L’engouement pour le podcast a redynamisé, au cours des quinze dernières années, celui pour la fiction radiophonique, avec de nouveaux acteurs s’appropriant cette expression artistique en dehors des institutions dites de « broadcast », dominantes dans ce secteur de production jusqu’à la transition numérique. Issus des arts de la scène, de la production audiovisuelle, musicale ou spécifiquement radiophonique, ils et elles se rassemblent autour de l’écriture sonore avec une intention parfois timide, parfois radicale, d’expérimenter l’art radiophonique. La variété de formes et d’esthétiques que prennent ces fictions témoigne bien entendu d’une relation entre texte, réalisation et mise en ondes, mais aussi d’un degré de « radiomorphose »[1], de maîtrise des pratiques du langage radiophonique par ces nouveaux usagers. Écrire pour la radio, c’est mobiliser ses outils techniques comme fondement du projet et comme opportunités dramaturgiques : complémentarité des dispositifs de prises de son, fonction des plans sonores, réécriture au montage par « télescopage, frottements »[2], musicalisation des objets sonores… Et « ce sont toujours les possibilités techniques qui inspirent aux artistes des formes nouvelles »[3]. De quelle façon ces outils d’écriture d’un art radiophonique peuvent-ils être transposés à la scène ? Quels sont plus précisément les enjeux que les dispositifs sonores radiophoniques suscitent lorsqu’ils s’introduisent au plateau ?
Ces questions seront nourries de l’expérience de création de deux pièces réalisées par le Collectif Wow ! : Piletta ReMix[4] (2016) et Beaux Jeunes Monstres[5] (2023). Ces œuvres de spectacle vivant présentent la particularité d’être toutes deux des transpositions scéniques de fictions radiophoniques réalisées et diffusées en amont de leur création au plateau : Piletta Louise[6] (2012) et Beaux Jeunes Monstres[7] (2016). Le passage d’une expression à l’autre a impliqué, dans le cas de ces deux œuvres, une réécriture dramaturgique de la radio à la scène, incluant la présence au plateau d’outils et d’usages radiophoniques soudainement mis à vue. Profondément radio-scéniques, ces œuvres exposent et mettent en scène leur dispositif technique, leur outil d’écriture, leur fabrique sonore. À travers l’observation de deux cas qui pourraient sembler proches, nous verrons les intentions dramaturgiques qui se logent dans le détail des choix opérés dans le cadre de ces mises en scène du dispositif radiophonique.
Artiste sonore belge faisant partie du Collectif Wow !, j’ai pris part à toute l’élaboration et la création de ces deux œuvres radio-scéniques. Cette forme d’expression, vivante et visuelle, qui s’éloigne a priori de son origine radiophonique, est au centre de nos recherches artistiques depuis plus d’une dizaine d’années. J’y participe plus précisément en tant que compositeur, créateur sonore, réalisateur radiophonique et co-metteur en scène. Également engagé comme artiste-chercheur[8], je propose ici de poursuivre le partage de ma pratique artistique en ouvrant les portes du laboratoire. Cet article tente, plus précisément, de faire apparaître, depuis les coulisses de la fabrique et en lien étroit avec les enjeux de production, les opportunités créatives offertes par les « techniques mixtes du sonore »[9] issues de la rencontre entre la radio et la scène. Celles-ci seront introduites et leur description se limitera à leur fonction dramaturgique dans le contexte des deux œuvres analysées.
Commençons par une brève et très sélective mise en perspective de la riche notion de radio-scénie en nous concentrant sur la relation entre une technique de production radiophonique et la mise en scène, forcément visuelle, de cette technique sur un plateau, devenant un objet scénographique.
Radio-scénie séculaire
Dès 1930, poursuivant ses recherches autour des préceptes freudiens, Paul Deharme entrevoit l’art radiophonique comme « le cadre d’un mode d’enseignement, d’une maïeutique nouvelle qui accoucherait le subconscient »[10]. Il imagine même une scène qui représenterait, de manière ludique, le déroulement onirique du film intérieur de l’auditeur-spectateur, afin d’illustrer ou de vulgariser le radio-film. Sur cette scène, le dispositif sonore occuperait alors la partie cour avec « au fond, les belles machines électriques et les mouvements rythmés d’opérateurs diaboliques » et, au premier plan, le microphone autour duquel des acteurs, masqués d’un demi-œuf inexpressif sans traits et sans yeux, se déplaceraient pour régler leur distance de plan sonore[11]. Ce spectacle fantasmé par Deharme illustre sa précoce réflexion radio-scénique, qui inclut la fonction dramaturgique de l’esthétique sonore au plateau par la variation de plans. Le matériel et les sources sonores y sont scénographiés de telle sorte que les indices visuels ne compromettent pas les images mentales émergeant des signes sonores, ceci pour rapprocher la réception de l’œuvre radiophonique de l’expérience onirique.
D’autres rencontres entre la radio et la scène se sont produites sous différentes formes par la suite, sans pour autant générer un genre radio-scénique en soi. Entre ces médias cousins, radio et théâtre, le plus jeune des deux a très rapidement souhaité renforcer son autonomie formelle, son langage spécifique, parfois radicalement[12]. Aujourd’hui encore, certains préceptes d’un art radiophonique s’inscrivent en opposition à ceux du théâtre. Comme j’en fais régulièrement l’expérience lors d’ateliers que j’anime dans le secteur radiophonique[13], l’introduction au langage radiophonique passe parfois par un désapprentissage de certains usages du théâtre[14]. Pourtant, l’évolution des contextes intermédiatiques rassemble à nouveau les deux expressions, alors que l’institution théâtrale développe un soutien de production et de diffusion aux protagonistes d’un art radiophonique[15].
