« Écrire pour l’oreille »

Entretien réalisé par Ioanna Solidaki

 

 

Alexandre Doublet est metteur en scène, dramaturge, comédien, et co-signe souvent ses scénographies, créations sonores et costumes. Il est également directeur artistique de la compagnie AD (anciennement ADVQ) basée à Lausanne. Il a dirigé le Théâtre Les Halles (TLH) à Sierre de 2011 à 2019 et a été nommé directeur du Théâtre Alambic et de l’École de théâtre de Martigny en mars 2023. Né en France (Abbeville), il vit en Suisse depuis sa formation à La Manufacture, Haute École des Arts de la Scène à Lausanne. En 2008, il a obtenu le premier prix du concours PREMIO visant à soutenir la jeune création pour sa série théâtrale Il n’y a que les chansons de variété qui disent la vérité – Platonov, qu’il a présentée en trois parties distinctes (2008-2012), puis en entier (2013-2014). Il a aussi mis en scène, entre autres, La jeune fille que rien ne pouvait consoler. Rien ! De rien ! De rien ! (2009), All Apologies – Hamlet (2013), Les Histoires d’A – Andromaque (2014), lauréat du concours LABEL+, Dire la vie (2016), Love is a river (2018-2019), Retour à la Cerisaie (2021-2022), La Machine dans la Forêt (2022-2023).

Afin de penser le monde dans lequel nous vivons et permettre d’expérimenter la dimension complexe du temps et de la mémoire, Alexandre Doublet questionne dans chacun de ses spectacles les textes dont il s’inspire et leur mode de représentation, par des dispositifs scéniques et des paysages sonores. Il privilégie une écriture auditive, sans exclure une élaboration visuelle tout aussi riche. Tous ses spectacles sont traversés par la musique et menés au rythme de la pneumatique des textes parlés. Dans le cadre de ma recherche doctorale sur les poétiques de l’ouïe et de la vue au Centre d’Études Théâtrales de l’Université de Lausanne (CET-UNIL), c’est son écriture pour l’oreille qui m’interpelle, celle d’un ingénieur du son, d’un musicien, d’un cinéaste. Favorisant procédés de collage et de montage, il fait entrer les spectateur·rices par l’audition et le regard dans un univers florissant en références musicales, textuelles et visuelles, leur permettant ainsi de percevoir leur propre composition audiovisuelle. Créant souvent une séparation entre le visuel et le sonore, il développe à l’aide de dispositifs adéquats une dramaturgie de l’écoute différente à chaque spectacle, qui sollicite de la part du public actif une exigence d’attention et d’éveil. Dès sa première mise en scène en 2008, le tournant acoustique observé sur les scènes contemporaines depuis la fin des années 2000 s’exprime de façon organique dans le travail de cet artiste. Souvent, les qualités purement sonores et auditives l’emportent, qu’elles soient centrées sur la voix parlée des acteur·rices et la « proximité » rythmée de leur respiration, ou sur un paysage sonore riche, comme si la scène pouvait se dématérialiser. Pour autant, Alexandre Doublet crée des espaces sensoriels délectables et propose un théâtre de pure émotion qui capte le sensible par l’infime son, la vue de l’infime mouvement, le moindre souffle. Les interprétations restent ouvertes, les expériences spectatorielles singulières.

Dans cet entretien nous traverserons ses trois derniers spectacles, résumés ci-dessous, pour nous concentrer sur les dispositifs d’écoute, en particulier les casques silent party[1] utilisés dans Retour à la Cerisaie.

La Machine dans la Forêt (2022) est une expérience intimiste avec un dispositif minimaliste, entre théâtre hors les murs et installation éphémère. Chaque semaine, dans un nouvel emplacement, un·e interprète différent·e lit un monologue écrit par le metteur en scène alors qu’un « livre d’images » est projeté sur son corps et l’espace qui l’entoure. Sous l’emprise d’une boucle musicale (Spiegel im Spiegel d’Arvo Pärt), le public est emporté, au choix, par la parole, la voix, la poésie du texte ou par celle des images.

Dans le spectacle Retour à la cerisaie (2021), inspiré entre autres de Tchekhov, l’immersion sonore est au centre de la représentation par le biais de casques silent party procurés à la fois aux comédien·nes et au public. Par un décor minimal et ouvert – la structure légère d’une maison placée soit dans la nature soit dans un espace fermé –, ce spectacle permet au public de déambuler autour du « plateau » pendant son déroulement. Il est ainsi proposé à la fois au public et aux comédien·nes d’expérimenter une coprésence mise en question par un isolement qui concerne autant les un·es que les autres.

Love is a river (2018) est inspiré de Platonov de Tchekhov. Le metteur en scène y propose une variation sur un thème et un cinéma pour l’oreille[2]. Les voix des comédien·nes, préenregistrées et entremêlées à des bruitages et des extraits musicaux de films, deviennent l’unique bande sonore et la partition à interpréter par les mouvements ralentis de leurs corps sur scène, dans un décor fixe et délimité par de l’eau. L’univers sonore immersif permet de détourner l’attention d’un visuel scénique plutôt statique, offrant au public le choix d’une écoute à l’aveugle. Dans cette mise en scène proche du « modèle musical », les voix des comédien·nes regagnent une valeur opératique, précisément d’opéra (parlé) radiophonique[3].

