avec les autres voix. Le rapport oreille/voix était parfois difficile et rendait son contrôle plus précaire. »[55] Participant moi-même aux jeux que j’initie, je nomme cette tension que je vis aussi : « [Ma voix] voulait aller dans les craques – là où les autres n’allaient pas –, par moments elle s’est cachée pour aller dans l’écoute, ou pour laisser l’écoute passer par le corps. »[56] Pour plusieurs personnes, peut-être introverties, la posture d’écoute est associée à un certain confort : « Il est parfois facile de répondre à une ou plusieurs autres voix. Je sens ma voix plus assumée dans ce contexte de réponse plutôt que dans un contexte dans lequel ma voix prendrait le lead ou initierait les choses. »[57] Cette même personne trouve un certain équilibre dès la semaine suivante : « Il est de plus en plus facile de prendre ma place et j’essaie d’intervenir autant que d’écouter. La voix sort plus par le fait même. »[58] Cette résolution de la dialectique, je la trouve moi-même plus tard dans le processus. À la moitié du deuxième cycle, j’identifie les moments de jonction entre la réception et la production du son : « J’aime aussi les effets d’écho avec les autres choristes : reprendre, moduler, etc. les voix qui ont touché mon cœur. »[59]

Dernier constat : il existe un cercle vertueux lié à l’écoute dans un petit groupe, malgré la crainte que cela peut représenter au départ. « C’était un peu intimidant au début [d’être un si petit nombre aujourd’hui], mais au final j’ai trouvé la chose inspirante car on était plus à l’écoute les un·es des autres, je pense *Puissance dans la vulnérabilité* »[60]. L’effectif réduit, l’intimité et la proximité qu’il autorise, mettent en confiance et permettent d’oser : « [Ma voix] a fini par prendre tout l’espace grâce à l’écoute des autres »[61], voire de multiplier les possibilités artistiques : « C’était peut-être la séance où il y avait le plus d’écoute et de cocréation à mon avis, donc ça a permis à ma voix de se marier davantage aux autres, de répondre, mais aussi de prendre des pauses et de profiter des silences pour mieux rebondir. »[62]

 

Faire chœur queer
Studio d’essai Claude-Gauvreau, UQAM (Tiohtià :ke/Montréal), septembre 2022
Avec et par Hasna Lionnet, Léo-Frédérik Leroux, M Pipe-Rondeau,
Marie Achille, Marilou LeBel-Dupuis, Vincent Fortier
Photographie de Patrice Tremblay

 

Si l’écoute était présente dans le groupe, et d’emblée recelait des caractéristiques qui la liaient à une certaine philosophie queer même avec une douzaine de personnes, elle a continué d’animer le groupe lorsque seul·es deux ou trois choristes le composaient et l’a nourri différemment, en favorisant l’expression de sa subjectivité. Écoute de soi, écoute des autres, conscience spatiale, lien entre écoute et bienveillance, entre écoute et gêne ou introversion, entre écoute et surcharge sensorielle… je suis loin d’avoir épuisé cette question et j’espère en rendre compte avec plus de nuances dans le mémoire lui-même, incluant les quelques moments où l’écoute achoppe.

J’ai tenté de présenter mon projet de recherche-création de manière assez succincte pour laisser le plus de place possible à une analyse de l’écoute (queer) dans son processus de création tout comme dans les modes opératoires des ateliers qui ont mené à l’essai scénique présenté en septembre 2022. Les pensées d’Andrew Brooks et d’Yvon Bonenfant, lues au prisme de Sara Ahmed, m’ont paru tout particulièrement adéquates pour éclairer cet aspect de la création.

En guise de conclusion, je me demande si la centralité du son, dans mon projet par et pour des communautés minorisées, n’est pas à mettre en parallèle avec sa marginalisation au sein de la discipline théâtrale dans son ensemble. Écouter serait ainsi l’action de repenser la scène depuis ses marges, tout comme le projet queer nous invite à le faire pour la sexualité, l’amour, la performance de genre, voire l’existence dans son entier, en favorisant tout particulièrement les perspectives (ou les points d’ouïe[63] ?) des personnes se situant au croisement d’oppressions multiples.