Ce brouillage résistant de leurs périmètres respectifs se retrouve aussi dans les propositions polymorphes de radio-scénie : adaptation d’une œuvre radiophonique à la scène (comme avec Les Chemins de désir de Claire Richard et Sabine Zovighian, produit par Arte Radio et adapté ensuite à la scène[16]), réalisation d’un programme radiophonique en public (comme le proposent chaque été les fictions de France Culture au Festival d’Avignon), reconstitution d’un décor radiophonique sur scène (avec Rumeur et petits jours du Raoul Collectif[17]), diffusion simultanée d’une performance sur scène en public et sur les ondes (avec les performances de Radio Femmes Fatales[18], devenue aujourd’hui Fractales Frangynes Radio[19]), hybridation entre émission musicale et concert-fiction (avec DJ Set (sur) écoute de Mathieu Bauer[20]), etc. La place qu’occupe le dispositif technique dans ces radio-scénies prendra tout autant de formes, allant de la simple incarnation d’un lieu ou d’un personnage secondaire, à une essentialisation du langage radiophonique et de ses outils comme moyen d’écriture en scène, comme nous allons l’observer avec les deux œuvres du Collectif Wow !
Dix ans d’expérimentations
Le Collectif Wow ! a fait évoluer des dispositifs radio-scéniques au long d’un parcours fait d’allers-retours entre le studio et la scène, au cours duquel des projets de fiction ont subi des adaptations lors du passage de la radio au plateau et inversement. Ce laboratoire s’est enrichi de nombreux ateliers pédagogiques, workshops interactifs, échanges avec les publics et les professionnels du secteur lors de master classes, de festivals internationaux de radio, de colloques, de bords de scène.
Composé d’Amélie Lemonnier (comédienne), d’Émilie Praneuf (comédienne et metteuse en scène), de Florent Barat (auteur et réalisateur), de Michel Bystranowski (ingénieur du son) et de Sébastien Schmitz (compositeur et réalisateur), le Collectif Wow ! s’exerce à croiser les formes autour du média radio : expositions de portraits sonores issus d’ateliers radio, réalisation d’émissions par des jeunes en public, création de concerts-fictions adaptés en studio par la suite, mise en scène de spectacles ou live radiophoniques adaptés de fictions radio réalisées en amont, ateliers de recherche sur la fiction sonore live avec public en déambulation au casque… Chaque expérience intermédiale confronte, par différents dispositifs de rencontres avec le public, l’écriture radiophonique à de nouveaux vecteurs d’écriture dramaturgique.
En 2016, le spectacle Piletta ReMix[21] est créé à l’issue d’une résidence de quatre jours, comme une transposition de la fiction Piletta Louise à la scène. Fable initiatique accessible à partir de huit ans, Piletta ReMix conte les aventures d’une petite fille qui part à la recherche d’un remède pour sauver sa grand-mère malade, s’affranchissant de l’autorité de ses parents. Elle croisera sur sa route quatre personnages secondaires qui généreront autant de conflits, source de son émancipation. Sur scène, nous sommes une équipe de cinq personnes disposées frontalement en une ligne légèrement incurvée en V : de jardin à cour, un ingénieur du son au plateau, un interprète pour les personnages secondaires, une interprète pour le personnage de Piletta, un narrateur et un musicien. Tout le monde prend en charge des éléments de la construction sonore : voix, chants, instruments, bruitages, ambiances. Sont placés sur scène cinq micros mono dynamiques[22] pour les voix et chants, un micro à condensateur sur chacun des deux postes de bruitage[23] et une petite installation électro-musicale, tous reliés à une console de mixage sur scène qui diffuse le signal via un émetteur vers deux-cents casques audio sans fil distribués au public, et un subwoofer en salle (caisson de basses coupant les fréquences au-dessus de soixante hertz). Créée au plateau avec peu de moyens, la diffusion du son de cette pièce était initialement prévue en façade[24]. Nous étions cependant insatisfaits, lors des premières représentations de notre adaptation, par les limites de la sonorisation du plateau en salle via ce système de diffusion : problèmes de larsen obligeant l’usage de micros de scène manquant de précision et de réponse dans certaines fréquences ; gestion d’un mixage des retours du son sur le plateau pour les interprètes ; qualité parfois insuffisante du traitement acoustique des salles pour un plateau microphoné ; obligation de déplacer une personne de notre équipe du plateau vers la cabine technique de régie afin de contrôler le son sortant de la façade. Nous avons alors demandé le prêt de casques audio à une autre compagnie bruxelloise pour les quelques représentations suivantes, avant d’acquérir les nôtres dans la perspective d’une tournée plus importante qui allait permettre leur amortissement. Les expériences ultérieures du Collectif Wow ! intégreront la situation d’écoute au casque audio sans fil dès les prémices des projets, ouvrant de nouvelles voies d’écriture radio-scénique, comme nous le verrons avec le cas de Beaux Jeunes Monstres. Quels enjeux l’apport du casque dans le dispositif technique a-t-il soulevés ?
Piletta ReMix – Extrait
© Bindelle & Guffens
« Sans filistes » reliés
L’ajout du casque au dispositif ouvre soudainement des pistes techniques et esthétiques que nous avons expérimentées en aval de cette création. Sur scène, nous pouvons recourir à des pratiques plus proches de celles du studio et de la production radiophonique : choix de micros à large membrane et de micros à condensateur pour un meilleur grain sur les voix et le bruitage ; minutie des effets sonores appliqués en direct sur les voix des interprètes et sur les sons produits au plateau ; précision de la perception des retours par les interprètes pouvant régler le volume de leur casque selon un confort d’écoute personnel. Expérimentant au plateau des procédés de mise en ondes propres à la radiodiffusion, « la radio renouvelle les données dramaturgiques du théâtre traditionnel »[25] et tente d’y apporter, avec une certaine exigence, ses esthétiques sonores, ses codes dramaturgiques. Précisés par l’écoute au casque, les plans sonores définissent la position des interprètes par rapport aux micros. Les effets sonores, bien connus de l’écriture radiophonique, gagnent en efficacité, au service de l’élaboration d’un univers diégétique dans lequel les personnages vont évoluer. Ainsi les effets de réverbération[26], panoramiques[27], d’égalisation[28] permettent de situer les actions en des lieux, les personnages dans des espaces. Lors de la scène d’ouverture de la pièce, Piletta colle secrètement son oreille à la porte de la cuisine pour y surprendre une conversation qui ne lui est pas destinée, entre son père et un médecin de famille. Les effets sonores d’étouffement et de spatialisation permettent une contextualisation des enjeux narratifs de la séquence. Ou encore, lorsque la jeune protagoniste se retrouve enfermée en cellule de prison, des bruitages métalliques sont envoyés d’une oreille à l’autre des spectateurs, suscitant par ce jeu d’écoute leur saisissement, leur stupéfaction, mais aussi leur identification au personnage. Des événements sonores indissociables de la construction narrative complètent ainsi la silhouette des personnages, le décor des actions. Le code du jeu en est modifié, invitant les interprètes à s’appuyer sur les indices de la bande sonore, voire à réduire les signes de leur interprétation. Ainsi, dans Piletta ReMix, la terreur qu’impose sur la ville le personnage de Fil de fer est davantage transmise par les effets de proximité et d’écho au micro que par la puissance de la voix de l’interprète, dont le travail consiste précisément à adapter son instrument vocal à la médiation radiophonique. L’esthétique du premier plan doublée d’effets sonores triomphe ici sur la tentation d’une surenchère du comédien.