L’entretien a eu lieu le 19 octobre 2022, au MCBA à Lausanne, entre deux représentations de son spectacle La Machine dans la Forêt.

 

 

Le point de départ de ton travail est-il le son, la musicalité du texte ou les voix ? Tu travailles souvent à partir du collage des textes que tu choisis soigneusement dans le répertoire classique. Qu’est-ce qui guide tes assemblages ?

Mon point de départ est le sujet, toujours. Dire la vie[4] touche aux récits qui transforment les vies. Love is a river raconte un choc irréversible. Retour à la Cerisaie, c’est revenir pour quitter, comment quitter. La Machine dans la Forêt dit ce qui reste quand il n’y a plus rien. Pour le prochain spectacle, j’ai déjà des thématiques. L’étape suivante est de chercher comment puiser des mots et des phrases dans la littérature, dans le cinéma, dans la musique, dans la poésie, qui viennent alimenter la thématique. Ensuite, j’assemble ces matériaux et je crée des maquettes. Je dis toujours que j’écris pour le théâtre, mais pas du tout avec l’idée d’être publié. Il s’agit d’un vrai projet d’écriture, sans que je ne me définisse comme un auteur à l’ambition littéraire, même si la langue est extrêmement importante et que je travaille dessus. Ce que j’écris est là pour être dit à voix haute. Les mots, c’est la moitié du travail, et pour que ça fasse sens, j’ai besoin que les acteur·rices prennent la parole.

Tu dis souvent que tu n’es pas musicien, pourtant ton travail est centré sur l’acteur·rice et la voix, et tes spectacles se distinguent par leur musicalité. Quel est ton rapport à la musique, au son, à l’écoute ?

Je ne suis pas musicien, mais il y a quelque chose pour l’oreille et l’écoute qui me passionne. Je me suis initié à cela au fur et à mesure. Écouter de la musique ou des chansons fait partie de ma vie, et dès mon premier spectacle en 2008, c’était cela[5]. La radio me passionne, écouter un film me passionne plus que de le regarder, et je ne peux m’endormir sans écouter quelque chose. Le travail de l’écoute est très important dans ma vie. Mais, depuis Dire la vie (2016), j’ai réalisé que j’ai mis du temps pour que le silence arrive dans mon travail et que je le laisse entrer. Il y a toujours une dualité avec le silence, toujours un fond sonore qui est là.

Cela rappelle ce que Daniel Deshays dit souvent dans ses cours pour ingénieur·es du son et réalisateur·rices : « Le silence est toujours habité. » Dans tes spectacles, tu es particulièrement attentif aux dispositifs et aux paysages sonores. Comment procèdes-tu, avec le son et le silence ?

Depuis Dire la vie, ce qui m’intéresse est de trouver une langue, un langage, qui crée un lien entre les personnages, les interprètes, mais aussi avec les personnes qui viennent voir le spectacle ; je me demande toujours dans quel état j’ai envie de les mettre. Donc, quand je pose des phrases et des mots, quand je m’inspire des œuvres et que je fais des collages pour que ça devienne une histoire originale, je mets les mots les uns après les autres, je les dis à voix haute et je m’enregistre plusieurs fois. Ensuite, j’écoute et réécoute, je remélange, je ne mets ni virgules ni points, mais j’introduis les respirations. Et cela produit un langage commun entre tous les personnages, même si ceux-ci n’expriment pas la même chose. Ils expriment leurs désaccords en parlant la même langue. À ce langage, j’ajoute un paysage sonore, qui vient très rapidement dans mon travail, à travers un choix d’œuvres de compositeurs et de compositrices, des chansons, d’autres sons, ou des tas de choses liées à une ambiance sur laquelle je peux poser la parole. Cette ambiance peut être tout à fait réaliste, des grillons, l’orage, etc., comme au cinéma, mais d’autres ambiances peuvent surgir de sons complètement déconnectés d’une forme de réalité, avec des compositions du type de celles d’Arvo Pärt ou de Richter. Ensuite, j’enregistre ma voix, et en même temps je commence à faire ces montages sonores. Et je passe toujours de la maquette écrite (le brouillon) à la maquette sonore. Quand je réécoute, je change l’architecture de ma page chaque fois qu’il y a un mot ou une citation qui ne va pas, et je modifie chaque son, chaque morceau, je change même de compositeur·rice s’il ne convient pas. Je construis proprement comme cela, et j’écris pour enregistrer immédiatement ! Donc, j’écris pour l’oreille directement !

Puisque tu es à l’origine de la conception sonore de tes spectacles, comment travailles-tu avec tes ingénieur·es du son, et quelle est la place du travail sonore dans l’élaboration du jeu ?