 

 

Faire chœur queer
Studio d’essai Claude-Gauvreau, UQAM (Tiohtià :ke/Montréal), septembre 2022
Avec et par Hasna Lionnet, Léo-Frédérik Leroux, M Pipe-Rondeau,
Marie Achille, Marilou LeBel-Dupuis, Vincent Fortier
Captation vidéo de Patrice Tremblay
Captation sonore de Laurianne Bézier

 

 

Notes

[1] Le dictionnaire québécois en ligne Usito définit ainsi le terme « pansexuel, pansexuelle » : « Qui éprouve une attirance (sexuelle ou sentimentale) pour une personne, sans égard à son sexe ou à son identité de genre. » Le préfixe d’origine grecque pan, signifiant « tout », permet d’inscrire le terme dans une approche qui reconnaît la pluralité de genres. La pansexualité est une orientation sexuelle parente de la bisexualité (certaines personnes pouvant d’ailleurs s’identifier à ces deux termes).

[2] Le dictionnaire Larousse définit le « polyamour » comme le « fait de vivre une relation intime (amoureuse et/ou sexuelle) durable avec plusieurs partenaires en parallèle, de manière consensuelle, franche et assumée ». Il s’agit d’une forme de non-monogamie éthique.

[3] La fluidité de genre est un concept relevant de l’identité de genre. Voir Magali Guilbault Fitzbay (dir.), Apprendre à nous écrire : guide et politique d’écriture inclusive, Montréal, Les 3 sex* et Club Sexu, 2021, p. 94 : « Fluide dans le genre : se dit généralement d’une personne dont l’identification de genre varie entre une combinaison de genres au cours du temps. »

[4] Le guide Apprendre à nous écrire définit le terme « non binaire » comme un « terme parapluie qui englobe les différentes identités de genre des personnes ne s’identifiant pas exclusivement en tant qu’homme ou femme. ‘‘Non-binarité’’ est le nom qui exprime cette réalité. Il peut aussi s’agir d’une identité à part entière » (ibid., p. 95).

[5] « Cisnormativité » : « Fait de considérer que les personnes cisgenres sont la norme et de privilégier ces personnes et leurs besoins au détriment des personnes trans et non binaires. » (La CORPS féministe, Corps accord : guide de sexualité positive, Montréal, Éditions du remue-ménage, 2019, p. 168). Les personnes cisgenres sont des personnes dont le sexe assigné à la naissance et l’identité de genre concordent, contrairement aux personnes trans*, personnes dont le sexe assigné à la naissance et l’identité de genre diffèrent (l’astérisque indique la reconnaissance de plusieurs parcours de transition possibles).

[6] « Hétéronormativité » : « Fait de considérer que les personnes hétérosexuelles sont la norme et de privilégier ces personnes et leurs besoins au détriment des personnes d’une autre orientation sexuelle » (ibid., p. 168).

[7] L’âgisme est une forme de discrimination en fonction de l’âge. Les personnes âgées ou jeunes sont particulièrement susceptibles de vivre des situations où elles sont victimes d’âgisme.

[8] Le dictionnaire Larousse définit la « grossophobie » comme une « attitude hostile, moqueuse et/ou méprisante, voire discriminatoire, envers les personnes obèses ou en surpoids ».

[9] Voir Laurence Parent, « Qu’est-ce que le capacitisme ? », Revue Droits et Libertés, vol. 40, n° 1, printemps/été 2022 : « Le terme capacitisme est une traduction du terme anglais ableism qui tire ses origines des études du handicap anglo-saxonnes. Fiona K. Campbell, professeure en sciences du handicap à l’Université Griffith en Australie, définit le capacitisme comme un système de croyances, de processus et de pratiques qui produit un-e citoyen-ne typique capable de travailler et de contribuer à la société d’une manière uniforme et standardisée (ex. : travailler 40 heures par semaine et plus, se nourrir sans aide humaine, comprendre les codes sociaux, etc.). Une des conséquences du capacitisme est la discrimination fondée sur le handicap telle que nous la connaissons dans les textes de droits de la personne. À l’instar d’autres systèmes d’oppression tels que le racisme et le sexisme, le capacitisme repose sur une panoplie de représentations stéréotypées et fausses (ex. : les personnes handicapées ont besoin d’être protégées, elles n’ont pas de vie sexuelle, etc.). Le collectif français féministe et anti‑capacitiste Les Dévalideuses définissent le capacitisme comme un ‘‘système d’oppression subi par les personnes handicapées du fait de leur non-correspondance aux normes médicales établissant la validité’’. »

[10] Loin d’être une erreur, ce néologisme de genre neutre inclut des personnes de tous genres.

[11] Au Québec et dans le Canada francophone en général, le mot « maîtrise » désigne le diplôme nommé « master » en Belgique, en France et dans certains autres pays de la francophonie (Haïti désigne aussi ce diplôme sous le nom de « maîtrise »).