Les interprètes peuvent également, grâce au casque, moduler leur voix d’une façon plus sensible au plateau, s’appuyant sur la précision de leur retour. C’est aussi l’adresse, le lien au spectateur qui en est transformé, devenant plus intime par cette écoute de proximité. Interprètes et spectateurs étant munis du même système de réception dans lequel le mixage est identique pour tous, la situation d’écoute renforce le rapprochement entre artistes et public. Reproduisant une spatialisation et une image stéréophonique communes, le casque corrige le problème bien connu du « double obligé »[29] des enceintes en salle, lorsqu’apparaît cette distorsion perceptive entre source directe et source médiatisée si on est positionné de façon décentrée. L’artiste sonore Dominique Petitgand évoque comme suit ce « décrochage : une personne qui s’exprime en public et dont la voix est retransmise plus loin à travers micro et sono, se dissocie en deux entités mal assorties : un corps sans voix et une voix sans corps »[30]. Avec le casque, un lieu immersif diégétique commun est renforcé par cette réduction du double obligé.
Équiper les spectateurs d’un casque audio peut se heurter, pour certains, à la dimension magique, voire sacrée, de l’expérience théâtrale : la communion d’un public. En défaveur du casque, l’argumentaire emprunte parfois au jargon carcéral, présupposant l’enfermement de chaque spectateur, passif dans une bulle, déconnecté, coupé du reste de la salle. Si le casque convie en effet les spectateurs à une immersion sonore plus complète, il ne rompt pas pour autant si radicalement le lien qui les unit. Des nuances sur la perception ont été apportées par les entretiens et bords de scène réalisés lors de la tournée de Piletta ReMix. Une expression subtile, profondément radiophonique, a été exprimée par beaucoup : « intimité collective ».
Avec Beaux Jeunes Monstres, l’ouverture occasionnelle de certains microphones sensibles (paire de micros stéréo située en bord de plateau) amplifie dans le casque, par la même occasion, le son produit par le public, créant pendant ces moments précis un effet de miroir. S’en dégage une communion sonore entre spectateurs et interprètes, une rencontre inattendue entre l’extradiégétique de la salle et l’imaginaire de l’espace diégétique, au cours de laquelle le réel peut s’insérer par moment dans la fiction. « Ces activités n’ont rien de solitaire : chaque spectateur sent la présence de ses voisins, perçoit leurs réactions. »[31] L’immersion sonore par l’écoute au casque inscrit la « traditionnelle relation frontale acteur-spectateur »[32] dans une double réalité : celle, extérieure et objective, par laquelle se fabriquent les sons sous les yeux du spectateur, et celle, beaucoup plus subjective, d’un théâtre intérieur animé par l’élaboration d’images mentales. Et l’attention est sans cesse activée par les allers-retours entre ces deux réalités : chercher du coin de l’œil à identifier les sources sonores, tout en poursuivant son dessein intérieur. Par exemple, lorsque Piletta s’enfonce dans la forêt, une réalité objective dévoile sur scène un artisanat de bruitage par lequel on frotte sous un micro de vieilles bandes magnétiques chiffonnées en tas dans le but de produire une matière sonore identique à celle du bruit de pas sur des feuilles mortes. Au même instant, cette séquence sonore convoque la mémoire de chaque spectateur, qui recompose intérieurement les images mentales d’une forêt nocturne. La fabrication de ces images par le cerveau est si constante que beaucoup d’enfants ont dit en fin de spectacle : « Il était super, ce film. »[33] Car dans la radio-scénie de Piletta ReMix, si la dimension visuelle offre quelques signes minimalistes au spectateur, c’est la dominante sonore qui mobilise son attention, de sorte que « la seule ouïe lui permet alors de pourvoir la dramatique radio d’un espace en plusieurs dimensions »[34]. La proximité qu’offre le casque rejoint l’expérience intime de la salle de cinéma, mais aussi du studio de radio[35]. Le casque facilite l’émergence de ces images mentales, quelle que soit la distance physique entre public et interprètes. La complicité de l’auditeur est mise à l’épreuve simultanée d’une représentation mentale invitant son imaginaire à travailler en étroite collaboration avec les informations sonores en construction. Bien actif, donc, ce public trouve aussi un espace de liberté et d’interactivité avec l’objet de médiation : ajustement du volume du casque ; commentaires entre spectateurs dont la voix peut percer la bulle du casque ; amusement à s’entendre parfois amplifié dans le casque depuis son siège par effet de miroir ; désir de certains de le retirer quelques secondes et de le remettre, s’amusant du rapport image-son d’une scène avec ou sans décor sonore. Nous en avons fait l’expérience en juin 2022 lors d’une sortie de résidence au Festival Warm Up organisé par le Théâtre de la Vignette. Nous avons retiré nos casques sur scène de façon synchronisée pour interpréter le dernier chant devant le micro, afin d’observer si le public suivrait ce geste par mimétisme. Environ la moitié des personnes ayant répondu au bord de scène ont déclaré avoir également retiré leur casque à cet instant. Rappelons qu’en complément du son diffusé dans les casques, dont la bande passante ne descend pas sous soixante hertz, les basses fréquences manquantes diffusées par les subwoofers renforcent la sensation physique liée à la perception des vrombissements. Auprès du jeune public, nous avons fait l’observation que le casque suscite davantage curiosité et enthousiasme que craintes.