Je fais écouter aux interprètes la maquette enregistrée avec ma voix, c’est ainsi pour tous les spectacles. Pour moi, c’est important qu’ils et elles entendent quelque chose, et ceci ne dit pas comment il faut jouer mais quel est le paysage sonore. Mes interprètes doivent d’abord savoir dans quel paysage sonore ils et elles se trouvent et s’en imprégner. Je fais donc tout le montage sonore moi-même, de manière artisanale, et c’est prêt avant même le premier jour des répétitions : quel morceau, quoi et comment, ce qui va au-dessus de quoi, comment ce sera mixé… J’envoie en l’occurrence à mon ingénieur·e du son, qui écoute, me donne son avis, et qui passe ensuite les sons sur une autre bande de montage (professionnelle). De ma structure, rien n’est modifié. C’était très agréable de travailler avec Margaux Robin, également avec Philippe De Rham pour Love is a river. Pour ce spectacle, tout était enregistré, sauf certaines choses en direct, mais, pour Retour à la Cerisaie, Margaux avait plus de travail, parce que c’est du live : la voix s’ajoute puisque les interprètes parlent en direct. Mais elle respectait les endroits où je voulais que cela bascule, les moments de rupture. Nous avons pour idée de « mettre en place » ce que j’ai écrit au niveau sonore. Nous avons parlé de l’écriture, du son, et des allers-retours entre les deux, mais tant que je ne sais pas comment l’espace s’organise, je ne peux pas avancer.

Retour à la Cerisaie – Filage(s)
Avec Malika Khatir, Arianna Camilli,
Pierre-Isaïe Duc et Simon César Forclaz au steady-light
Cie ADVQ, janvier 2021
© Magali Dougados

Cette écriture sonore n’a-t-elle pas un lien avec la façon dont tu as négocié la crise sanitaire ? Le confinement a été un moment particulier pour toi et ta compagnie, les représentations de Retour à la Cerisaie ayant été annulées à la suite de la fermeture des théâtres. Pourquoi avoir choisi de transmettre ce spectacle en direct pendant quatre soirées et en audio seulement, plutôt que de le diffuser en streaming vidéo ?

À un moment donné, nous n’avons pas pu jouer et, comme tout le monde, j’ai très mal vécu la fermeture des lieux. Mais j’ai vécu encore plus mal le fait que collectivement nous n’étions pas capables de nous organiser pour que les institutions restent ouvertes, pour qu’il y ait toujours une permanence culturelle. Et je ne parle pas du fait qu’ici ou là, il y avait des liens pour aller voir la captation de tel ou tel spectacle. Je parle d’une urgence, de ce que nous pouvons fabriquer, de ce que nous pouvons faire de là où nous sommes. Puisque nous ne pouvons pas voir les gens, et puisque l’origine du travail sur Retour à la cerisaie est toujours le son, alors, comment pouvons-nous continuer à émettre ?

 

Filage(s)
Émission radio en direct autour de la création de Retour à la Cerisaie d’Alexandre Doublet
Extrait du début de l’émission du 25 janvier 2021 (émission 3)
L’intégralité de la série d’émissions est accessible ici

 

Tu as inventé le concept de l’émission filage[6]. Ta voix et celle de la journaliste Isabelle Cornaz ont accompagné les auditeur·rices tout au long de ces émissions pour décrire ce que nous ne pouvions pas voir. Pourquoi ce besoin de décrire le champ visuel ? Était-ce un besoin de renouveler le genre de la pièce radiophonique ?

Pendant le confinement, nous avons fait une version purement sonore qui n’était ni de la radio ni l’émission filage. À la première répétition, l’équipe s’est réunie sur zoom, je les ai tous et toutes enregistré·es séparément, puis j’ai fait un montage. Ensuite, Margaux et moi avons travaillé ce montage pour le rendre prêt à être joué. J’adore la radio, et c’est là qu’est venue l’idée de faire une émission en direct avec la journaliste radio Isabelle Cornaz. Pendant la période où les théâtres étaient fermés, les sites des théâtres et les télévisions transmettaient des captations, mais aucun spectacle n’avait de support radiophonique autre que celui des pièces purement radiophoniques, un genre qui ne me passionne pas. Ce que nous avons proposé est plus proche de l’événement en direct suivi à la radio. C’est pourquoi je dis au début, dans le générique : « C’est comme quand nous suivons un match de foot en direct. » Quand nous écoutons un événement décrit en direct à la radio, nous sommes obligés de compenser l’absence d’images par quelque chose.

Sommes-nous capables de retranscrire en direct une pièce de théâtre, et même une pièce de danse, sans tomber dans l’audiodescription[7], qui est encore autre chose ? Ces interrogations, présentes dans les émissions filages, je veux continuer à les aborder avec ce type de travail. Elles sont nées dans l’ambiance du Covid, de la frustration d’une envie de transmettre et d’un puissant désir de nous retrouver.