[12] Cet aspect a été analysé avec brio dans le mémoire de maîtrise de Félix St-Germain : La Naissance de la tragédie : une interprétation à partir du corps, Québec, Université Laval, 2019.

[13] Judith Butler, Trouble dans le genre : pour un féminisme de la subversion, trad. Éric Fassin, Paris, La Découverte, 2006. La version originale anglaise, Gender Trouble, feminism and the subversion of identity, New York, Routledge, paraît en 1990.

[14] Annette Schlichter, « Do Voices Matter ? Vocality, Materiality, Gender Performativity », Body & Society, vol. 17, no 1, 2011, p. 42.

[15] Ibid., p. 43-44.

[16] Ibid., p. 40.

[17] David Roesner, « The Politics of the Polyphony of Performance: Musicalization in Contemporary German Theatre », Contemporary Theatre Review, vol. 18, no 1, 2008, p. 44-55.

[18] Le néologisme « auralité » peut être défini en ces termes : « Cette double opération, percer/percevoir, est précisément ce qui définit l’auralité ; elle combine ce que nous entendons et la façon de l’entendre » (Jean-Marc Larrue et Marie-Madeleine Mervant-Roux, « Théâtre : le lieu où l’on entend », L’Annuaire théâtral, nos 56-57, 2014, p. 22).

[19] Ces interactions sont abordées et analysées sous plusieurs aspects dans l’ouvrage du géographe culturel Derek MacCormack (dir.), Refrains for moving bodies: Experience and experiment in affective spaces, Durham, Duke University Press, 2014.

[20] Louis-Claude Paquin, « Faire de la recherche-création par cycles heuristiques », site de Louis-Claude Paquin, 2019.

[21] Faire chœur queer, studio d’essai Claude-Gauvreau, UQAM (Tiohtià:ke/Montréal), septembre 2022. Avec et par Hasna Lionnet, Léo-Frédérik Leroux, M Pipe-Rondeau, Marie Achille, Marilou LeBel-Dupuis, Vincent Fortier. Conception sonore : Annie Préfontaine, assistée de Laurianne Bézier. Éclairages : Rim Mohammad. Conseil aux costumes : Léonie Blanchet. Soutien logistique et technique : Barbara Papamiltiadou et Sara Simard. Captation vidéo : Patrice Tremblay. Captation sonore : Laurianne Bézier. Coordination, facilitation des ateliers, recherche : Jade Préfontaine.

[22] Sara Ahmed, The Cultural Politics of Emotions, New-York, Routledge, 2004.

[23] Ibid. p. 148.

[24] Sara Ahmed, Queer phenomenology, Durham/Londres, Duke University Press, 2006. Pour la version française : Sara Ahmed, Phénoménologie queer : orientations, objets et autres, trad. Laurence Brottier, Montréal, Éditions de la rue Dorion, 2022.

[25] Ahmed s’appuie notamment sur ces travaux : David Bell et Gill Valentine (dir.), Mapping Desire: Geographies of Sexualities, Londres/New York, Routledge, 1995 ; Frank Browning, A Queer Geography: Journeys Toward a Sexual Self, New York, The Noonday Press, 1998 ; David Bell, « Fragments for a queer city », dans David Bell, Jon Binnie, Ruth Holliday, Robyn Longhurst et Robin Peace (dir.), Pleasure zone : bodies, cities, spaces, Syracuse, Syracuse University Press, 2001, p. 84-102.

[26] Sara Ahmed, Phénoménologie queer, op. cit., p. 8.

[27] Je reprends ici l’explication que j’en ai donnée dans le questionnaire de candidature à ma recherche-création : « L’acronyme LGBTQIA2S+ désigne les personnes s’identifiant comme lesbienne, gay, bisexuel·le, trans, queer ou en questionnement, intersexe, asexuel·le, aromantique, agenre, bispirituel·le (terme parapluie réunissant des identités de genre diverses s’inscrivant hors de la binarité de genre imposée par la colonisation européenne des Amériques), demisexuel·le, fluide dans le genre, non binaire, pansexuel·le. Cette liste n’est pas exhaustive et peut comprendre d’autres identités sexuelles et de genre minorisées. »

[28] Les exemples, volontairement très diversifiés, comprenaient : chant, rap, technique vocale, karaoké, slam, chorale, growling (technique de chant guttural utilisée notamment dans la musique heavy metal), surimpression vocale et spoken word.