Ouvrir l’espace : de la 2D à la 3D
Le succès de Piletta ReMix a permis de monter une production plus importante pour la création suivante, Beaux Jeunes Monstres. C’est le récit en voix intérieure d’un adolescent porteur d’une lourde infirmité motrice cérébrale. Enfermé dans son corps, Willy s’allie à tous les opprimés de son entourage pour mener sa révolte, prenant sa mère en otage dans l’église du village. Encouragés à se rendre visibles, les protagonistes portent le héros et changent le monde par un geste collectif qui devient un acte politique.
L’adaptation de la fiction Beaux Jeunes Monstres à la scène accueille une équipe de onze interprètes sur un plateau de dix mètres sur dix. Intégré au dispositif dès la conception du projet, le casque, par les choix techniques qu’il permet d’opérer, affine le vocabulaire de sonorisation sur scène. Par l’ajout de plusieurs micros stéréophoniques, la complémentarité des sonorisations opère une transposition plus fine des esthétiques radiophoniques sur scène. La spatialisation se précise et les plans sonores révèlent la « valeur expressive de l’espace »[36] : ils permettent d’écrire des déplacements de personnages, de marquer la présence des corps, de creuser le volume de la scène comme corps solide (le préfixe « stéréo » vient du grec « στερεός » qui signifie « massif, solide »), au profit d’une plus grande dynamique sonore, laissant également place à du silence.
Beaux Jeunes Monstres
Tête binaurale sur le plateau
© Margot Briand
La profondeur du plateau peut être exploitée en perspectives sonores dégagées par des lignes de fuite. Posés en arc de cercle, des postes sonores entourent le centre du plateau qui s’affranchit de l’à-plat de Piletta ReMix. De jardin à cour : l’espace d’instruments électro-musicaux, la console technique, un piano quart de queue, une estrade pour évocation de certains lieux récurrents (ring de boxe, église, hôpital), un poste de bruitage, la station de narration. Au centre, un espace ouvert aux scènes de jeu, au milieu duquel se dresse une tête binaurale sur pied, tournée vers le public[37]. Ce dispositif de sonorisation stéréophonique « spatialise les sons en restituant une illusion acoustique de tridimensionnalité »[38] grâce à son volume crânien et aux deux oreilles en silicone qui entourent les micros. Deux petits micros (DPA 4060[39]) sont donc placés dans ces oreilles de sorte que le public ne les voie pas. Le dispositif binaural au centre du plateau et la tête figée qui lui est associée suscitent indubitablement l’identification du spectateur au personnage infirme moteur cérébral, enfermé dans son corps. Une identification qui est renforcée par l’« effet de présence intense »[40] généré par ce système de sonorisation, « porteur d’une grande force expressive »[41]. Le fil rouge en voix intérieure de ce personnage, interprété par Deborah Rouach au poste de narration, projette et commente des scènes qui sont jouées au milieu du plateau, comme évocation de ses projections mentales, de ses constructions narratives. À la manière d’un poumon qui s’emplit et se vide, les interprètes passent au centre du plateau et se redisséminent en arc de cercle ensuite, corps mécaniques au service de la psyché du personnage. Comme dans les récits épiques, un chœur polyphonique soutient le héros, en lui fredonnant des mots au creux de l’oreille. Davantage qu’un simple artifice, le dispositif binaural devient alors un élément dramaturgique central. La sonorisation qui se construit au plateau, par le choix esthétique des microphones et du potentiel narratif qui en découle, hérite des usages de la réalisation radiophonique. Pour la voix narrative, c’est un micro à large membrane (AKG C414) qui est privilégié pour une meilleure proximité, porteuse de l’intériorité de l’âme. « Si l’on s’approche du micro, à quelques centimètres, l’auditeur a l’impression d’être habité par cette voix qui prend une valeur obsédante : c’est le très gros plan. »[42] Cette matière se marie idéalement, par superposition et tuilage, aux plans plus distancés, naturalistes, des voix in situ jouées au centre du plateau, prises par la tête binaurale, ou par un couple stéréo omnidirectionnel posé en avant-scène.
Et les déplacements des interprètes autour de ces différents dispositifs présents au plateau sont des signes qui prennent aussi un sens dramaturgique, et forcent à y proposer une intention. C’est là que la scène bouscule les usages radiophoniques, ajoutant aux esthétiques sonores, un terrain d’écriture élargi. C’est le cas dans une scène de Beaux Jeunes Monstres, au cours de laquelle une dispute entre les jeunes parents mènera le père du protagoniste à quitter le foyer et à fuir ses obligations parentales. La dispute débute dans la chambre où se trouve un couffin imaginaire, au-dessus duquel les parents sont penchés. Les deux interprètes ont le front posé de part et d’autre de la tête binaurale, et dialoguent au creux des deux oreilles microphonées de ce dispositif technique, qui symbolise le nouveau-né. La tête binaurale rassemble les deux protagonistes dans le même espace stéréophonique, et la conversation murmurée dans le secret de la chambre évoque leur complicité malgré le désemparement. La scène se poursuit avec le déplacement des deux interprètes vers deux micros sur pied situés en avant-scène, qui les invitent à se positionner face public. Les deux personnages sont maintenant côte à côte, tournés l’un et l’autre vers leur micro respectif. Les voix sont isolées, séparées par le traitement sonore d’une double monophonie qui les place dans deux espaces parallèles. Leurs regards ne se croisent plus, les voix ne sont plus dans le même espace. La distance physique trahit celle d’une séparation qui s’accélère, d’un désaccord qui s’envenime. Sans éclats, la scène se termine par le départ du père, qui en quittant l’avant-scène, retire le micro du personnage de la mère, comme pour lui ôter la parole alors qu’elle poursuit son monologue : « qu’est-ce qu’on va faire ? Je ne sais pas, je ne sais pas ce qu’on doit faire, je ne sais pas ce qu’il faut faire… », continue-t-elle de dire inlassablement, sans sonorisation. La manipulation d’un outil technique prend ici une valeur symbolique, où la puissance visuelle renforce celle du sonore.