 

Filage(s)
Émission radio en direct autour de la création de Retour à la Cerisaie d’Alexandre Doublet
Extrait de l’émission du 26 janvier 2021 (émission 4)
Avec les commentaires d’Isabelle Cornaz, Alexandre Doublet
et la voix de l’actrice Anne Sée

 

Filage(s)
Émission radio en direct autour de la création de Retour à la Cerisaie d’Alexandre Doublet
Extrait de l’émission du 21 janvier 2021 (émission 1)
Avec les voix des acteur·rices Anne Sée, Elie Autin, Arianna Camilli, Pierre-Isaïe Duc, Malika Khatir
et les commentaires d’Alexandre Doublet, Isabelle Cornaz, Denis Maillefer

 

L’immersion sonore est une caractéristique de tes spectacles. Dans Retour à la Cerisaie, l’utilisation de casques silent party renforce le caractère immersif de ton spectacle. Ces casques permettent d’organiser des soirées et des événements dans des lieux improbables. Au théâtre, où ils sont associés à des approches narratives basées sur le son et la lumière, les casques permettent au public de se déplacer au rythme de la pièce qui se déroule, mais c’est aussi une expérience silencieuse qui permet à chaque fois d’écrire l’espace de la représentation de façon éphémère. Ce dispositif d’écoute a une dimension esthétique mais aussi sociale. Pourquoi as-tu choisi le port des casques silent party pour les interprètes et les spectateur·rices ?

Tu as tout dit. (Rires.) Nous voulions le dispositif le plus simple et le plus radical possible. Au début je voulais les casques silent party pour les spectateur·rices uniquement, et un micro (avec ou sans retour) pour les interprètes. À la première répétition, l’ingénieure son, Margaux, m’a indiqué que les problèmes de larsen entre micros et casques rendaient ce choix impossible.  Pour éviter l’effet Larsen[8], j’ai donc proposé qu’interprètes et technicien·nes portent des casques sans fil. À la fin de la journée, Nicolas Fleuri, qui travaille sur la scénographie et les costumes, et moi avons constaté qu’un espace commun était en train de se dégager, dans lequel nous formions un ensemble uni. Tout le monde était logé à la même enseigne, ces casques allaient rester.  J’ai ensuite compris que le personnage qui est là mais pas là, joué par Delphine Rosay Gómez Mata, devait être traité différemment ; donc, elle seule porte des retours cachés dans les oreilles, et cela donne l’impression que ce personnage n’est pas branché par rapport aux autres. Spectateur·rices et interprètes ont des casques, elle seule traverse le plateau sans casque et entend tout, ce qui lui donne une autre fonction. C’est ainsi que nous avons déterminé ce personnage fantomatique, qui n’est pas branché comme les autres. Le plus intéressant pour moi sont les points d’irritation, la profondeur du propos, et que le dispositif soit à vue, le steady-light[9], le décor, les casques, la régie ; que l’on puisse voir tout le monde au travail, mais aussi voir les gens à leur barbecue aux abords du Théâtre de Vidy. La force mentale et la capacité d’imagination des spectateur·rices sont plus importantes que les ficelles qui amènent à l’imaginaire.

Love is a river
Avec Marion Chabloz, Alexandre Doublet,
Malika Khatir, Loïc le Manac’h et Anne Sée
Cie ADVQ, septembre 2019
© Gregory Batardon

Chacun de tes spectacles propose une autre écoute acousmatique des voix au théâtre. Dans Love is a river et dans Retour à la Cerisaie, tu nous invites à vivre le rythme, à vivre le souffle, l’intensité acoustique, le timbre des voix. Les casques créent une isolation acoustique et phonique pour éviter toute autre nuisance sonore externe, et en même temps, le moindre chuchotement est direct et amplifié dans l’oreille, si bien que notre attention à la parole est accentuée. Y a-t-il quelque chose de l’ordre de la transmission d’une vérité, le public devient-il témoin de cet aveu ? Quelle dimension révèles-tu ici et que veux-tu atteindre chez les spectateur·rices ?

Oui, cela touche au témoignage, à la transmission, c’est assez juste. J’évoquais cette image aux interprètes : être dans la nuit, quand tu te mets à parler à quelqu’un qui t’est très proche, très cher, ou juste à quelqu’un avec qui tu as passé la nuit, et tu lui racontes des choses que tu ne raconterais jamais si la lumière était allumée ou si tu le voyais les yeux dans les yeux. Le son de ta voix est complètement différent. Et cela nous est arrivé à tou·tes à l’adolescence. Je parle souvent à mes interprètes de cette fréquence-là et je leur demande de la trouver. Cette chose qui fait que ce n’est pas la voix habituelle, que ce n’est pas la manière habituelle de parler, car ce qui se dit là, ne pourrait pas se dire au grand jour, personne n’arriverait à dire dans la vie ces mots-là de cette manière-là.

Je parle souvent du cinéma pour l’oreille. Je dis à mes interprètes que ce qui compte est d’être toujours vigilant au volume utilisé, à l’articulation, aux mots à faire briller. La manière de le dire, on s’en fiche ; sujet, verbe, complément et respirer là où il faut respirer, ne pas rajouter de larmes là où il n’y a pas besoin – si ça vient, ça vient, mais ce n’est pas ça qui compte –, il faut avancer, dites les mots et cela créera des images, cela créera de la pensée et du sensible, mais pour des personnes qui entendent ! Parlez à des personnes qui vous écoutent, pas à celles qui vous regardent ! C’est ce que je leur dis toujours : nous sommes habitué·es à regarder les gens qui nous parlent, c’est social, mais nous ne les écoutons peut-être même pas.

L’écoute attentive donne un statut particulier à la voix, qu’on retrouve aussi à chacun de tes spectacles. Le moindre souffle des acteur·rices est audible, autant avec les voix enregistrées et diffusées par les haut-parleurs dans Love is a river, qu’avec les voix diffusées par les casques dans Retour à la Cerisaie. Mais l’écoute avec les casques est de l’ordre de la proximité physique, quel est ton point de vue à ce sujet ?