[29] Je voulais pouvoir utiliser, notamment, l’acronyme LGBTQIA2S+ dans sa version la plus longue, afin que les personnes de diverses orientations sexuelles et identités de genre puissent se reconnaître. L’exemple le plus probant est l’effacement de l’identité bispirituelle (représentée par le « 2S » dans l’acronyme) dans le terme parapluie « queer ». Note : le terme « bispirituel·le » est un terme parapluie créé en 1990 dans le but de désigner l’identité sexuelle, spirituelle et de genre des personnes LGBTQ autochtones (voir art. « Bispiritualité » dans LEncyclopédie canadienne). Bien que certain·es puissent se retrouver dans cette étiquette, toutes les personnes bispirituelles ne s’identifient pas au « queer », ce qui est un exemple assez révélateur de l’indissociabilité des luttes décoloniales (ici, autochtones, spécifiquement) avec celles qui touchent l’identité sexuelle et de genre. Certain·es penseur·ses queers et blanc·hes peuvent avoir tendance à effacer ou minoriser l’intersectionnalité de ces luttes, et je refuse de m’inscrire dans cette lignée.

[30] Le gazou (de l’anglais kazoo) est un petit tube de métal ou de plastique surmonté d’une ouverture recouverte d’une membrane. Il permet de changer le timbre de la voix.

[31] La pédale de boucles (loop pedal, en anglais) est un appareil permettant d’enregistrer et de faire jouer en boucle une séquence sonore plus ou moins longue. Il est généralement possible ensuite de superposer d’autres interventions enregistrées à la première ou de simplement improviser à partir de cette base musicale ou textuelle, selon ce qui a été enregistré.

[32] J’aimerais préciser que je m’inscris dans la lignée conceptuelle de Judith Butler, Annette Schlichter, Aron Arnold, Anne Fausto-Sterling, Freya Jarman, entre autres, et que je n’utilise pas l’expression « voix queers » dans une visée essentialisante. Nos voix sont queers parce que nous sommes queers, elles n’ont aucune spécificité biologique. La performativité vocale (genrée ou non) nous permet de la moduler à notre gré. Pour un approfondissement de la question de la voix dans le contexte du chœur queer, voir le chapitre 2 de mon mémoire de maîtrise sur la question (UQAM, à paraître).

[33] Aussi appelé « météo émotionnelle », ce moment permet d’exprimer avec quelle énergie ou quelles émotions les personnes arrivent à la séance.

[34] Les questions étaient les suivantes : 1. Comment te sens-tu/t’es-tu senti·e dans le groupe ? 2. Comment était ta propre voix ? 3. Quelle place ta voix prenait-elle dans l’espace ? 4. Quelle est ta vision du groupe ? Les personnes participantes pouvaient répondre à l’écrit, par des enregistrements vocaux ou encore en dessinant, voire en combinant ces mediums.

[35] Les réflexions de cette partie empruntent énormément à un travail que j’ai remis à Maude Blanchette Lafrance dans le cadre du Séminaire de lecture EST8100 (UQAM) à l’automne 2021.

[36] Yvon Bonenfant, « Queer Listening to Queer Vocal Timbres », Performance Research, vol. 15, no 3, 2010, p. 78.

[37] Ibid., p. 76.

[38] Bonenfant emprunte cette notion à Steven Connor pour décrire les ondes produites par notre voix qui peuvent, par inférence, recréer un corps dans l’imaginaire de la personne auditrice. Celle-ci se fiera à ses connaissances et à sa culture pour décoder les informations que recèlent la voix et imaginer l’état émotionnel, l’âge, la culture, la posture, la respiration, l’état de santé, les désirs, etc. de la personne émettrice. Ibid., p. 75-76.

[39] Paul Zumthor, Introduction à la poésie orale, Paris, Seuil, 1983, p. 11, cité dans Marcus Borja de Almeida Filho, Poétiques de la voix et espaces sonores : la musicalité et la choralité comme bases de la pratique théâtrale, thèse de doctorat, Paris Sciences et Lettres, 2017, p. 82.

[40] Marcus Borja de Almeida Filho, Poétiques de la voix et espaces sonores, op. cit., p. 82.

[41] Andrew Brooks, « Glitch/Failure : Constructing a Queer Politics of Listening », Leonardo Music Journal, vol. 25, 2015, p. 40. Notre traduction.

[42] C’est ainsi que j’en suis venu·e à nommer les personnes participantes à mon projet de recherche-création.