Mars – Mons arts de la Scène
Janvier 2023
Michele de Luca et Émilie Praneuf
© Margot Briand
Dans la fiction radiophonique originale, des scènes montées incluaient des jeux de superposition d’événements se déroulant en des moments et lieux différents. Le dispositif technique élargi sur scène répond alors à certaines contraintes d’adaptation. Pour les besoins d’une hétérotopie[43] sur scène, des zones microphonées sont créées en avant-scène et à l’arrière-scène sur estrade, produisant ainsi des espaces sonores hermétiques délimitant physiquement les contours de lieux et de temps diégétiques différents, qui se juxtaposent lors de l’interprétation, par effets de créneau (« occurrence d’une émission sonore au moment où le contexte est le plus favorable et ménage une place particulièrement adaptée à son expression »[44]) et de tuilage, sans générer de confusion. Ces espaces imaginaires sont parfois reliés, traversés par le déplacement d’un personnage de l’avant à l’arrière du plateau, sonorisé par un micro sur perche. Ici encore se jouent des intentions de transposition d’une esthétique radiophonique au plateau : ellipses, superpositions, transitions sonores, déplacements, effets sonores et mixage en direct. La temporalité du montage, héritée de la fiction de studio, guide le timing de ce jeu de construction, par couches successives, à la manière d’un crayon qui, au fil de son tracé, fait apparaître une forme dans l’imaginaire du spectateur. Les outils de la mise en scène entrent en co-écriture des intentions dramaturgiques. Une création lumière oriente le regard du spectateur vers des sources et obscurcit les zones inutiles, clarifie des transitions narratives et les effets sonores de type cut ou fondus. Du langage radiophonique est aussi gardée la liberté de diffuser des sons et échantillons en situation acousmatique, pré-enregistrés et envoyés depuis la scène. Ce « sonore inscrit », doublé du « sonore éphémère »[45] créé sur scène, complète les possibilités de juxtapositions, d’épaisseur harmonique en « polyphonies et contrepoints »[46]. À la manière d’abeilles autour d’une ruche, les interprètes coconstruisent en pointillés les silhouettes des protagonistes. Un seul personnage sera ainsi dessiné simultanément à quatre endroits dispersés de la scène, telle une mosaïque impressionniste : sa respiration en avant-scène, le son de ses pas au poste de bruitage côté cour, ses gestes et coups de poing en arrière-scène, son motif musical côté jardin.
De la radio par la scène : échanges de pratiques
Créée en 2016 à l’issue d’une résidence de trois jours en autoproduction, la scénographie de Piletta ReMix est simple et efficace. Quarante-cinq minutes d’installation au plateau pour une position en ligne avec un sonore éphémère majoritairement aplati (la plupart des voix en gros plan) et une stéréo amenée par quelques effets de panoramique, par les matières musicales et les sons pré-enregistrés. La diffusion avec casque permet de réduire le temps des soundchecks (réglages des balances) qu’aurait nécessité une diffusion sur enceintes. Soutenue par le secteur bien structuré du Théâtre Jeune Public en francophonie, une tournée inattendue de 560 représentations entre 2017 et 2021 a été facilitée par la légèreté du dispositif et de la production. Elle nous a aussi démontrés, malgré l’étonnement du public envers la forme marginale du genre « fiction radio live », un enthousiasme pour la radio-scénie. Le succès de Piletta ReMix a permis d’ouvrir une voie d’exploration pour Beaux Jeunes Monstres. Les moyens de production des institutions de théâtre ont permis un réel temps de création, et une réflexion plus aboutie du dispositif sonore et de mise en scène. L’accès à un grand plateau avec une équipe doublée offre un terrain de recherche aux outils d’un sonore de scène, de sa mise en lumière et des propriétés sonores du décor, aussi minimal soit-il.
Certains théâtres semblent vouloir faire du dispositif radio-scénique un objet de curiosité, d’innovation et d’attraction. Une résidence nous a ainsi été proposée par le Magasin de MA scène nationale – pays de Montbéliard, tenté d’emmener la production du théâtre sur le terrain radiophonique. Parce que nous étions exposés en vitrine d’une ancienne boutique du centre-ville de Montbéliard et invités à présenter notre dispositif sonore au public en sortie de résidence, ce sont bien la visibilité et le partage des outils radio-scéniques qui étaient mis en avant dans le cadre d’une politique de médiation culturelle.
Beaux Jeunes Monstres
Vitrine et Magasin de MA scène nationale – pays de Montbéliard
Résidence en janvier 2022
Avec Sébastien Schmitz sur la première photo
© Florent Barat
Ces dispositifs radio-scéniques ont fait l’objet de recherches et de partages de pratiques dans de nombreux ateliers consacrés aux nouvelles formes de fictions sonores, au Festival de Podcast à Dinard organisé par Phonurgia Nova, ou encore à l’Institut des Arts de Diffusion (IAD) de Louvain-La-Neuve en Belgique.
Alors que le spectacle vivant banalise un usage technique de la sonorisation en « oripeau de la modernité »[47], le microphone, par effet de mode, y est souvent mobilisé comme une prothèse, que l’on dissimule maladroitement, et non comme un outil d’écriture inclus dans la conception et la « structuration fondamentale du projet » de mise en scène. L’univers sonore du théâtre se réduit parfois à une forme de « bouche-trou »[48], de compensation ou d’obligation résolue à l’infrastructure technique de salles modernes. Dans ce contexte, encouragées par l’euphorie du podcast, les récentes initiatives radio-scéniques, exposant sans honte les outils de la radio, usant des possibilités qu’offre son langage sonore, bousculent les codes du son au théâtre en s’y invitant afin de « porter le feu sur scène pour en brûler les planches »[49]. Par une mise en avant ostensible des outils et du langage radiophoniques, elles offrent un vent de fraîcheur qui pourrait redynamiser les écritures sonores du théâtre, ou du moins les confronter à leurs limites, leurs lacunes. Elles répondent toutes à des désirs communs : renouer avec la fragilité, l’imprévisibilité du direct en « gestation qui peut encore échouer et dont l’issue n’est pas assurée »[50], mettre en valeur une esthétique du sonore, produire une situation d’écoute nouvelle par la rencontre avec le public, redéfinir le mode d’adresse à l’audience. Les formes hybrides de ces radio-scénies contemporaines témoignent aussi d’une marginalité scénographique, qui découle notamment de conditions de production limitées, le style n’ayant pas encore engendré ses grands succès populaires.