Il y a quelque chose qui à la fois m’intéresse et me frustre au théâtre : on a toujours un plan large. Seule la lumière permet un peu de resserrer, mais on est toujours à distance, et les voix restent au loin. Dans certaines salles, il est possible de moduler, mais avec les casques, je voulais aller jusqu’à l’extrême de la modulation. Dès l’écriture, je travaille dans la pneumatique du texte, c’est-à-dire les points où les interprètes respirent. Les points et les virgules, ils les mettent où ils veulent, mais moi, je sais où je veux qu’ils inspirent. Donc la respiration fait intrinsèquement partie de l’écriture comme elle fait intrinsèquement partie de ce que je veux entendre. Parfois, je leur fais dire un vers qui dure très longtemps, j’aime entendre cette expiration qui s’épuise et les entendre inspirer à nouveau, c’est à cet endroit-là que l’humain apparaît, que la limite de l’humain apparaît. Mes personnages ne sont pas des super-héros, ce sont des gens ordinaires qui parlent, mais qui essayent de dire des choses un peu « extra » ordinaires. Voix, musiques, bruitages sont là, extrêmement proches du casque, et ce dispositif permet d’entendre si on le souhaite même à dix mètres de l’interprète. Sentir l’interprète au plus près de nos oreilles, mais d’aussi loin qu’on le souhaite, créer une dichotomie entre le très loin physiquement, où je peux me protéger, et le très près, où je peux écouter avec une attention particulière ce que l’individu a à me dire. Ainsi dispositifs scéniques et d’écoute permettent de se positionner librement dans la salle, en se déplaçant ou non. Dans Retour à la Cerisaie, c’était une liberté, plus au moins assumée.

Il y a aussi quelque chose comme un podcast qui s’adresse à une personne à la fois ?

Oui, tout à fait. Quand les interprètes parlent, c’est à une personne à la fois, avec l’idée que les spectateur·rices sont aussi considéré·es comme la personne à qui l’on parle. J’aime beaucoup cette définition de Rancière qui dit à peu près qu’il n’y a pas le public, mais des publics, et je m’y réfère aussi en tant que directeur de théâtre. Un groupe n’est pas une masse d’individus qui pensent de la même manière.

Retour à la Cerisaie – Filage(s)
Avec Élie Autin
Cie ADVQ janvier 2021
© Magali Dougados

Le casque abolit la distance entre scène et salle, et relie, différemment de la radio, les humains, ici spectateur·rices et interprètes. Quelque chose de l’ordre de l’intimité se crée. Dispositifs scéniques et d’écoute participent à la proposition d’approcher comédiennes et comédiens, de traverser le plateau, voire de danser. Au TLH à Sierre, pendant la représentation du Retour à la Cerisaie, la merveilleuse danse d’Élie Autin dépassait le périmètre des chaises qui entouraient ce qu’on pourrait appeler plateau et salle, comme si c’était un espace mental qu’il fallait délimiter. Une coprésence nous est offerte avec tous les possibles à saisir. Nous sommes libres de prendre place dans le spectacle, c’est une invitation à quitter notre fragilité, à ne plus cacher notre isolement. Que gardes-tu de cette expérience et comment tes interprètes l’ont-ils et elles vécue ?

Ce que tu dis est assez juste. L’idée est qu’il n’y a pas de limites d’espaces ; danser en traversant tous ces espaces « limités » ou s’asseoir toujours ailleurs, c’est un appel à la mobilité. Mais, depuis mon premier spectacle, il y a aussi une exigence, terrain commun de tous mes spectacles : je ne plonge pas mes spectateur·rices dans le noir et l’anonymat. Je dis toujours aux interprètes : à la fin de la représentation, il faut que vous sachiez qui était assis, où, comment ils et elles étaient habillé·es , quelles étaient leurs réactions à tel ou tel moment. Ce rapport au casque est une exigence d’attention ; les interprètes sont alors dans cette exigence. Et puis l’exigence vient aussi de la lumière du jour. Quand on commence avec la lumière du jour, tout le monde se voit, les spectateur·rices se voient les uns les autres, et la moindre attitude est sociale. Il était plaisant, à chaque représentation en extérieur, de voir comment chacun·e se tient socialement quand il et elle est vu·e par les autres.  En intérieur, c’était différent, comme à la Comédie de Genève, mais nous ne pouvons pas le prendre comme exemple, c’était encore le début. En extérieur, nous nous regardons, nous regardons comment les autres se tiennent, et nous sommes nous-mêmes à vue, personne n’est planqué. Tout le monde a la même responsabilité, nous sommes un groupe social. Puis, petit à petit, la nuit tombe et les corps ne sont plus du tout pareils, il y a une forme d’intimité qui se produit entre les personnes, comme s’il y avait quelque chose qu’elles avaient vu des autres ou d’elles-mêmes. C’est très bizarre : à la fin, quelque chose change complètement. Il y a aussi l’idée du jeu-non-jeu : je joue tout en montrant que je joue, et si quelque chose se passe, je peux arrêter de jouer et l’intégrer ; je ne suis pas dans une bulle, je suis avec la réalité qui m’entoure. L’accident et l’imprévu doivent faire partie du processus de création.