[43] Si je veux être totalement transparent·e et honnête envers toutes les parties impliquées, j’ai senti un réel engagement à l’inclusivité dans mes communications avec le Service de prévention et de sécurité de l’UQAM à la suite de cet incident, une sensibilité et un soutien envers la personne participante qui a vécu ce profilage, un engagement à écouter son ressenti et à travailler à défaire les biais inconscients des agent·es de sécurité. Ceci étant dit, malgré les excellentes intentions de cette personne référente, les actions concrètement posées le 11 mai 2022 vont dans le sens d’un contrôle social, classiste et hétéronormatif, de l’université.

[44] Création verbale pour retirer la marque de genre des terminaisons en « -eur » ou en « -ice ».

[45] Jade Préfontaine, carnet de bord, séance du 11 mai, section « Groupe/proxémie », 2022.

[46] Jade Préfontaine, carnet de bord, séance du 20 juin, section « Espace », 2022.

[47] J’ai associé un code à chaque choriste, d’où la lettre « C », suivi d’un nombre choisi au hasard entre 1 et 14.

[48] C3, questionnaire, 22 juin 2022, question no 2.

[49] Fluide dans le genre, j’utilise les accords masculins ou neutres pour parler de moi.

[50] Jade Préfontaine, carnet de bord, séance du 20 juin, section « Voix », 2022.

[51] Jade Préfontaine, carnet de bord, séance du 20 juin, section « Groupe/proxémie », 2022.

[52] Jade Préfontaine, questionnaire, 16 mai 2022, question no 4.

[53] C14, questionnaire, 16 mai 2022, question no 1.

[54] C12, questionnaire, 20 juin 2022, question no 3.

[55] C12, questionnaire, 9 mai 2022, question no 3.

[56] Jade Préfontaine, questionnaire, 13 juin 2022, question no 3.

[57] C14, questionnaire, 11 mai 2022, question no 3.

[58] C14, questionnaire, 18 mai 2022, question no 1.

[59] Jade Préfontaine, questionnaire, 22 juin 2022, question no 3.

[60] C3, questionnaire, 15 juin 2022, question no 1.

[61] C12, questionnaire, 27 juin 2022, question no 3.

[62] C14, questionnaire, 22 juin 2022, question no 3.

[63] Terme que j’ai entendu prononcer pour la première fois par les membres du collectif Villeray Acoustique, le 15 avril 2022, dans le cadre du Soundwalk Symposium organisé par la chercheuse et musicienne Kathy Kennedy (Université Concordia, Montréal).

 

 

L’auteur·rice

Titulaire d’un baccalauréat en littératures de langue française, orientation dramaturgie (Université de Montréal), d’une maîtrise en littératures francophones et résonances médiatiques sous la supervision de Sylvain David (Université Concordia) et d’une attestation d’études collégiales (AEC) de spécialisation en médiation culturelle (Cégep de Saint-Laurent), Jade Préfontaine s’est toujours intéressé·e aux arts vivants et aux formes transdisciplinaires, interartistiques, indisciplinées. Poursuivant ses études à l’École supérieure de théâtre de l’UQAM, iel y mène une maîtrise en théâtre avec une concentration en études féministes. Sa recherche-création s’intéresse à la musicalisation et aux dynamiques spatiales et proxémiques d’un chœur queer, avec l’accompagnement de Dinaïg Stall. Son projet de recherche-création mène à la formation du chœur queer, un collectif explorant les liens entre la voix, l’espace et la multitude queer. L’ensemble a présenté les spectacles Faire chœur queer à l’UQAM en 2022 et (Re)faire chœur queer au Conservatoire de Montréal dans le cadre du Festival Saint-Ambroise Fringe de Montréal, en 2023. Membre étudiant·e de l’Institut de recherches et d’études féministes (IREF) ainsi que du groupe de recherche PRint – Pratiques artistiques et scènes contemporaines, Jade Préfontaine a fait paraître ses textes dans les revues universitaires étudiantes Postures et aparté | arts vivants ainsi que dans la section Culture du site web de Les 3 sex*, un organisme de bienfaisance qui lutte pour les droits sexuels et la santé sexuelle des femmes et des personnes de la diversité sexuelle et de genre.

 

 

Pour citer ce document

Jade Préfontaine, « Faire chœur queer : une écoute queer en recherche-création », thaêtre [en ligne], Chantier #8 : Dispositifs sonores. À l’écoute des scènes contemporaines (coord. Marion Chénetier-Alev, Noémie Fargier et Élodie Hervier), mis en ligne le 15 janvier 2024.

URL : https://www.thaetre.com/2024/01/15/faire-choeur-queer/

 

 

 

 

 

 

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