L’art radiophonique a bien une carte à jouer sur scène. Qu’il soit englobé par le caractère hypermédia du théâtre ou qu’il lui dicte son propre langage médiatique importe peu. La monstration de la fabrique sonore, du processus de médiation radiophonique, compromet de facto l’invisibilité spécifique au média du « pays des aveugles »[51]. Aux sources invisibles ou acousmatiques s’ajoute sur scène la dimension visuelle des sons éphémères reliés à leur cause par le rapport image-son. C’est en ce sens que le dispositif technique prend une place centrale dans la mise en scène des sources sonores, avec une question qui se trouve derrière chaque tentative radio-scénique que nous explorons : que peut apporter l’information visuelle sur scène, qui n’affaiblirait pas la puissance des images mentales générées par le son, l’« écoute aveugle » qui nous fait basculer inexorablement vers notre espace intérieur, vers le rêve[52] ? Cet enjeu semblait déjà au cœur des réflexions de Paul Deharme qui, dans sa radio-scénie imaginaire, choisissait de masquer ses acteurs d’un œuf inexpressif et de les positionner selon des choix de plans sonores. Cette radicalité de la mise en scène du corps sur le plateau a aussi alimenté nos recherches au cours de la création des deux spectacles. En réduisant le corps à son espace de sonorisation, ses mouvements et déplacements sont conditionnés par la régulation d’un plan sonore par rapport au point d’écoute. C’est ce que Michele de Luca, un des interprètes de Beaux Jeunes Monstres, exprime dans le cadre de la création du spectacle :
Techniquement, être un corps face à un micro, c’est être un corps qui s’active et se désactive par et pour l’intention de la voix, de telle sorte que le corps redevient instrument[53].
Ce contrôle du corps, concentré sur une essence sonore, offre un terrain de recherche singulier, voire innovant pour les interprètes au plateau : « D’habitude, c’est la technique qui vient se caler sur le jeu, mais ici c’est souvent le jeu qui se cale dans un environnement sonore qui dicte la rythmicité et la musicalité d’un espace. »[54] De façon inattendue, les besoins d’une radiomorphose imposent une réflexion de mise en scène et ouvrent des opportunités dramaturgiques propres à la scène. Tels des pantins articulés autour des pieds de micro, les interprètes sont tenus par les fils de leurs événements sonores, inscrits dans la partition globale.
Se pose plus globalement la question de l’adaptation de l’œuvre artistique. Si les deux médias partagent certains vecteurs d’écriture, d’autres font leur distinction. Alors que les codes esthétiques de radio peuvent être appliqués à une radio sur scène, ils ne suffisent sans doute pas à combler toutes les attentes du spectacle vivant. Lorsque l’adaptation se contente d’une reproduction sans véritable réécriture, les formes nouvelles n’honorent pas les subtilités du langage médiatique. C’est le cas, fréquent et encore récent (la pandémie l’a démontré), lorsqu’un spectacle vivant est enregistré pratiquement tel quel par les techniciens de théâtre soudainement convertis bien malgré eux en réalisateurs radiophoniques. C’est sans doute aussi de cette façon que la radio aurait le moins à offrir à la scène, en se contentant de dérouler ses matériaux comme une caricature d’elle-même, réduisant les gestes radiophoniques au simple envoi de ses enregistrements prémontés, sans courir le risque d’une réécriture au plateau et d’une mise à l’épreuve performative de son langage.
Qu’il s’agisse de renouveler le théâtre par l’art radiophonique, ou d’augmenter d’une présence scénique « l’art radiophonique, d’origine livré sans image »[55], la (dé)monstration du dispositif technique dans les deux fictions radio-scéniques du Collectif Wow ! révèle indéniablement, en miroir du caractère hypermédia du théâtre, « capable d’incorporer tous les médias »[56], un degré de revendication de l’expression radiophonique sur scène, comme si ici encore se jouait une nouvelle manche d’une rivalité séculaire.
Notes
[1] Frédéric Antoine, Analyser la radio. Méthodes et mises en pratique, Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur, 2016, p. 125.
[2] René Farabet, Bref Éloge du coup de tonnerre et du bruit d’ailes, Arles, Phonurgia Nova, 1994, p. 152.
[3] Rudolf Arnheim, Radio, trad. Lambert Barthélémy et Gilles Moutot, préface de Martin Kaltenecker, Paris, Van Dieren éditeur, coll. Musique, [1936] 2005, p. 138.
[4] Piletta ReMix, mise en scène de Florent Barat, Collectif Wow !, a été créé en août 2016 à Huy (Belgique) dans le cadre des rencontres du théâtre jeune public. Avec Émilie Praneuf ou Amélie Lemonnier, Benoit Randaxhe ou Sylvain Daï ou Louis Devillers, Florent Barat ou Arthur Oudar ou Gaspard Dadelsen. Création musicale de Sébastien Schmitz ou Thomas Forst, mise en ondes live de Michel Bystranowski ou Jonathan Benquet. Un autre article revient dans thaêtre sur ce spectacle : Juliette Meulle, « Faire voir le son. Bruitages sur scène dans trois créations contemporaines », thaêtre [en ligne], Chantier #8 : Dispositifs sonores. À l’écoute des scènes contemporaines (coord. Marion Chénetier-Alev, Noémie Fargier et Élodie Hervier), mis en ligne le 15 janvier 2024.