Retour à la Cerisaie
Avec Élie Autin, Arianna Camilli, Pierre-Isaïe Duc,
Malika Khatir, Delphine Rosay Gómez Mata,
Anne Sée et Simon César Forclaz au steady-light
Atelier peinture de la Comédie de Genève, juin 2022
Capture d’écran issue de la captation
© Cie ADVQ, Simon César Forclaz

Comment vous êtes-vous préparé·es ? Les interprètes étaient-ils et elles prêt·es à l’improvisation ?

Je fais beaucoup de filages. Je protège au maximum les interprètes, mais je n’empêche pas la vie de tourner autour du travail. Comme pour Love is a river et pour Retour à la Cerisaie, les corps sont dessinés dans l’espace, le croquis est fait, mais ce n’est jamais la même chose pendant la représentation, c’est-à-dire qu’ils ne sont jamais à la même place. Les interprètes savent quel est leur plan, comment se retrouver à tel moment à tel endroit, mais le rythme avec lequel ils et elles y vont varie chaque soir.

Le terme improvisation est un peu fort, c’est plutôt s’adapter en permanence. Il y a une sorte de porosité, la vie alentour s’infiltre quand nous ne sommes pas protégé·es par l’espace, par la boîte noire d’une salle fermée de théâtre. Par exemple, devant le Théâtre de Vidy au bord du lac, il y avait des fêtes et des pétards, ou la pluie se mettait à tomber, et pour continuer le spectacle, il fallait nous déplacer dans le hall d’accueil du théâtre (un autre espace de passage). L’imprévu demande beaucoup d’humilité de la part des interprètes. Je reviens toujours à cela avec elles et eux : ce qui doit être dit et comment le dire, et à l’intérieur de ce cadre loge leur part de liberté. Composer avec les gens est essentiel. Il faut composer avec le public tel qu’il est ce soir-là, autrement il ne faut pas jouer dehors, il ne faut pas jouer, en tout cas pas dans ce dispositif-là.

Je n’aime pas que le spectacle soit strictement figé après les répétitions. Je trouve très intéressant de continuer à échanger sur l’expérience, sur ce qui peut être amélioré. Parce que chaque public nous apprend quelque chose de nouveau sur ce que nous sommes en train de lui proposer. C’est cela qui est très troublant : même si nous racontons chaque soir la même histoire, nous vivons chaque soir une autre histoire. C’était encore plus net avec Retour à la Cerisaie.

Retour à la Cerisaie
Avec Élie Autin, Arianna Camilli, Pierre-Isaïe Duc,
Malika Khatir, Delphine Rosay Gómez Mata,
Anne Sée et Simon César Forclaz au steady-light
Devant le Théâtre de Vidy, juin 2022
© Cie ADVQ, Jean-Paul Felley

Quasiment tou·tes les spectateur·rices ont essayé d’enlever les casques par curiosité, et ont été imprégné·es des chuchotements lointains, des silences habités et des nuisances sonores de la vie alentour. Alors, le temps de transmission de la parole, de la musique se décale. Y a-t-il un jeu temporel voulu ?

Entre deux temps, entre le temps « réel » de la vie et le temps de la représentation, oui, complètement. Et si les gens avaient envie de faire certaines choses, je ne voulais pas qu’ils se disent : « Nous n’avons pas le droit de faire ceci ou cela. » Au début, nous nous sommes posé la question de traiter ou pas le son perçu sans les casques, mais nous avons vite renoncé et décidé de laisser faire la vie ! Nous avions des pistes, mais pas de solution suffisamment puissante pour que cela soit un vrai geste artistique ; j’avais plutôt envie de dire au public : « Faites comme vous voulez. » L’ambiance environnante n’était jamais la même, c’était la foire ou bien c’était très calme. Mais le fait de poser la représentation sur un lieu de passage, en l’occurrence à Vidy, était passionnant parce que des passant·es s’arrêtaient, et avec l’équipe de Vidy, nous leur proposions des casques pour cinq, quinze ou trente minutes ; certaines personnes restaient jusqu’au bout. Ce n’est pas du théâtre de rue, nous ne sommes pas là pour retenir les gens, mais si nous les avons intéressés et convaincus, même un tant soit peu, à écouter ce qui se passe, c’est gagné. Et je trouve bien d’oser poser dans un espace public ce type de formes, qui a priori sont faites pour les salles de théâtre, fermées et protégées du monde extérieur. Jouer en extérieur implique un risque, et toute l’équipe, interprètes et technicien·nes, était formidable, parce que ce n’est pas simple de tout redécouvrir chaque soir. Lorsqu’un pétard éclatait à côté, ou que ça chantait à cent mètres du plateau, personne ne s’est égaré. Ce n’est pas simple de voir « les murs trembler » un peu. Nous effectuons un travail sur l’hypersensibilité ! Pour moi, c’est aussi très politique et je pense profondément qu’il faut maintenant aller chercher les gens, jusqu’au fond de leur tanière.

Quel est ce geste politique dont tu parles ? C’est un théâtre qui est pour tout le monde ?