[5] Beaux Jeunes Monstres, texte de Florent Barat, mise en scène et en son de Florent Barat, Émilie Praneuf et Sébastien Schmitz, a été créé le 14 février 2023 au Théâtre Varia (Bruxelles). Avec Deborah Rouach, Émilie Praneuf, Juliette Van Peteghem, Amélie Lemonnier, Lucile Charnier, Sylvie Nawasadio, Alex Jacob, Michele de Luca, Michel Bystranowski, Sébastien Schmitz, Florent Barat et avec les voix de José Soteras, Aurélie Volon, Thomas Ardui, Raphaël Bonneels et Jonathan Vanchieri. Composition musicale et sonore de Sébastien Schmitz, ingénierie sonore de Michel Bystranowski, direction des chœurs de Juliette Van Peteghem, scénographie de Sébastien Corbière, création lumière de Sibylle Cabello, costumes de Marine Vanhaesendonck, assistanat à la mise en scène de Gaspard Dadelsen. Beaux Jeunes Monstres a été récompensé dans la catégorie « Création artistique et technique » aux Prix Maeterlinck de la Critique (Belgique, novembre 2023).
[6] La fiction sonore Piletta Louise, écrite et réalisée par Florent Barat, Collectif Wow !, a été diffusée pour la première fois le 19 novembre 2012 sur Radio Air Libre et est actuellement disponible sur le compte Vimeo du Collectif Wow !.
[7] Beaux Jeunes Monstres, fiction radiophonique en cinq épisodes réalisée par Florent Bara et Sébastien Schmitz, a été créée en 2016 et est disponible sur Radiola, la plateforme audionumérique éditée par l’ACSR (Atelier de Création Sonore Radiophonique de Bruxelles). Un making of de la première session d’enregistrement est disponible sur le compte Vimeo du Collectif Wow !.
[8] Je suis attaché au CiaSP (Centre de Recherche en Cinéma et Arts du Spectacle) en tant que doctorant à l’Université Libre de Bruxelles, en cotutelle avec l’IAD (Institut des Arts de Diffusion).
[9] Daniel Deshays, Pour une écriture du son, Paris, Klincksieck, 2006, p. 18
[10] Paul Deharme, Pour un art radiophonique, Paris, Allia, [1930] 2022, p. 82.
[11] Ibid.
[12] Paul Deharme avec sa proposition « Pour un art radiophonique », Rudolf Arnheim avec son manifeste « Radio », ou encore Pierre Schaeffer, pour ne citer que quelques exemples.
[13] J’anime ces ateliers dans le cadre de l’ACSR, Phonurgia Nova, l’IAD (Institut des Arts de Diffusion), l’IHECS (Institut des Hautes Études de Communication Sociale), l’ULB (Université Libre de Bruxelles), le RITCS (Royal Institute for Theatre, Cinema and Sound de Bruxelles), du Théâtre National…
[14] L’art oratoire doit notamment s’adapter au filtre des micros, à la réécriture des signes d’interprétation visuels en intentions sonores, à une certaine retenue que requiert l’intimité radiophonique.
[15] Voir la production de fictions radiophoniques, par exemple dans le cadre de « Voix.e.s » par le Théâtre National Wallonie-Bruxelles ou de « Radio Ma » par MA scène nationale – pays de Montbéliard.
[16] Les Chemins de désir est une fiction de Claire Richard adaptée et réalisée par Sabine Zovighian dont les six épisodes ont été mis en ligne sur Arte Radio entre le 7 mars et le 11 avril 2019. Le podcast a été adapté pour la scène par Sabine Zovighian et le spectacle a été créé le 19 mars 2020 à la Pop (Paris). Une captation est accessible en ligne sur le compte Vimeo Les Indépendances.
[17] Rumeur et petits jours, spectacle du Raoul Collectif, de et avec Romain David, Jérôme De Falloise, David Murgia, Benoît Piret et Jean-Baptiste Szézot, a été créé le 10 novembre 2015 au Théâtre National Wallonie-Bruxelles. Romain David est revenu dans thaêtre sur ce spectacle et sur son inspiration documentaire : Romain David, « Ce que le document fait à l’acteur·rice. Extraits d’une enquête en cours », entretien réalisé par Marion Boudier, thaêtre [en ligne], Chantier #7 : Document-matériau (coord. Marion Boudier et Chloé Déchery), mis en ligne le 8 novembre 2022.
[18] Radio Femmes Fatales (RFF) est menée par Lenka Luptáková et Maya Boquet. On lui doit notamment Lenka Nehanebna (2013) ou No Woman No Cry (2016-2017). La version radiophonique de No Woman No Cry est accessible sur Radiola. Les deux formats, radiophonique et performatif, de Lenka Nehanebna sont accessibles sur le site de France Culture et sur le compte Vimeo de Radio Femmes Fatales.
[19] Fractales Frangynes Radio (FFR) se décrit comme « un gang bruxellois à géométrie variable qui réinvente et re-fouine le direct radiophonique. Elle s’écoute sur les ondes ou se vit de face, en corps à corps, sur le dancefloor. Émission pour les yeux, exhibition pour les oreilles, c’est une expérience totale, enivrante, contagieuse » (voir la présentation de FFR sur Radiola à l’occasion de sa performance Tako Tsubo lors du 16e Festival Longueur d’ondes (du 28 janvier au 3 février 2019 à Brest).
[20] DJ Set (sur) écoute, conception et mise en scène de Mathieu Bauer, a été créé en avril 2016 à la Pop (Paris) puis recréé en octobre 2016 aux Subsistances (Lyon).
[21] Le spectacle radiophonique sur scène Piletta ReMix a été joué 560 fois en Europe francophone (Belgique, France, Suisse) entre 2017 et 2021, fort d’un succès rencontré dans le secteur du jeune public.
[22] Souvent utilisés sur scène en raison de leur solidité et leur aptitude à encaisser de fortes pressions acoustiques, les micros mono dynamiques offrent peu de sensibilité et ne permettent qu’une restitution limitée des aigus et des timbres complexes.
[23] Nous disposions d’une paire d’Oktava MK-012 comprenant des capsules interchangeables qui permettent de varier la directivité : cardioïde, hypercardioïde ou omnidirectionnel. Leur degré de précision pour un petit prix était adapté à notre production et à leur usage de sonorisation du bruitage sur scène.
[24] « Ce que l’on nomme “façade’’ en sonorisation est un système d’enceintes installé dans la salle, de part et d’autre du cadre de scène. » Voir Daniel Deshays « L’impossible ‘‘façade’’. L’usage du microphone et son incidence sur la scénographie des espaces », dans Jean-Marc Larrue et Marie-Madeleine Mervant-Roux (dir.), Le Son du théâtre. Éléments d’une histoire acoustique et phonique. XIXe-XXIe siècle, Paris, CNRS éditions, 2016, p. 268.
[25] Aline Carpentier, Théâtre d’ondes. Les pièces radiophoniques de Beckett, Tardieu et Pinter, Bruxelles, De Boeck Supérieur, coll. Médias-Recherche, 2008, p. 48.
[26] L’effet de réverbération permet de reconstituer artificiellement l’acoustique d’un lieu et le positionnement d’un événement sonore dans un espace.
[27] L’effet panoramique renvoie au positionnement artificiel d’un son dans l’espace radiophonique, entre la gauche et la droite.
[28] L’effet d’égalisation est un outil de traitement du son permettant de filtrer ou d’amplifier différentes bandes de fréquences d’un signal audio.
[29] Daniel Deshays, « L’impossible “façade” », art. cité, p. 263.
[30] Dominique Petitgand, Mes Écoutes, Paris, Éditions B42, Sentiers 01, 2022, p. 6.
[31] Cécile Méadel, « Le spectacle sonore, histoire des mises en scène radiophoniques », Vibrations, n° 5, dossier thématique « La scène », 1988, p. 210-220.
[32] Émilie Ruiz, Albéric Tellier et Julien Pénin, « Comprendre les transformations de l’industrie musicale. Une approche par le modèle d’affaires », Revue française de gestion, n° 294, 2021, p. 79-97.
[33] Émilie Praneuf, interprète de Piletta, entretien réalisé en mars 2020 dans le cadre de ma recherche. Il s’agit d’un commentaire dit par un enfant au cours d’un bord de scène, après un spectacle joué en janvier 2019 au Volcan (Le Havre).
[34] Aline Carpentier, Théâtre d’ondes, op. cit., p. 49.
[35] « Ne croit-on pas que l’obscurité des salles de cinéma, plus grande que celle des salles de théâtre, supprime les distractions chez les spectateurs et favorisent leur état de réceptivité ? » se demande Paul Deharme dans Pour un art radiophonique, op. cit., p. 98.
[36] Rudolf Arnheim, Radio, op. cit., p. 75.
[37] Les canaux de la stéréophonie de la tête binaurale, placée en miroir du spectateur, doivent alors être inversés pour que l’image sonore gauche-droite corresponde au positionnement des oreilles du public.
[38] Renée Bourassa, « Parcours sonores et théâtres mobiles en espace urbain : pratiques performatives », dans Jean-Marc Larrue et Marie-Madeleine Mervant-Roux (dir.), Le Son du théâtre, op. cit., p. 373.
[39] Le DPA 4060 est un microphone à condensateur omnidirectionnel miniature couvrant une grande plage de fréquences.
[40] Renée Bourassa, « Parcours sonores et théâtres mobiles en espace urbain : pratiques performatives », art. cité, p. 373.
[41] Ibid.
[42] Pierre Schaeffer, cité dans Aline Carpentier, Théâtre d’ondes, op. cit., p. 52.
[43] Renée Bourassa, « Parcours sonores et théâtres mobiles en espace urbain. Pratiques performatives », art. cité, p. 375.
[44] Jean-François Augoyard et Henry Torgue, À l’écoute de l’environnement sonore. Répertoire des effets sonores, Marseille, Éditions Parenthèses, coll. Habitat/Ressources, 1995, p. 46.
[45] Daniel Deshays, Pour une écriture du son, op. cit., p. 90.
[46] Andréa Cohen, Les Compositeurs et l’art radiophonique, Paris, L’Harmattan, coll. Mémoires de la radio, 2015, p. 125.
[47] Daniel Deshays, « L’impossible ‘‘façade’’ », art. cité, p. 263.
[48] Daniel Deshays, Pour une écriture du son, op. cit., p. 33.
[49] Le Collectif Wow !, descriptif du stage « Nouvelles fictions sonores : Radio Live », juillet 2021, mai 2022 et août 2023, site de Phonurgia Nova.
[50] Rudolf Arnheim, Radio, op. cit., p. 136.
[51] Paul Deharme, Pour un art radiophonique, op. cit., p. 14.
[52] Daniel Deshays, Pour une écriture du son, op. cit., p. 25.
[53] Michele de Luca, entretien réalisé le 16 janvier 2023 dans le cadre de la création scénique de Beaux Jeunes Monstres.
[54] Ibid.
[55] John Barber, « L’art radiophonique : histoire d’un médium de masse devenu médium artistique», Appareil, dossier « Art et médium 2 : les média dans l’art » (coord. Pascal Krajewski), n° 18, 2017.
[56] Chiel Kattenbelt, Intermediality in Theatre and Performance, Amsterdam et New York, Rodopi, 2008, p. 20.
L’auteur
Sébastien Schmitz est un artiste sonore, un compositeur et un réalisateur radio bruxellois, notamment au sein du Collectif Wow ! (prix Europa, prix Ondas, prix fiction Phonurgia Nova, Prix Uk Drama Festival, Prix Longueur d’Onde, Grand Prix Nova, Prix Maeterlinck de la Critique). Étudiant-chercheur en art et sciences de l’art à l’Institut des Arts de Diffusion et à l’Université Libre de Bruxelles où il est attaché au CiASp (Centre de Recherche en Cinéma et Arts du Spectacle), il est également enseignant de langage radiophonique à la Haute École IHECS (Institut des Hautes Études des Communications Sociales, Bruxelles) et membre actif de l’ACSR (Atelier de Création Sonore Radiophonique).
Pour citer ce document
Sébastien Schmitz, « Créer l’espace radiophonique sur scène. Laboratoire de dispositifs sonores avec le Collectif Wow ! », thaêtre [en ligne], Chantier #8 : Dispositifs sonores. À l’écoute des scènes contemporaines (coord. Marion Chénetier-Alev, Noémie Fargier et Élodie Hervier), mis en ligne le 15 janvier 2024.
URL : https://www.thaetre.com/2024/01/15/creer-lespace-radiophonique-sur-scene/
À télécharger
Créer l’espace radiophonique sur scène