Il est temps d’être essentiel, car nous nous en sommes pris plein les dents de ne pas l’être. Sommes-nous surpris qu’une grande majorité de la population ne vienne pas au théâtre ? Il faut revenir à l’idée d’un service public, sortir d’une forme « à confort », même si tout n’est pas confortable dans le théâtre. Et les théâtres doivent nous accompagner dans ces démarches. Il faut défendre la place des théâtres dans cette démarche ; c’est pour ça qu’avec La Machine dans la Forêt, Retour à la Cerisaie, et mes spectacles futurs, l’idée est d’aller chercher le public au fond de ses terriers. Il faut créer des projets qui se jouent pour tout le monde et aussi jouer pour des gens qui ne peuvent pas aller au théâtre ; il faut donc regagner les prisons, les maisons de retraite. Beaucoup d’artistes le font, mais tout·es seul·es depuis des années. Il est temps de nous remobiliser et de regagner du territoire ; il faut ressortir. Par exemple, avec La Machine dans la Forêt, nous allons aussi jouer chez les gens, dans leurs appartements. Après la fin des quarantaines, beaucoup de personnes ont repris leurs activités d’avant, sauf retourner au théâtre. Il va falloir reprendre du terrain, redevenir essentiel. Ce n’est ni une vision ni une insurrection, mais il est hors de question que je fasse un travail qui n’intéresse que 3 % de la population.

Et as-tu été soutenu par plusieurs théâtres dans tes démarches ?

Avant le confinement existait le dispositif qu’on appelait « hors les murs ». Avec La Machine dans la Forêt, nous sommes parti·es en autoproduction, avec un dispositif léger, réduit au minimum et recyclé ; je voulais tester sans contraintes. Aujourd’hui, en l’occurrence, nous sommes soutenu·es parce que, depuis le Covid, les théâtres aussi ont compris que quelque chose devait être remis en question.

Autre considération politique : dans ta démarche artistique, y a-t-il une réflexion sur cette coprésence, sur l’isolement qui concerne autant les un·es que les autres ?

L’isolement est collectif. Je suis seul·e dans le collectif. Je ne suis pas noyé·e et j’ai une responsabilité. J’existe, mon corps est dans l’espace, mon corps est là, on me voit, ma solitude est vue, regardée. Assise autour du plateau, chaque personne regarde et a l’impression d’être regardée.

Ainsi, dans ton travail, la recherche sonore s’accompagne d’une recherche sur la place des spectateur·rices, la scène et la salle évoluent ensemble ?

Oui, et l’objet casque est tellement un objet d’aujourd’hui. Nous avons tou·tes nos casques dans nos sacs ou sur les oreilles, que cela soit un kit mains-libres pour téléphoner ou pour écouter de la musique, c’est devenu normal partout. C’est la suite logique de la technologie utilisée. Le paradoxe est que le casque isole, comme tu dis, et en même temps il réunit, du fait que nous entendons le même son (dans le spectacle). C’est le paradoxe en permanence. Bien sûr, il y a la liberté de faire ce qu’on veut. Mais quand nous disons « Faites ce que vous voulez », nous nous rendons compte que les spectateur·rices ou bien s’en empêchent, ou bien n’ont pas le courage de bouger et restent là où ils sont.

Love is a river
Avec Malika Khatir, Anne Sée et Loïc le Manac’h
Cie ADVQ, septembre 2019
© Gregory Batardon

Enfin, limmersion sonore conduit à un certain détachement du regard, comme pour le cinéma pour l’oreille, où dans les salles obscures notre écoute à l’aveugle réveille l’imaginaire, le voyage interne, le rêve. Dans Love is a river, tu proposais quelque chose que la photographie ne peut pas faire. C’est cet instant que Gregory Grewdson[10] essaye de capter avec ses photos, que tu nous fais vivre en une heure. C’est l’expérience du temps.

Oui, l’objectif était de faire vivre la photo. J’essaie simplement de révéler quelque chose que j’ai pu découvrir sur moi, et que tout le monde a. Il y a un rapport particulier au temps dans La Machine dans la Forêt, sous cette boucle sonore d’Arvo Pärt. Tel que j’ai écrit le texte, et tel que j’invite les gens à débrancher la prise, comme je le leur dis, je cherche à recréer et à faire revivre une sensation de spectateur que j’ai vécue, il y a très longtemps. La première fois que je suis allé voir Melancholia, un spectacle de Claude Régy sur le texte de Jon Fosse, je n’avais plus aucune notion du temps écoulé. Cette dilatation du temps, Régy en parle tellement bien. Parfois on y arrive, parfois non, cela dépend des projets, mais je ne suis pas Claude Régy bien évidemment. Le théâtre peut nous permettre d’un seul coup de perdre ce qui nous pèse et nous oppresse parfois. La grande lutte contemporaine, c’est le rapport au temps. Les technologies règlent notre rapport au temps. Dans nos quotidiens, nous sommes toujours dans un rapport de dualité avec le temps. Et cette chose, le rapport au temps, qui me passionne profondément, je l’intègre dans mes spectacles, autant dans Retour à la Cerisaie que dans Love is a river et La Machine dans la Forêt. J’aime bien l’idée d’avoir déconnecté les gens, qu’ils soient un peu esseulés. C’est pour ça que je les invite à « s’esseuler eux-mêmes ». (Rires.)

 

Love is a river
Création en mars 2019 à la Comédie de Genève
Extrait de la captation
Avec Marion Chabloz, Alexandre Doublet, Malika Khatir, Loïc le Manac’h et Anne Sée
© Cie ADVQ, Stéphane Darioly (videocraft.ch)

 

 

Ioanna Solidaki remercie vivement Alexandre Doublet, Valérie Quennoz,
les photographes et les vidéastes pour leur collaboration ;
Alexia Bonvin et les éditrices pour leurs relectures attentives.

 

 

Notes

[1] Les casques silent party ou silent-disco sont un système de diffusion audio par un réseau d’écouteurs-casques sans fils, avec la possibilité d’avoir un ou plusieurs canaux d’écoute sélectionnables.

[2] Dès les années 1990, des groupes d’artistes, réunissant des compositeurs, des vidéastes et des ingénieurs du son, initient une forme de concerts appelée cinéma pour l’oreille. Ce terme est inspiré de la bande son fixée sur une pellicule de film à entendre. Les créations sonores sont pensées en termes d’images, de narrations, de paysages, et sont proposées à un public assis ou déambulant dans la pénombre d’une salle de cinéma ou d’un autre espace. L’imaginaire du public se construit librement au cours de l’écoute à l’aveugle grâce à un voyage intérieur.

[3] Pour l’étude approfondie de cette mise en scène avec les notions citées (« variation sur », « cinéma pour l’oreille », « opéra radiophonique »), voir Ioanna Solidaki, « Love is a river vs Platonov ? La mise en scène contemporaine au-delà de la notion d’adaptation », dans Alberto Roncaccia et Martine Hennard Dutheil de la Rochère (dir.), Traduire, illustrer, réécrire, mettre en scène : regards croisés, Florence, Franco Cesati Editore, 2023, p. 147-165.

[4] Dire la vie (d’après Marguerite Duras, Michel Foucault, Annie Ernaux, Didier Eribon et Serge Doubrovsky) a été présenté au Théâtre Arsenic de Lausanne, au TLH, et au Centre Culturel Suisse de Paris (2016-2017).

[5] Il s’agit de la série théâtrale Il n’y a que les chansons de variété qui disent la véritéPlatonov, qu’il a commencée en 2008. Elle a été présentée en entier au Théâtre Arsenic de Lausanne et au Centre Culturel Suisse de Paris (2013-2014).

[6] « Émission filage » est le terme créé par la Cie ADVQ pour ces quatre émissions radio en direct. Le terme « filage » se réfère à la méthode de travail qu’Alexandre Doublet utilise toujours avec ses comédiennes et comédiens, qui à chaque répétition jouent le spectacle en entier. Chaque émission était un nouveau filage dans l’espace scénique, avec le port des casques par les comédien·nes et les technicien·nes mais sans le public, à qui l’accès était interdit durant la pandémie. Pour chaque émission, avant et après le filage, un·e invité·e échangeait avec l’équipe théâtrale et la journaliste autour d’une thématique liée au spectacle. L’intégralité des quatre émissions filages est disponible sur le site de la Cie ADVQ (renommée Cie AD). Les extraits audio insérés dans l’entretien proviennent d’émissions filages distinctes. Le spectacle a été reprogrammé après l’ouverture des théâtres.

[7] L’audiodescription est une technique de description des éléments visuels d’une œuvre audiovisuelle, qui donne aux personnes aveugles ou malvoyantes les éléments essentiels à sa compréhension (décors, personnages, actions, gestuelles). Le texte est enregistré avec une voix neutre qui est insérée entre dialogues et bruitages et mixée avec le son original.

[8] L’effet Larsen est un sifflement de fréquence aiguë.

[9] Steady-light est une source lumineuse fixe qui suit les personnages, elle est tenue par une personne et attachée sur elle comme un steadicam.

[10] Le photographe américain Gregory Grewdson (1962) a comme méthode de travail d’installer un set design de cinéma dans lequel il sculpte l’image avec la lumière. Il recherche significations et tensions dans les contrastes capturés lors d’un instant parmi plusieurs, afin que ses photos deviennent des moments narratifs de cet instant. Nous approfondissons ce rapprochement dans notre article « Love is a river vs Platonov ? La mise en scène contemporaine au-delà de la notion d’adaptation », art. cité, p. 160-161 : dans Love is a river, la scène du théâtre réanime ce que la photo laisse plutôt imaginer, et pendant le spectacle nous expérimentons la durée relative d’un instant.

 

Pour citer ce document

Alexandre Doublet, « Écrire pour l’oreille », entretien réalisé par Ioanna Solidaki, thaêtre [en ligne], Chantier #8 : Dispositifs sonores. À l’écoute des scènes contemporaines (coord. Marion Chénetier-Alev, Noémie Fargier et Élodie Hervier), mis en ligne le 15 janvier 2024.

URL : https://www.thaetre.com/2024/01/15/ecrire-pour-loreille/

 

À télécharger

« Écrire pour l’oreille »

 

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